Publié le 26 Jan 2013 - 09:05
ASSANE DIOP, L’UN DES JEUNES DE YEUMBEUL LIBÉRÉS

‘’Le décès de ma mère, en mon absence, m’a plus fait mal que les 17 mois en prison‘’

 

 

 

24h après sa libération, Assane Diop, l’un des 5 jeunes de Yeumbeul incarcérés à la suite des émeutes de l’électricité du 27 juin 2011, s'est confié à EnQuête. Il regrette la perte de sa maman, en son absence, et le coup d'arrêt à sa carrière de lutteur. Mais surtout, il raconte ses 17 mois de galère à Reubess.

 

 

Quartier Moussa Fall, une localité de la commune d’arrondissement de Yeumbeul Nord (banlieue dakaroise). En ce début de matinée, jour du Maouloud marquant la célébration de la naissance du prophète Mouhamed (PSL), le ciel peine à montrer ses rayons solaires. Des enfants jouent au football à côté d'une maison modeste avec ces quatre chambres et une grande cour. Deux femmes résidant dans cette maison y lavent le linge. La concession ne désemplit pas, depuis l’annonce de la libération d’Assane Diop, l’un des 5 jeunes incarcérés à la suite des émeutes de l’électricité du 27 juin 2011. Habillé d’un ensemble blouson, une casquette bleue sur la tête, le jeune homme porte les stigmates de ces longs mois passés en prison. Aujourd'hui encore, il nie avoir participé à une quelconque manifestation. ''De retour de mon travail, je suis tombé sur des rafles et on m’a embarqué, malgré mon refus. Ils avaient dit qu’on m’avait aperçu sur une vidéo, alors que neni’’, raconte le jeune mécanicien âgé d'à peine 23 ans.

 

Il revient sur son séjour carcéral. Les premiers mois ont été un calvaire, avec les derniers instants de l'ancien régime. ‘’Nous étions à la chambre 9, celle qui est réputée être la plus difficile de la prison. On avait comme voisins de chambre des meurtriers, des violeurs, des caïds, etc. À cause des conditions difficiles de logement, de la saleté et du surnombre, les prisonniers ont attrapé des abcès comme pas possible'', se rappelle l’ex détenu. Et de poursuivre : ''Dans une chambre qui doit accueillir 80 personnes, nous cohabitions avec 260 personnes. On nous réveillait très top le matin pour nous compter, alors qu’ils le faisaient tous les soirs’’. Les gardes pénitentiaires, ajoute-t-il, ne les considéraient pas comme des êtres humains, mais de loin comme des animaux. ''Ils viennent vous dire des choses pas du tout catholiques, pour montrer qu’ils sont des hommes de tenue. Ils vous versent de l’eau, sans que vous puissiez broncher''. ''Des prisonniers faisaient l’amour avec de jeunes hommes, même si la sanction est très sévère pour ceux qui le font. Par la suite, j’ai été transféré à la chambre 14''.

 

''À maintes reprises, ma mère a engagé des avocats qui l’ont escroquée''

 

Il n'est pas question, pour lui, de remettre les pieds en prison. ''Ce que les détenus endurent là-bas, je ne saurais vous le raconter avec exactitude. Ce qui est sûr et certain, c'est qu’il n’est plus question que je refasse quelque chose qui puisse me faire retourner en prison, car je sais la galère que j’y ai vécue’’, promet le jeune Diop. Pour donner une preuve de ce qu'il avance, il révèle que lorsqu'il entrait en prison, il pesait 95kg, aujourd'hui, il est loin de faire un tel poids. ''Mon corps était souvent couvert d'abcès, à cause de la saleté de la chambre et du surnombre. À l’infirmerie, quelque soit la maladie dont vous souffrez, vous n’avez droit qu’à un paracétamol. Si vous tombez malade la nuit, vous êtes foutu. Les gardes ne viennent jamais en aide, même si on crie au secours. Plusieurs personnes sont mortes devant nous'', dit-il. Et comme si le sort s'acharnait sur lui, c’est en prison qu’il a appris le décès de sa maman. ''Durant mon incarcération, c’est la perte de ma maman qui m'a le plus fait mal. Elle avait tout fait pour me sortir de prison. À maintes reprises, elle a engagé des avocats qui l’ont escroquée et nous avons les preuves de ce que nous avançons. C’est ce qui m’a le plus fait mal''.

 

 

''Les politiciens sont des lâcheurs. Merci à Y en à marre et Me Mame Adama Guéye''

 

Le yeumbellois a aussi condamné l’attitude des politiciens et des organismes de défense des droits de l’Homme qu’il qualifie de ''lâches''. ''Je condamne l’attitude des opposants de l’époque, les Alioune Tine et consort. C’est des lâcheurs. Ils ont disparu, depuis qu’ils ont goûté aux délices du pouvoir, alors qu’ils en avaient fait une récupération politique, au début. Ils ne faisaient que parler pour amuser la galerie, sans aucun acte concret. N’eussent été les membres du mouvement Y en à marre et Me Mame Adama Guéye que nous remercions beaucoup, nous allions périr en prison, car ils ont tout fait pour qu’on soit libre’’, assène Assane, avec une rage froide qui se lit dans ses yeux. Pour l’heure, il sollicite de l’aide auprès des autorités étatiques et des bonnes volontés, après avoir purgé une peine de 19 mois, avant d'être blanchi par la justice. Il précise qu’entre temps, il a perdu non seulement sa maman, mais aussi son travail de mécanicien. ''On ne nous a pas dédommagés, alors que j’étais un jeune lutteur à l’écurie 205 de Yeumeul Mboloo, plein d’avenir. Ils m'ont retardé. Je ne sais même pas ce qu’est devenue ma licence. Nous avons besoin d’aide actuellement pour reconstruire notre vie’’, conclut le champion.

 

CHEIKH THIAM

 

 

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