Publié le 25 May 2012 - 09:14
BONNE GOUVERNANCE

Serigne Mb. Ndiaye défie le pouvoir (1ère partie)

 

C'est l'offensive chez les wadistes. Dans cet entretien accordé à EnQuête, le porte-parole de l'ancien président de la République s'attaque revient sur les grandes questions politiques de l'heure. Et défie le gouvernement de Macky Sall d'arrêter les voleurs de deniers publics. En parlant moins.

 

Le président Macky Sall a décidé de supprimer 59 agences. Votre commentaire ?

 

Ce qui est important, c’est de savoir que les Sénégalais ont élu un homme qui doit faire des résultats. Comment compte-t-il y parvenir ? C’est à lui de le dire. S'il trouve qu'il y a une pléthore d'agences, ce n’est pas notre point de vue. Mais il faut remonter à l’origine pour savoir que si nous n’avions pas créé ces agences là, nous n’aurions pas eu les résultats obtenus dans beaucoup de domaines. Les formalités relatives à certains sont beaucoup plus souples avec les agences que dans un cadre classique et ses lenteurs administratives. Quand Abdou Diouf avait voulu engager un combat contre le sous-emploi et pour bénéficier d’un certain nombre d’infrastructures, il a créé l’Agetip.

 

 

Des observateurs ont constaté qu'il y a eu beaucoup de doublons entre agences et ministères. L’Anoci par exemple…

 

Pas du tout, ce n’était pas un doublon. Le président Wade était beaucoup plus ambitieux que ses prédécesseurs. Lors du premier sommet de l’Oci, Diouf avait confié l’organisation à une Délégation dirigée par Wahab Talla avec des prérogatives très limitées. Qu’est-ce que le Sénégal avait gagné à l’époque ? Pas grand-chose.

 

 

Il n'empêche, Wade a été sanctionné…

 

Il a été sanctionné parce que justement, les Sénégalais n’ont pas épousé ses orientations sur le plan économique. Je donne l’exemple du riz. Le président Macky Sall avait annoncé en grande pompe qu'il allait diminuer les prix des denrées de première nécessité ; au moment où nous parlons (l'entretien a eu lieu mardi dernier), cela n’est pas effectif.

 

 

Si pourtant…

 

Je dis bien : ce n’est pas effectif. Cela veut dire que si je vais à la boutique pour acheter du riz ou du sucre, je puisse sentir de manière considérable la baisse promise. Bref, ce n’est pas la question. Pour revenir sur la suppression des agences, je pense qu’il faut agir de manière efficace, ne pas faire trop de bruit, et éviter les effets d’annonce qui, à terme peuvent se retourner contre vous (...) Pour le président Wade, l’option n’est pas de dire : je vais subventionner le riz. C’est une mesure très provisoire, parce que dans les pays comme le nôtre, l’Etat peut fixer le prix pour deux mois renouvelable une seule fois. A un moment donné, ce n'est plus possible. C’est pourquoi le président Wade avait pris des mesures radicales comme investir massivement dans l’agriculture, par exemple, pour qu’on produise suffisamment en qualité et en quantité. Il a beaucoup investi dans la vallée, le Sine Saloum et un peu en Casamance. A terme, on devait régler définitivement l’autosuffisance en riz (…)

 

 

Comment analysez-vous votre défaite du 25 mars dernier ?

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D’abord, il y a cette option juste du président de mettre l’accent sur les infrastructures. Mais les peuples sont ce qu’ils sont. Et il y avait un problème social qu’il fallait régler. Un peuple a besoin de rêver. Quand vous êtes avec un régime et que vous n’avez pas d’emploi, quelqu’un d’autre vient et vous promet un emploi. Vous ne vous posez pas la question de savoir comment il va y parvenir, mais vous allez vous dire : je vais tenter ma chance avec lui. Ensuite, nous nous sommes créés, à tort ou à raison, plein d’adversaires au niveau du parti. Un régime repose sur un parti politique. Je pense à Idrissa Seck où Macky Sall... Un type comme Cheikh Tidiane Gadio, même s’il n’est pas représentatif, il a sa capacité de nuisance à cause de ses réseaux relationnels. Je pense aussi à Aminata Tall, Youssou Ndour, Bara Tall. Plus tard, nous avons eu une forte opposition de la part de la France et des Etats-Unis. Et sur ces questions précises, non seulement le président Wade avait raison d'affirmer sa présence à l'élection présidentielle, mais il s’est battu pour l’Afrique et pour les Africains. Au nom de quoi, un Français, un Américain où un Belge doit-il dire à un Sénégalais que Wade n'a pas le droit de se présenter à une élection ? Ça, c'est aux institutions sénégalaises de le dire.

