Yaw bloque l’élection des adjoints
L’élection des 14 adjoints au maire de la ville de Guédiawaye n’a pas eu lieu, hier. Le camp du maire élu a paralysé le vote, en dénonçant des achats de conscience et de la corruption. Ahmed Aïdara a exigé le départ d’Aliou Sall qui a refusé d’obtempérer. Un grand capharnaüm.
A Guédiawaye, le maire élu a été installé dans ses fonctions. L’installation devait être suivie par l’élection des adjoints au maire qui n’a pas eu lieu, à cause d’un grand imbroglio. Pourtant, tout était bien parti, avec le discours d’Aliou Sall qui a eu de bons mots à l’endroit d’Ahmed Aïdara et lui a prodigué des conseils pour réussir sa mission.
Ensuite, il y a eu le vote pour l’élection du premier adjoint au maire. Il y avait deux candidats : Cheikh Sarr de BBY contre Mor Diaw de Yaw. Contre toute attente, le premier nommé a gagné par 44 voix contre 40 pour le second. Avant que le résultat ne soit donné, un proche du nouveau maire Aidara a crié : ‘’Ils vont voler, ces grands voleurs.’’ Tous les autres membres de la coalition se sont joints à cette dénonciation. Ce fut un grand tohu-bohu. Le préfet Blondin Ndiaye ne savait plus quoi faire.
Ainsi, les partisans du maire entrant se sont mis à réclamer le départ d’Aliou Sall. Mais l’ex-édile est resté stoïque sur sa chaise, gardant un calme olympien. ‘’Acceptez la volonté divine et rentrez chez vous, M. Sall. Vous n’êtes plus maire. Guédiawaye a déjà choisi. Acceptez cela, mon cher. On vous a gagné et vous refusez de quitter la salle. Aujourd’hui sera votre dernière entrée aux portes de cette salle. Guédiawaye vous a dit non. Vous m’avez taxé de tous les noms d’oiseaux, allant même jusqu’à dire que je ne suis pas chérif. J’ai demandé à la police de vider la salle et elle a refusé. Ce que vous êtes en train de faire ne vous honore pas. Vous ne faites rien ici’’, s’est mis à vociférer le maire Ahmed Aïdara, très agité.
Puis, se tournant vers les éléments de la police, il a lancé : ‘’Je ne sais pas si vous êtes la police de l’APR ou de la population de Guédiawaye. On arrête tout. Je vous ai donné un ordre d’évacuer la salle, car il y a danger et vous avez refusé. Il faut qu’Aliou sache que, pour ces cinq prochaines années, nous serons maire. Ils doivent avoir de la grandeur. Ce qu’ils veulent, nous n’allons pas l’accepter. Je dois présider la séance. Quant à vous, M. le Préfet, vous n’avez aucun droit de donner des ordres. Vous n’êtes là que pour superviser. Je veux que vous arrêtiez de me tutoyer aussi. Je veux que vous me respectiez. Soyez loyal, car vous représentez l’Exécutif. Vous n’avez qu’à garder le silence ou quitter la salle.’’
La grande clameur ne s’estompant pas, les esprits ont continué à se chauffer. Les insultes fusaient des deux côtés. Il y a eu des jets de sacs, de bouteilles et autres objets dans la salle de délibération qui abritait hier la rencontre.
Accusations d’achat de consciences
En effet, les proches d’Ahmed Aïdara ne voulaient plus que le vote se poursuive. Tout le contraire du camp du maire sortant. ‘’Aliou Sall est un voleur’’, se mirent-ils à scander. ‘’Il a acheté les consciences. Mais cela ne passera pas. Nous allons mettre fin à tous les salaires fictifs. Il faut que cela soit clair. Il a volé tout le littoral. Il a essayé de corrompre les conseillers, en leur donnant des terrains. Mais ce qui est sûr, est que cela ne passera pas. Nous allons nous battre. Nous allons passer la nuit ici. Nous sommes prêts à tout. Aliou a perdu, car il ne respecte pas la population. Il sait qu’il a des choses à se reprocher avec le littoral. C’est la raison pour laquelle il tente de tout bloquer. Nous allons nous battre pour faire respecter cette volonté populaire’’, disait-on.
Mor Diaw de la coalition Yaw de poursuivre : ‘’Nous avons gagné avec plus de 6 500 voix. Aujourd’hui, ils veulent confisquer le choix de la population. Ils sont venus avec de l’argent et des terrains pour corrompre les conseillers. Ce qui s’est passé en 2014 ne va plus se refaire. Nous n’allons jamais accepter cette forfaiture. Le maire nouvellement élu est là et il va diriger avec sa coalition. Il faut que cela soit clair. Personne ne peut l’en empêcher. Nous sommes prêts à tout. Il est hors de question que des gens qui ne représentent rien nous divertissent. La coalition va veiller sur ce qui lui revient de droit. 2022 n’est pas 2014. Aliou et ses affidés vont dégager. Que son frère Macky Sall lui parle. Ce qu’il a fait est une honte. Il a été très petit’’.
