Apologie du frère Ousmane Sonko
Au proverbe que veut qu’il n’existe pas de héros pour son valet de chambre, Hegel avait répondu que ce n’est pas parce que celui-là n’est pas un héros, mais parce que celui-ci n’est qu’un valet. Quand on est trop petit, on ne peut que viser en-dessous de la ceinture. On vise ce qu’on est et on est ce qu’on vise. Les âmes viles ne visent que la vilenie.
Quand on gouverne les hommes par ses vices, on ne peut que traquer leurs vices, on n’a d’œil et de pensée que pour les vices. Les grands ne voient jamais les petites choses, ils sont suffisamment grands pour ne voir que la grandeur. Se délecter de la mésaventure de ses adversaires, rire de leur mort est la preuve qu’on ne mérite pas de les vaincre loyalement.
Les tricheurs seront toujours des tricheurs et ce, quel que soit leur station : leur univers est la tricherie. Ils sont comparables à des rats d’égouts : la lumière leur éblouit la piètre vue, ils implorent la pénombre pour aller squatter les sales poubelles.
Dans le Concept d’angoisse, Søren Kierkegaard a dit quelque chose de très profond « Quand l'œil vient à plonger dans un abîme, on a le vertige, ce qui vient autant de l'œil que de l'abîme, car on aurait pu ne pas y regarder ». Les compatriotes qui jugent Sonko et qui prétendent qu’il aurait dû ne pas fréquenter un tel lieu n’ont peut-être pas totalement tort, mais ils font hors-sujet.
Ceux qui regardent dans le trou de la serrure sont aussi coupables que les choses abjectes qu’ils épient. Regarder dans l’abîme donne le vertige : mais ceux qui sont tout le temps dans le vertige à cause de leur impotence naturelle n’aiment pas ceux qui assument leur liberté et qui sont placides. Les services que Sonko a rendus à la démocratie ne peuvent pas être dissipés comme ça d’un coup de gomme : la meilleure politique d’un gouvernant dans une démocratie ce n’est pas d’affaiblir ses adversaires leur privant la liberté. C’est plutôt de leur opposer une communication sans parole ni fard : le leadership incontestable par la science et la droiture.
Il y a des actes tellement abjects que leur auteur ne peut être grand, de quelle que manière que ce soit ! Le problème ce n’est pas de savoir si Sonko est allé là-bas ou pas (sauf s’il y a viol évidemment), c’est plutôt qu’à force de fomenter des complots contre ses adversaires on finit par ne plus être crédible. La voix accusatrice du démon est disqualifiée pour juger de la probité de ses victimes.
Alors, aux Sénégalais nous demandons de cesser d’épiloguer sur le problème de mœurs dont Sonko aurait été coupable : il s’agit d’assainir notre république de sorte que dans l’avenir quand un homme politique sera suspecté de tels actes qu’on ne puisse guère le mettre sous le compte des représailles politiques. Il faut en finir avec cette imposture institutionnalisée qui dure depuis 2012. Pour un homme juste, foncièrement patriote et soucieux du progrès social et économique de notre pays, chaque jour qui passe prouve que le Sénégal mérite mieux que ça.
Alassane K. KITANE