Thérapie de groupe réussie
Les précurseurs du mouvement hip-hop au Sénégal et en Afrique ont célébré un anniversaire particulier samedi. Entre prestation musicale de haute facture et lavage du linge sale en public, le PBS s’est ressuscité au monument de la Renaissance africaine.
Des larmes, de la joie, de la nostalgie, des retrouvailles, des mélodies exquises.... Une palette de sentiments aussi divers que le répertoire musical du Positive Black Soul (PBS) a été offerte par le public, samedi, lors de l’anniversaire de ce groupe hip-hop. Et pas n’importe quelle célébration, puisque les pionniers du rap africain fêtaient un quart de siècle de musique.
Ces noces d’argent ont été d’autant plus émouvantes que le duo s’est livré à un mea culpa, en live, sur les motifs de leur séparation au début des années 2000 : ‘’On dit que je t’ai pris ta femme, et que j’ai détourné de l’argent t’appartenant. Tout ceci est absolument faux. Mais s’il se trouve que je t’ai causé du tort d’une manière ou d’une autre, ici devant tout le monde, je te demande pardon’’, a déclaré DJ Awadi, le lead vocal à son comparse Doug-E-Tee. Ce dernier de répliquer : ‘’Pour se séparer, il faut avoir été ensemble. C’est vous (le public) qui nous avez pardonné d’abord car beaucoup ont été fâchés par ce qui s’est passé. La rupture a été difficile.
On m’a traité de drogué et on l’a traité de truand. Personne ne connaît les véritables motifs de notre séparation et ne le saura jamais. C’est pourquoi chacun y va de son avis. Ce n’est pas entre lui et moi, c’est entre vous et nous. On a signé ce contrat de fraternité, d’amour, parce que vous avez cru en nous et nous ne devons pas vous décevoir. Mais on s’aime bien, on est des potes et les haters (détracteurs) vont mourir.’’
Une thérapie de groupe que les flashs d’appareil photos et les caméras de cellulaires ne se sont pas privés d’immortaliser. La mélodie blues du morceau ‘’back again’’ n’a fait qu’ajouter plus de féerie à ce moment poignant. L’assistance d’abord incrédule devant cet instant magique, ponctue cet exorcisme par des hourras, des sifflets et des applaudissements. Certaines âmes sensibles, yeux embués, n’arrivent pas à se contenir et essuient des larmes de bonheur.
Pour cette réconciliation, la symbolique a été évocatrice à plus d’un titre. Le PBS a choisi de renaître de ses cendres au monument de la Renaissance africaine : ‘’Honnêtement ce n’était pas prémédité. On voulait jouer au Grand théâtre, puis à Sorano, mais ces structures étaient déjà prises, tout était plein. Il n’y avait que le monument de la Renaissance. Mais personne n’a jamais joué ici. On a osé relever le défi et on a réussi le pari’’, jubile Doug-E-Tee.
Le spectacle au rendez-vous
Après cette séance d’explication, les fans du groupe ont eu un autre motif d’être heureux. Awadi a promis des concerts gratuits pour marquer le coup à la Sicap, Pikine, Guédiawaye et en Casamance. Pour son entrée, le Crew n’a pas lésiné sur une mise en scène savamment orchestrée. Après les prestations du groupe Da-brains, d’Idrissa Diop, et les déhanchés de ‘’No limit’’, groupe de breakdance, l’entrée des héros du jour était digne d’un show à l’Américaine. Les vives lumières qui ont jusque-là sur-éclairé la scène se sont abaissées, baignant le nombreux public dans une pénombre qui laissait voir les bracelets fluo autour des poignets.
Tout d’un coup, les deux écrans géants déroulent un court-métrage réalisé exprès pour les 25 ans du groupe. Alors que le film se terminait par une explosion et un feu d’artifices, le duo a fait irruption au grand bonheur des fans. Vêtus de tuniques blanches qu’ils troqueront plus tard contre un habillement hip-hop, le binôme enchaîne les titres qui ont fait sa légende dans un délire de la foule : ‘’boul falé ‘’, ‘’Capsi’’, ‘’je ne sais pas’’, ‘’daw thiow’, ‘’ya ngi deglou’’, ‘’gold diamond’’, ‘’nubian sound’’...ont été revisités par le groupe ainsi que des titres plus récents et quelques morceaux de leurs carrières solo. Une cérémonie qui a fait chavirer de bonheur le roi du mbalax : ‘’Je suis heureux et comblé de les avoir accompagnés sur scène’’, lance Youssou Ndour, après une prestation express. Comme clou du spectacle, le morceau ‘’back again’’ avec un refrain bien à propos ‘’Ça fait 25 ans que ça dure... ‘’.
