Alerte rouge sur 14 pays, dont le Sénégal

Un nouveau rapport sur la résistance aux antimicrobiens (Ram) a signalé que le Sénégal et 13 autres pays africains connaissent une augmentation des taux d'infections résistantes aux médicaments. Ce qui suscite des inquiétudes sur la capacité du continent à gérer les maladies qui sont difficiles à traiter. Le rapport publié par les centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique) souligne le besoin urgent de renforcer les tests de laboratoire, les systèmes de données de santé et la planification nationale.
Les résultats d’une étude récemment publiée mettent en évidence la propagation croissante de la résistance aux médicaments dans 14 pays africains, soulignant le besoin urgent de renforcer les tests de laboratoire, les systèmes de données et la planification sanitaire pour lutter contre les infections difficiles à traiter. L'étude, baptisée ‘’Mapping Antimicrobial Resistance and Antimicrobial use Partnership’’ (Maap), est la plus vaste du genre jamais menée en Afrique. Elle a été menée par une coalition regroupant les centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC Afrique), la Société africaine de médecine de laboratoire (ASLM), One Health Trust et d'autres partenaires régionaux.
Les chercheurs ont examiné plus de 187 000 résultats de tests provenant de 205 laboratoires, collectés entre 2016 et 2019 au Burkina Faso, en Eswatini, en Éthiopie, au Ghana, au Kenya, au Malawi, au Mali, au Nigeria, au Sénégal, en Sierra Leone, en Tanzanie, en Ouganda, en Zambie et au Zimbabwe.
La résistance aux médicaments survient lorsque les bactéries se modifient et rendent les antibiotiques (médicaments utilisés pour traiter les infections) moins efficaces. Cela signifie que les infections courantes deviennent plus difficiles à traiter, plus coûteuses à gérer et plus susceptibles de se propager. L'étude a examiné des bactéries fréquemment responsables de maladies graves telles que la "Staphylococcus aureus et la Klebsiella pneumoniae". L'un des résultats les plus inquiétants était que la résistance à un puissant groupe d'antibiotiques, les céphalosporines de troisième génération, était particulièrement élevée au Ghana et au Malawi.
Dans six pays, plus de la moitié des échantillons de Staphylococcus aureus étaient résistants à la méthicilline, un antibiotique couramment utilisé dans les hôpitaux. Au Nigeria et au Ghana, les niveaux de résistance dépassaient 70 %. L'étude a également montré que certains groupes sont plus susceptibles de développer des infections résistantes aux médicaments. Les personnes de plus de 65 ans étaient 28 % plus susceptibles de développer des infections résistantes que les adultes plus jeunes. Les patients déjà hospitalisés présentaient un risque accru de 24 %, probablement en raison d'une exposition aux antibiotiques. L'utilisation antérieure d'antibiotiques était également associée à une résistance accrue.
Cependant, l'étude a révélé de graves lacunes. Moins de 2 % des établissements de santé étaient équipés pour dépister les infections bactériennes et seulement 12 % des dossiers de pharmacorésistance étaient liés aux informations des patients. Sans ce type de données, il est plus difficile pour les responsables de la santé de comprendre comment et pourquoi la résistance se propage. La qualité des données variait selon les pays. L'étude note que le Sénégal dispose des systèmes les plus performants, tandis que la Sierra Leone peine à collecter les données. De nombreux laboratoires utilisent encore des registres manuscrits et la plupart manquent de systèmes numériques fiables.
Soutenue par le Fonds Fleming du Royaume-Uni et les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis, l'étude appelle les gouvernements à faire de la résistance aux médicaments une priorité nationale en investissant dans de meilleurs laboratoires, des tests de routine et des systèmes numériques plus performants. Sans action, la menace de la résistance aux médicaments pourrait anéantir des décennies de progrès en matière de santé et de développement.
‘’Pour les pays africains, la Ram demeure un problème complexe qui les confronte à une question cruciale : par où commencer ? Cette étude met en lumière des données révolutionnaires sur la Ram pour les pays africains. Nous devons agir maintenant, et ensemble, pour lutter contre la RAM’’, a déclaré le responsable de l'unité One Health aux CDC Afrique, le docteur Yewande Alimi.
F. BAKARY CAMARA