Publié le 4 Dec 2023 - 19:42
BLOCAGES DE CARAVANES D’OPPOSANTS

Le Nord et Kolda, terres hostiles

 

Le blocage du convoi de Khalifa Sall à Matam vient allonger la liste des petites misères faites aux opposants, depuis quelques mois, voire plus. Cette restriction des libertés publiques prend les allures d’un déni de démocratie. 

 

Le blocage des convois et caravanes d’opposants est récurrent dans certains départements du pays. Cette nouvelle méthode semble être devenue le mode de fonctionnement de l’administration territoriale qui met souvent en avant la volonté de maintenir l’ordre public et l’absence d’autorisation pour disperser les caravanes de membres de l’opposition. Aucun candidat de l’opposition n’est épargné.

Après Malick Gakou, Anta Babacar Ngom, Abdourahmane Diouf et Bougane Guèye, c’est au tour du maire de Dakar de faire les frais de quelques administrateurs locaux soucieux de n’autoriser aucun rassemblement de l’opposition. Khalifa Sall, qui poursuit sa tournée ‘’Mottali Yéene’’, s’est rendu à Matam, ce dimanche 3 décembre. Il a vu son cortège arrêté par les forces de défense et de sécurité, sur ordre du préfet qui a pris un arrêté pour l’occasion. Le candidat, qui a dénoncé cette décision préfectorale, a décidé par la suite de faire le reste de son trajet à pied avec ses collaborateurs et sympathisants. Le convoi ‘’Yoonu Ndamli’’ de Malick Gakou a été aussi victime de ce genre de procédé.

Le 16 septembre 2023, le préfet de Ranérou-Ferlo indiquait que toute manifestation doit faire l’objet d’une déclaration, sinon tout rassemblement sera dispersé.

Ainsi, y a-t-il une volonté des pouvoirs publics de brider les activités politiques de l’opposition, dans ce contexte de précampagne électorale ? En tout cas, deux régions semblent fermées à l’opposition :  Matam et Kolda, très hostiles à l’opposition.

Située en plein cœur du ‘’titre foncier’’ de Macky Sall, Matam a déjà été le théâtre de violents affrontements entre partisans de Yaw et ceux de BBY lors de la campagne pour les dernières Législatives. Les responsables de la coalition présidentielle de la localité avaient déclaré Ousmane Sonko persona non grata dans leur département. Mais le maire de Ziguinchor avait décidé de braver l’interdit en se rendant sur place, déclenchant de violents affrontements. 

La région Nord, particulièrement Matam, est considérée comme le bastion de l’APR qui y enregistre ses meilleurs résultats électoraux. ‘’Les résultats du département (Matam), où certaines localités ont eu des scores de 95 à 100 %, ont encore consacré la coalition Benno Bokk Yaakaar et la vision politique du chef de l’État Macky Sall’’, disait Farba Ngom, le coordonnateur départemental de BBY/Matam, au lendemain du scrutin législatif de juillet 2022.  Il ajoutait, ironique : ‘’En lieu et place de la cohabitation annoncée par l’opposition, il y aura tout juste un hébergement.’’ 

Ainsi, depuis que le processus de collecte des parrainages a démarré, les réseaux ‘’apéristes’’ se sont mis en ordre de bataille. Matam semble être la chasse gardée de la coalition au pouvoir qui ne compte pas être concurrencée par aucune autre force politique. Et cela semble avoir décuplé le sentiment d’impunité des acteurs locaux qui, jaloux de leur primauté, ne tolèrent le déploiement d’aucune autre force politique dans la localité.

Blocages de convois, stratégie de conservation de la primauté de Benno à Kolda

 Cette situation s’est aussi répétée dans la région de Kolda où le convoi d’Anta Babacar Ngom a été bloqué par la police, alors qu’elle y menait une campagne de collecte de parrainages le 19 novembre dernier. Selon la directrice générale de la Sedima, l’État entend miner sa candidature présidentielle.  Anta Babacar Ngom, la candidate déclarée du mouvement Alternatif pour la relève citoyenne (Arc), avait aussi vu trois de ses militants arrêtés avant d’être libérés.

Kolda apparait ainsi comme un enjeu stratégique pour le pouvoir bien désireux d’y contrer la montée en puissance de l’ex-parti Pastef. La première phase a consisté à renforcer cette dynamique du pouvoir en nommant Abdourahmane Baldé dit ‘’Doura’’ président du mouvement Kolda Debout à la tête de la Loterie nationale sénégalaise (Lonase) afin de maintenir cette dynamique et contrer Mame Boye Diao qui a tourné casaque. La deuxième phase vise à perturber au maximum les actions de l’opposition et d’éviter son déploiement dans la capitale du Fouladou. 

Cette ville a d’ailleurs connu son lot de violence avec la ‘’Marche de la liberté’’ de Sonko vers Dakar en mai 2023. La caravane d’Ousmane Sonko, accueilli par une foule nombreuse, a vite été dispersée par des grenades lacrymogènes. Les jeunes avaient riposté par des jets de pierres. Et un jeune manifestant avait été tué par balle. 

Levée de boucliers

Ces blocages des caravanes de l’opposition ont suscité une levée de boucliers des organisations de la société civile.  Alioune Tine, président du think tank Afrikajom Center, a dénoncé sur X, en octobre dernier, une situation de "conflit d'intérêts", alors que le candidat et Premier ministre Amadou Ba mène une campagne "avec les moyens de l’État’’. Il appelle à plus d'équité, de justice et d'éthique dans le cadre de l'élection présidentielle.

D’autres candidats ont aussi dénoncé des harcèlements réguliers de la part du régime Macky Sall qui, d'après eux, constituent une grave violation des libertés publiques.

Ces incidents risquent de se démultiplier à l’approche de la Présidentielle, dans la mesure où toutes les formations politiques éprouvent la tentation d’occuper unilatéralement l’espace public pour faire passer ses messages sur le terrain. Cette volonté d’exister politiquement se heurte souvent à une administration zélée et des responsables de BBY jaloux de leur autorité qui entravent fortement l’expression des idées de l’opposition dans un contexte de précampagne. 

Mamadou Makhfouse NGOM

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