 

 

Et ensuite ?

 

Le troisième élément et non des moindres, c’est notre comportement en tant que ministre et collaborateur du président. Ce que vous faites de votre vie n’intéresse pas forcément les Sénégalais, mais la fonction que vous occupez, oui. Si vous dépassez des gens dans la misère, ils vont dire que celui-là a volé notre argent, et naturellement ils vont vous sanctionner. Je le disais à ma famille qui me demandait d’installer un groupe électrogène à ma maison. J’ai dit non.

 

 

Pourquoi ?

 

Nous traversons une crise énergétique avec des coupures d’électricité. Je m’interdis, moi, d’avoir de l’électricité chez moi au moment où dans toutes les autres maisons environnantes, il n’y en avait point. On nous a reproché aussi d’être à un moment donné très distant et même arrogant vis-à-vis des populations. Je pense ce n’est pas une bonne chose. Quel que soit le bilan du président Wade, il a été anéanti par notre comportement.

 

 

Aussitôt la Cour de répression contre l’enrichissement illicite réhabilitée, Wade, par votre intermédiaire, a réclamé l'audit de tous les régimes depuis 1960. N'est-ce pas une fuite en avant ?

 

Non, encore qu’il faille replacer cette déclaration dans son véritable contexte. Je vais y revenir. S’agissant de la Cour de répression, c’est une aberration.

 

 

Pourquoi ?

 

Abdou Diouf qui l’avait tenté pour la première fois s’était rendu compte que c’était une double aberration dans la mesure où on ne peut pas d’un point de vue légal, juridique, dire à quelqu’un : «Monsieur, vous avez une montre, prouvez que vous ne l'avez pas volée». C’est même une violation flagrante des droits de l’homme.

 

Au Nigeria, une telle initiative a permis de rapatrier 200 millions de dollars planqués en Suisse après la mort du président Sani Abacha.

 

Je ne sais si elle a marché ou pas, mais ce que je dis, c’est que c’est une violation flagrante contre les droits de l’homme. J’ai même entendu l’avocat Demba Ciré Bathily le dire.

 

 

Est-ce que votre régime n'est pas en devoir de rendre compte de sa gestion ?

 

Si quelqu’un a volé, on doit l’arrêter, le condamner et restituer les biens au Sénégal. Mais c’est à l’accusateur d’apporter les preuves de ces accusations. Deuxième aberration, cela risque de faire fuir les investisseurs. Car si un privé sait d’avance que s’il investit dans le pays, on va lui demander de prouver franc par franc comment il a construit telle ou telle villa, ou comment il a monté telle ou telle entreprise, il ne pas investir son argent.

 

 

La Cour s’adresse plutôt à des gens qui ont eu à mal gérer des deniers publics.

 

C’est ce qui est une aberration. Quand Abdou Diouf avait mis en place la cour, elle n’avait épinglé que deux personnes. Un kinésithérapeute et un médecin à qui on reprochait je ne sais plus quoi. Diouf s’était rendu compte que ce n’était pas fiable. Tous les jours, la Cour recevait des centaines de lettres de dénonciation. Vous savez comment on fonctionne au Sénégal : vous voyez quelqu’un construire un beau matin un immeuble, vous dites qu’il a volé l’argent. Cela me permet de revenir sur les audits. Après son installation, le nouveau pouvoir a parlé d’audit. Nous sommes preneurs, mais il faudra auditer tous ceux qui ont assumé des charges publiques de 1960 à nos jours.

 

 

Que faites-vous de la prescription ?

 

Justement, je n’ai pas oublié la prescription. J’ai l’habitude de dire qu’un homme politique n’a pas peur du tribunal, mais de l’opinion. C’est sa principale crainte. Même s’il y a prescription, ce qui est important est que l’opinion sache qui a fait quoi. Vous allez à Fann, il y a des maisons qui ont été bradées par Senghor ; les Sénégalais semblent l’ignorer ou l’oublier (…)

 

 

Me Félix Sow, membre du Forum civil, a déclaré que l’ancien régime avait transféré 430 milliards vers les pays du Golfe. Vous avez décidé de porter plainte. Pourquoi ?