Revanche
Pendant ce temps, les proches d’Aliou Sall parlaient de revanche. ‘’Pendant longtemps, il (Ahmed Aidara) n’a cessé d’insulter Aliou. Pour ne pas créer de problèmes, il lui a laissé le terrain, durant la campagne. Il criait partout que c’est à cause de lui que le maire sortant n’a pas battu campagne. Maintenant, on verra qui est qui et qui fait quoi. La revanche, nous l’avons et on va rester ici pour se battre avec lui. Nous l’avons assez respecté sans retour. Qu’il sache que nous sommes venus ici pour lui répondre. Il est un as de la provocation et Aliou ne l’a jamais suivi dans ses enfantillages. Aujourd’hui, nous allons lui dire stop. Il a voulu tout bloquer, car il sait qu’il était parti pour tout perdre’’, ont soutenu des proches du maire sortant.
Voyant le blocage, le commissaire central de Guédiawaye, le commissaire Mandjibou Lèye, a tenté de ramener le calme et permettre que le vote se poursuive. ‘’Ceux qui sont dans la salle sont tous des conseillers. Donc, on ne peut exclure personne. On peut réorganiser le vote. Moi, je suis en dehors des aspirations politiciennes. C’est la sécurité de toutes les personnes qui sont dans la salle qui m’intéresse’’, a déclaré le commissaire Lèye.
Mais Ahmed Aïdara est reparti dans une autre tirade : ‘’Nous n’allons pas l’accepter. Nous, on fait de la politique. C’est simple. Ici, c’est nous qui décidons. Rien ne va se passer ici sans nous. L’ère d’Aliou Sall a pris fin au soir du 23 janvier. Pourquoi il essaye de faire le malin ? Il doit quitter la salle, car il a été battu. Il n’a qu’à quitter cette salle. Nous n’allons pas trahir la confiance de la population qui a demandé à BBY de quitter cette mairie. Nous n’allons pas accepter qu’il y ait vote, car, s’il y en a, il y aura hold-up. Nous les avons devancés avec plus de 6 500 voix, lors des élections. Nous ne sommes pas des dealers politiques. Si Aliou insiste, nous allons le déclarer persona non grata. Je l’ai empêché de battre campagne ici. Il n’y aura même pas passation de service dans cette mairie. Et croyez-moi.’’
La passe d’armes et les insultes ont continué entre les seconds couteaux. Puis, fatigués, ils sont restés dans la salle en se regardant en chiens de faïence. Personne ne voulait quitter la salle en premier.
Le préfet du département, pour décanter la situation, a essayé à nouveau de convaincre le maire Ahmed Aïdara. Il a essuyé les huées des proches du nouvel édile. Il a proposé de présider la rencontre, en vain. Finalement, il a pris la décision de tout arrêter.
Dehors, il y avait un monde fou et un impressionnant dispositif sécuritaire. Il fallait montrer patte blanche pour accéder à l’Hôtel de ville.
ALIOU SALL, TÔT LE MATIN ‘’M. le Maire, vous héritez d’une ville qui n’a pas de ressources‘’ ‘’Je vais terminer ma mission en paix, en passant le relais en étant en vie et en bonne santé. Je ne serai pas long, car aujourd’hui, c’est la fête à Ahmed Aïdara et il ne faut pas voler la fête d’autrui. Il a été élu de façon démocratique par les populations de Guédiawaye. Non seulement nous l’acceptons, mais nous donnons ici l’engagement aux populations de Guédiawaye que nous encouragerons toute sorte d’action qui va aller dans le sens du développement de cette ville qui est la nôtre. Je voudrais rassurer tous les acteurs que la coalition que j’ai l’honneur de diriger ne sera préoccupée que par une seule chose : le bien-être des populations. Si le maire va dans ce sens et compte tenu de sa campagne électorale, nous avons espoir qu’il ira dans ce sens. Ainsi, toutes ses actions seront accompagnées. Monsieur le Maire, vous héritez d’une ville qui n’a pas de ressources. Mais vous pouvez avoir la chance de réaliser beaucoup de choses, si vous bénéficiez de l’appui de l’Administration et de l’Etat du Sénégal. En vérité, aucune collectivité ne peut se développer sans l’assistance de l’Administration et de l’Etat, puisque nous sommes un démembrement de l’Etat. Mais vous avez une Administration très ouverte et généreuse. Il faut en profiter. Vous héritez aussi d’une administration de la mairie dévouée, professionnelle. La seule recommandation que je leur ai faite est d’être loyal vis-à-vis de la ville et du maire. Donc, je vous demande de veiller sur l’administration et les employés de la maire pour qu’ils soient à vos côtés, afin qu’ils puissent travailler pour vous et pour le compte de la ville de Guédiawaye’’. |
CHEIKH THIAM