Cœur de lion et de léopard

La famille Nsimiti, à Kinshasa, a vécu le match RDC-Sénégal dans une ambiance particulière, aussi bien à Kin qu’à Dakar. De père congolais et de mère sénégalaise, leur fille Gradi Wilina Nsimiti nous conte l’histoire de la chanson mythique “Fimbu”, mais surtout des liens de sa famille avec le Sénégal, son deuxième pays, où elle vit depuis quelque temps.
Plus qu’un simple slogan, un cri de guerre, c’est tout un symbole au pays des Léopards. Sénégalaise par sa mère, Congolaise par son père, la journaliste Gradi Wilina Nsimiti nous raconte l’histoire de la chanson mythique “Fimbu”, qui signifie en lingala ‘’chicoter’’.
La première fois que cela a été chanté, raconte-t-elle, c’était en 2010, lors du Championnat d’Afrique des nations (Chan). “Déjà, comme il fallait faire la chanson officielle du Chan, la fédération avait lancé un appel à candidatures. L’un des musiciens, du nom de Félix… avait proposé ‘Fimbu’. Malheureusement pour lui, le son n’a pas été retenu”, souligne la Sénégalo-Congolaise.
Aux origines du ‘’Fimbu’’
Déterminé et décidé à inscrire sa création dans l’histoire de son équipe nationale, le musicien contourne cette compétition, se débrouille pour l’envoyer directement au capitaine des Léopards. “Il a directement appelé le capitaine de l'équipe et lui dit : ‘J'ai une danse et un cri de guerre ; j’en ai fait une chanson pour la RDC.’ Le capitaine lui a demandé de lui passer le son pour voir. Après avoir visionné, il a apprécié et c’est parti comme ça. La chanson s’est imposée alors que ce n’était pas retenu au début”, explique la native de Kinshasa.
Avec la victoire finale des Léopards, la chanson est devenue un véritable hymne national, dépassant même le cadre du football et du sport en général. Elle est dans les stades, dans les rues, dans les boîtes de nuit, presque partout où les jeunes se rassemblent. Relayée par de nombreux artistes de la rumba et du ndombolo, ‘’Fimbu’’ est un symbole pour témoigner de la rage de vaincre du Congolais.
Cœur de lion et de léopard
À la veille du match décisif contre le Sénégal, la chanson a pris d’autres dimensions. C’était sur toutes les lèvres, de Dakar à Kinshasa. Notre Kinoise Gradi est revenue sur toute l’euphorie autour de cette confrontation.
En fait, souligne-t-elle à la fois ironique et amusante, cela fait très, très longtemps que la République démocratique du Congo n’a pas gagné face au Sénégal. “C’est toujours le même scénario, en fait. À chaque fois, il y a beaucoup de bruit avant, mais à chaque fois on perd à l’arrivée”, rigole la journaliste sénégalo-congolaise, avant d’ajouter : “Cette fois également, les gens avaient tellement foi que c’était la bonne, mais à la fin, on a perdu comme d’habitude.”
Selon certaines statistiques, la dernière victoire de la RDC contre le Sénégal remonte, en effet, en 1969. C’est dire combien le pays de Tshisekedi avait soif de cette victoire, d’autant plus qu’un tel résultat leur aurait ouvert presque la Coupe du monde. À la fin, c’est encore le Sénégal qui chicote.
Native de Kinshasa, Gradi Wilina a vécu le match plus ou moins relaxe. Dans sa famille, tout le monde est sénégalais grâce à la mère et tout le monde est congolais au nom du père. Est-il alors facile de choisir quand les deux équipes s’affrontent ?
Dans la famille, on gagne ou on gagne
“Non, ce n'est pas du tout difficile de choisir. C'est même très simple parce que tout le monde est avec maman et tout le monde est avec papa. Alors quand le Sénégal gagne, nous sommes désolés pour la RDC, mais contents pour le Sénégal. Et vice-versa même si l’inverse n’est jamais arrivé”, dit-elle dans un éclat de rire, montrant les statuts de sa maman avec des photos du onze national sénégalais.
Qu’en est-il en début de match ? Pour laquelle des équipes les cœurs battent-ils plus fort ? Alors elle lâche : “Pour la RDC. Mais quand le Sénégal gagne, nous sommes aussi contents. C’est notre chance. Et dans les grandes compétitions, s’il n’y a pas la RDC, nous nous mobilisons tous derrière le Sénégal.”
Mais Gradi avait une autre raison plus forte pour être heureuse des victoires de la RDC, surtout contre le Sénégal. Une raison que personne ne comprend dans son entourage. Elle a en fait du mal à accepter toute cette énergie que la jeunesse de son pays déploie non seulement pour le sport, mais en général pour toutes les distractions. “Vous ne pouvez pas imaginer combien notre jeunesse se déborde d’énergie pour des futilités, la distraction, jamais pour des choses sérieuses. Quand on les convoque à des manifestations pour des choses qui en valent la peine, il n’y aura pas 500 personnes”, lâche-t-elle révoltée. “Et c’est pour n’importe quel événement. Allez au Congo lors de la Coupe du monde, même si le Congo n’est pas qualifié, les gens sont aussi enthousiastes. Alors moi je trouve normal qu’on perde. On ne peut pas gagner alors que les gens meurent dans le pays tous les jours dans l’indifférence”, renchérit-elle.
“J’avais envie de voir pourquoi le Sénégal m’attire” Venue pour la première fois au Sénégal en 2015, Gradi est vite tombée sous le charme du pays de sa maman. Partie après seulement 10 jours, elle reviendra en 2020 d’abord et ensuite en 2021 pour de courts séjours. C’est en 2024 qu’elle fait pour la première fois à peu près deux mois dans le pays d’origine de sa mère. Un déclic qui la poussa à vouloir revenir s’y installer, la tête farcie de projets. Tout ne se passera pas comme prévu, mais Gradi n’est pas du genre à reculer quand elle a un objectif. Elle raconte : “J'avais envie de voir pourquoi le Sénégal m'attire autant. C’est pourquoi je suis là. Certes, la vie est chère, mais il y a au moins les basiques. C'est devenu le pays où j'ai choisi de m'installer. C'est vrai que parfois ça me traverse l'esprit de retourner à Kin, parce que tout ne se déroule pas comme prévu, mais bon, je suis du genre à avancer.” |
Mor AMAR