REACTIONS...REACTIONS…REACTIONS... Idrissa Diop (musicien) : je suis très fier d’assister à cet anniversaire car le PBS a fait connaître le rap sénégalais partout dans le monde. C’est la foi qui soulève des montagnes. Ils ont su gérer leurs carrières. C’est vraiment le number one sénégalais, il faut que tout le monde le sache. Que les gens comprennent que dans tout mouvement, il y a des gens qui sont devant et les autres suivent, mais ce n’est pas parce qu’ils sont derrière qu’ils n’existent pas. Le PBS est devant, la musique qu’ils font, la qualité, la performance, le texte, les idées, l’engagement, la passion...ils ont mis la barre très haut. Il faut que le mouvement hip hop les suive car ce n’est que bénéfice. Bakhaw (Da Brains): C’est extraordinaire. C’est quelque chose dont on rêvait et aujourd’hui, nous les revoyons sur scène ; c’est magnifique. Awadi et Doug-Tee, personne n’y croyait donc. Mais si ça a duré aussi longtemps, c’est qu’il y avait quelque chose d’authentique. Ils l’ont fait avec le cœur et Dieu fasse que cela perdure. Awadi (PBS) : Après 25 ans, malgré tout ce qu’on a dit, vous y avez cru ; voilà pourquoi vous êtes là. Que Doug Tee et moi on se retrouverait sur cette scène au monument de la Renaissance, vous y avez cru. Il y avait des bagarres, vous y avez cru. Voilà pourquoi c’était important pour nous de vous regarder, chacun d’entre vous, malgré notre orgueil et fierté, pour vous dire ce truc qui nous vient du fond du cœur : Je vous aime. Moussé Tombola (artiste): Rien à dire, c’est parfait. Après 25 ans, ils ont toujours la patate. Ils sont au même niveau, voire mieux, sur scène. Le public était complètement fou et ça a été un grand honneur pour moi. Ça fait 25 ans qu’ils sont là, moi j’ai 27 ans, donc c’est un très grand honneur qu’ils m’ont fait. Je les suis depuis la France. Depuis que j’étais tout petit, je suis fan d’Awadi. Aziz Coulibaly (producteur) : La fête a été très belle. On a eu la chance de reconquérir le public. On a toujours cru qu’il attendait le retour du PBS. C’est la renaissance du groupe pour moi. Il s’est d’ailleurs toujours bien porté. Il y a eu cette rupture parce que chacun avait son business à gérer de son côté. Quand certains disent que ça ne fait pas 25 ans à cause de cette séparation, c’est faux. Le groupe a toujours existé, même si on ne fait pas la musique ensemble. PBS, c’est un esprit, ce n’est pas juste Awadi et Doug-Tee. Le duo musical va continuer, il y aura des concerts au Sénégal et un peu partout dans le monde. Doug Tee (PBS): On ressent de la gratitude envers Dieu, le public, nos familles, les mélomanes et les amis qui nous supportent. C’est une bénédiction de fêter 25 ans et la foi est là. Le groupe est né en 1989, ensuite nous avons cheminé pendant une dizaine d’années puis chacun en solo, mais l’esprit du groupe a survécu, c’est ça le plus important. L’âme est ce qu’il y de plus fort, si elle résiste tout demeure. Ce qui nous fait le plus plaisir, c’est que le public était venu en masse, il y avait du monde toutes les générations étaient là, pour s’amuser, rigoler, pleurer ensemble. C’est le début d’une nouvelle histoire entre le public et nous. Le duo va continuer inchAllah. Je crois qu’on a assez appris de nos erreurs, qu’on est mature aujourd’hui. On le fait car on sent qu’ensemble, on est plus fort. On le fait aussi car on le doit au public, au pays et à l’Afrique. Le PBS ne nous appartient plus, c’est un bien public commun. |
Ousmane Laye Diop (stagiaire)