Publié le 25 Jul 2019 - 02:27
APRES CANNES

Mati Diop ‘’impatiente’’ de montrer son film aux Sénégalais

 

Elle est arrivée au Sénégal lundi soir, accompagnée de son père, le chanteur Wasis Diop. La réalisatrice Mati Diop, Grand prix au 72e festival de Cannes, est à Dakar pour montrer son film ‘’Atlantique’’. Elle était hier l’hôte de marque du ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop.

 

Elle n’a pas eu les honneurs qu’ont reçus les Lions du football de retour de la Can-2019. Pourtant, elle n’en méritait pas moins. Seulement, sous nos cieux, le football est beaucoup plus populaire que le 7e art. Il n’empêche que la réalisatrice Mati Diop, qui a reçu le Grand prix de la 72e édition du festival de Cannes (14 au 25 mai 2019) grâce à son film ‘’Atlantique’’, a été accueillie lundi soir d’une manière assez chaleureuse, à sa descente à l’aéroport international Blaise Diagne. Cinekap, sa maison de production sénégalaise pour le projet ‘’Atlantique’’, le ministère de la Culture, à travers la Direction de la cinématographie, lui ont dédié un accueil particulier avec une troupe de danse léboue. Cela a dû beaucoup plaire à son chanteur de père Wasis Diop qui était aux côtés de sa fille. Il est très ancré dans la tradition léboue. Mati Diop, elle, c’est sûr, a été séduite.

‘’Je voudrais remercier Cinekap et le ministère de la Culture, pour leur incroyable et extraordinaire accueil hier soir (lundi soir). J’étais extrêmement impatiente de revenir au Sénégal. J’ai été accueillie magnifiquement. Cela m’a beaucoup touchée’’, a-t-elle dit.

Hier matin, c’était au ministre de la Culture  de recevoir la cinéaste de 36 ans, l’équipe de tournage et celle de production. Occasion saisie par la réalisatrice pour partager son impatience à faire voir son film ici dont la première projection est prévue le 2 août prochain au Grand Théâtre. ‘’Je suis très émue et très fière de revenir partager ‘Atlantique’ avec le public sénégalais. Si j’ai décidé de tourner mon premier long métrage à Dakar et en wolof, vous imaginez bien que venir le montrer ici compte beaucoup pour moi. Je suis très impatiente de partager ce moment avec les Sénégalais et très heureuse de leur amener ce Grand prix qui nous a honorés à Cannes’’, a-t-elle sourit.

Pourtant, elle n’y croyait pas trop, au début. Elle avait des appréhensions. ‘’J’avais fait un court métrage ‘Atlantiques’ et un moyen métrage ‘Mille soleils’, avant ce long métrage. Et même si Alain Gomis et Dyana Gaye, qui avaient bien tourné ici, m’avaient bien rassurée que c’était possible de faire des longs métrages ici, je n’en étais pas sûre, parce que je n’avais pas moi-même expérimenté cela’’, a-t-elle indiqué.

Aujourd’hui, elle affirme que ‘’non seulement c’est possible, mais j’ai eu la chance d’être entourée d’une équipe sénégalaise talentueuse’’. Son producteur, Oumar Sall, assure qu’elle a été très exigeante. ‘’Elle ne se fixait aucune limite, à part celles que lui imposait la nature’’, a informé le patron de Cinekap. Elle avait raison eu égard au résultat. ‘’Après la projection à Cannes, j’ai été admiratif de la créativité de Mati Diop, le jeu parfait  des jeunes acteurs et la maitrise de la production par le chevronné Oumar Sall’’, a d’ailleurs dit le ministre de la Culture et de la Communication.

Mame Woury Thioub : ‘’Je veux que mon film soit vu à Matam’’

Cette réception ‘’sargal’’ n’était, en outre, pas seulement destinée à célébrer Mati Diop. Tous les cinéastes qui se sont distingués dernièrement y ont été conviés et ils ont reçu des diplômes de reconnaissance de la part de l’Etat du Sénégal. ‘’Vous faites parfaitement honneur à ce pays’’, a chanté M. Diop.  Ainsi, la réalisatrice Mame Woury Thioubou, qui a décroché le prix du Meilleur long métrage documentaire à la 35e session du festival Vue d’Afrique du Canada, a été reçue aux côtés de Mati Diop.

‘’C’est extrêmement important, pour un cinéaste, d’avoir ce genre de cérémonie, parce que c’est la preuve que ce qu’on fait intéresse les gens et surtout l’Etat. Quand on fait un film et qu’il est vu, c’est à ce moment-là qu’on sait que notre travail a eu la portée qu’il devait avoir. Aujourd’hui, nous appeler aux côtés de Mati Diop qui nous a tellement honorés, qui a honoré le cinéma sénégalais, est quelque chose d’extraordinaire. J’en remercie les initiateurs’’, s’est-elle d’ailleurs réjouie.

Ce qu’elle voudrait maintenant, c’est que ‘’Fiifiiré en pays Cuballo’’ soit vu à Matam où elle l’a tourné. ‘’J’ai fait ce film à Matam et pour les Matamois afin qu’ils comprennent l’importance du fleuve Sénégal qui est le leur’’, a-t-elle plaidé devant le ministre de la Culture et de la Communication.