 

D‘abord la nuance que vous avez utilisée en disant «Félix Sow, membre du Forum civil», est importante. A ma connaissance, ce n’était pas une déclaration du Forum civil, mais d'un de ses membres. Quand il dit que 430 milliards ont été transférés sous le régime de Wade entre 2000 à 2012, il faut que l'on s’entende sur les termes : un transfert se fait par voie bancaire par le canal de la Banque centrale. Alors, de deux choses l’une : ou le transfert est effectué en toute légalité, ou bien il y a la complicité de la Banque centrale. Et je n’ose pas penser à la seconde option. A priori, je pense que c’est un transfert normal. Qui a transféré ? Quand est-ce que ce transfert a-t-il été effectué ? Maintenant si c’est de l’argent détourné, que les coupables soient punis. Nous lui avons servi une sommation interpellative d’abord pour qu’il confirme ses propos. Ou qu’il nous dise ce qu’il a voulu bien dire (NDLR : Joint par EnQuête, Me Félix Sow nie catégoriquement avoir reçu un tel document. Au besoin, il demande qu'on lui précise l'huissier de service).

 

 

Est-ce qu’il a répondu à la sommation ?

 

Ne gérant pas le dossier au plan juridique, je ne suis pas en mesure de vous dire ce qui a été fait. En tout cas, la sommation était le préalable pour pouvoir connaitre la suite à sonner à ce dossier. Quand même, si nous avions quelque chose à nous reprocher, nous n'aurions pas utilisé cette voie là.

 

 

Vous auriez fait quoi ?

 

Nous aurions fait le mort ; ce qui n’est pas le cas.

On parle d’argent planqué dans les maisons pour échapper au contrôle de la Centif.

 

 

Si j’avais planqué de l’argent chez moi, comment pourriez-vous le savoir ?

 

Il peut être caché dans les coffres-forts par exemple.

 

C’est vrai que je n’ai pas d’argent à planquer chez moi, mais il faudrait que nous soyons beaucoup plus sérieux dans notre manière de faire, notre manière de traiter les Sénégalais. Nous sommes tous des pères de famille. C’est comme si votre fils entend dire à la télé que tous les journalistes sont des voleurs, des corrompus. Ce n’est pas vrai. Je parle en connaissance de cause. De la même manière qu’il est inacceptable d’affirmer des choses qui ne reposent absolument sur rien. On a même dit qu’il y a eu pénurie de coffre-fort dans le pays. Le Sénégal est un pays organisé. Si l’Etat le veut aujourd’hui, il peut savoir qui a acheté les coffres-forts, où, quand, leurs capacités ? Lorsqu'on promet beaucoup de choses que l'on est pas sûr de réaliser, on a tendance à faire ces genres de déclaration. Si de l’argent a été volé et planqué quelque part, il n'y a pas de discours à faire. Il faut aller le chercher et condamner les coupables.

 

 

A une rencontre des cadres libéraux, vous aviez déclaré que si vous perdez le pouvoir, beaucoup d’entre vous iraient en prison. Peut-on parler de prophétie aujourd'hui ?

 

Mais justement, je n’ai jamais dit ça. Nous étions à une réunion de cadres libéraux et j’avais dit : «faisons l’unité pour gagner les élections ; parce que si nous perdons les élections, nous perdons non seulement les élections, l’Assemblée nationale, les collectivités et certains d’entre nous pourraient même se retrouver en prison». Une semaine après ,j’ai dit : le jour n’est pas loin où certains seraient prêts de regagner les frontières. Quand vous accusez quelqu’un de tous les noms d’oiseaux, vous arrivez au pouvoir, vous tentez de démontrer que ce que vous disiez était vrai. Or, ce n’est pas vrai. Si je pensais un seul instant que le régime auquel j’appartenais était voleur, je n’en serais pas car je ne suis pas un voleur. Je ne suis pas comme Landing Savané qui dit pouvoir être avec des voleurs sans être voleur (…)

 

(suite de l'entretien)

 

DAOUDA GBAYA

 

 

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