 Chérif Ace Faty, auteur de ‘’Karine’’ et vainqueur du Grand prix de cinéma Euro-Africain du Maroc était également de la partie ainsi qu’Adama Binta Sow qui vient de décrocher, avec son court métrage ‘’A nous la Tabaski’’, un prix au festival du film de femmes de Fontenay-Le-Fleury. Ce qui va lui permettre de faire voir son film dans toutes les salles partenaires de cet évènement.

Ils ont montré leur film dans une cinquantaine de festivals et ont raflé au moins 15 prix. Ils s’appellent Thomas Grand et Moussa Diop. Ils ont ensemble réalisé le documentaire ‘’Poisson d’or, poisson d’Afrique’’. Ils viennent du Japon où ils ont gagné leur dernier prix, pour le moment, au 6e festival Green image de Tokyo.

La structuration dans le cinéma demandée

Tous ces réalisateurs honorés hier sont jeunes. Ils sont des femmes et des hommes qui insufflent un nouveau dynamisme au 7e art sénégalais. ‘’La relance et le dynamisme du cinéma sénégalais sont aujourd’hui enclenchés. C’est l’occasion ou jamais de se mobiliser pour reconquérir notre place de leader en Afrique subsaharienne, à l’image de vos devanciers comme Sembène Ousmane, Paulin Soumano Vieira, Djibril Diop Mambety, Safi Faye, Ousmane William Mbaye, Moussa Touré, Moussa Sène Absa, Mansour Sora Wade, Alain Gomis, Angèle Diabang, Abdou Lahad Wone, etc. Vous continuerez à rehausser le cinéma sénégalais au-delà de nos frontières’’, souhaite Abdoulaye Diop. Il considère ‘’qu’un avenir prometteur s’ouvre au 7e art sénégalais’’.

L’Etat en est donc conscient et même si le Fonds de promotion à l’industrie cinématographique et audiovisuel (Fopica) est mis en place, il ne compte s’en tenir à cela.  ‘’Ce moment solennel me donne l’occasion de réaffirmer les gages de l’engagement de l’Etat du Sénégal et du gouvernement sénégalais à davantage soutenir et bien structurer le développement des activités culturelles en général, de la cinématographie en particulier’’, a-t-il annoncé.

Cela urge, semble dire Oumar Sall.  ‘’Nous comptons sur ce ministre pour continuer à travailler sur la structuration. Le cinéma jeune a de petits blocages, parce qu’il y a des textes qui sont obsolètes et pour agir beaucoup plus vite, il y a des questions à régler. Nous n’avons pas besoin d’une autre génération de ‘tirailleurs’, il faut tirer tout droit. Il faut dire, en tant que praticien, les contributions que nous pouvons apporter, main dans la main, à côté du ministère et des acteurs pour qu’on arrive à avoir un écosystème favorable’’, a-t-il suggéré.

Adama Binta Sow, elle, pense qu’il faut relancer le Fopica pour garder cette vitalité notée dans le cinéma sénégalais. Les jeunes ont des projets, a-t-elle informé, ils manquent juste de moyens. Quoi de mieux que le Fopica, dans ce cas ?

A entendre le ministre parler, cela ne saurait tarder. En outre, il a exhorté les cinéastes à travailler sur des sujets retraçant des pans de l’histoire du Sénégal. ‘’Votre rôle serait important aux côtés de l’Etat en tant que relais dans un monde où le repli identitaire est énorme. Je pense que c’est la culture qui doit jouer un véritable rôle de relais. Généralement, tous nos problèmes identitaires sont liés à la méconnaissance de l’autre. Aujourd’hui, on vient de finir d’écrire l’histoire du Sénégal ; à vous de jouer avec les historiens, parce que le Sénégal a des hommes très forts qui représentent leur identité, leur référentiel. Je crois à la quête d’identité, il est important que vous réfléchissez sur, en relation avec les historiens, comment on peut mettre en exergue la valeur de tous ces braves hommes qui nous ont permis d’être là’’, a-t-il conseillé aux réalisateurs. Et comme pour les motiver, il a ajouté : ‘’Je demanderai au directeur du Cinéma d’avoir une attention particulière pour ce genre de projets.’’

ANNIVERSAIRE DECES MAMBETY

‘’Les films de mon oncle…’’

Hasard ou coup du destin ? Le ministère de la Culture et de la Communication célébrait hier, entre autres, la réalisatrice Mati Diop. C’était un 23 juillet, date d’anniversaire du décès de Djibril Diop Mambety. L’oncle de la réalisatrice qui a eu une ‘’pensée lumineuse’’ pour l’auteur de ‘’Touki Bouki’’.

‘’Ce sont les films de Djibril Diop Mambety qui nous ont permis d’être ambitieux, de mettre la barre très haut. Nous, nous ne faisons que passer, mais les films, eux, restent. Ils constituent un repère extrêmement important pour les générations futures et je pense que mis à part le fait que c’est mon oncle, ses films ont vraiment été, pour moi, d’une grande inspiration. Il faut que nous, maintenant, nous fassions des films qui vont donner aux personnes qui viennent après nous la force de continuer’’, a-t-elle dit.

Cependant, l’on n’a pas pensé qu’à Djibril Diop Mambety, hier. Une minute de silence a été observée pour prier pour l’acteur Ababacar Sadikh Bâ qui a joué, entre autres films, dans ‘’Madame Brouette’’ et du producteur français Éric Névé.

BIGUE BOB

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