Publié le 26 Feb 2015 - 12:58
BRUTALITE DES FORCES DE L’ORDRE, TORTURE, IMPUNITE…

‘’Le Sénégal a encore des efforts à faire dans les libertés individuelles’’, selon Amnesty international 

 

Le rapport annuel de l’ONG Amnesty international présenté hier révèle plusieurs manquements dans le respect des libertés individuelles au Sénégal.

 

La situation des droits humains au Sénégal a connu peu d’avancées par rapport à celle présentée l’année dernière par Amnesty. C’est sur cette note de regret que le directeur exécutif d’Amnesty international section sénégalaise a ouvert hier la présentation du rapport annuel de l’organisation des droits humains. De l’avis de Seydi Gassama, les mêmes types de violations des droits humains persistent au Sénégal. 

Ce, malgré les actions de sensibilisation entreprises par Amnesty, les autres organisations de défense des droits de l’Homme et l’observatoire national des lieux de privation de liberté, en direction des forces de sécurité, au cours des deux dernières années. La brutalité des forces de défense et de sécurité qui se matérialise par l’usage excessif de la force a été fortement relatée dans le rapport. C’est ainsi que l’attaque des forces de l’ordre, en décembre 2013, contre des élèves qui manifestaient pour réclamer des professeurs à Djirédji, a été citée en exemple. Un mois plus tard, en janvier 2014, c’était au tour de militaires basés à Oulampane, près de Bignona, de faire usage de balles réelles pour disperser des élèves qui occupaient la route nationale réclamant des professeurs. Quatre élèves ont été blessés lors de cette rencontre.

De l’usage abusif de la force en question

Ce qui est dommage, selon Amnesty, c’est que les résultats des enquêtes promises par l’Armée et la Police ainsi que le ministre de la Justice sur ces deux incidents ne sont pas connus. L’année 2014 a également enregistré l’assassinat par balle de l’étudiant Bassirou Faye. Plusieurs autres étudiants ont été grièvement blessés et ont passé des semaines dans les hôpitaux. Amnesty se félicite tout de même de la progression de l’enquête sur cette affaire avec à ce jour la détention d’au moins un policier. L’assassinat d’un détenu en septembre 2014 par un garde pénitentiaire à Sinthiou Roudji dans la région de Kédougou, fait également partie de cette liste de brutalités et de bavures.

Il faut saluer là aussi l’ouverture d’une enquête qui a conduit au placement en détention provisoire de l’agent pénitentiaire. Au mois d’octobre de la même année, un autre détenu du nom de Bangali Kanté a été abattu par un autre garde pénitentiaire à Tambacounda alors qu’il tentait apparemment de s’évader. Le garde pénitentiaire a été inculpé mais il a bénéficié d’une liberté provisoire, selon Amnesty. La torture et le mauvais traitement ont également connu une évolution en 2014, note le rapport.

Recrudescence de la torture ; des cas de décès dans les écoles de formation

C’est ainsi qu’il a été rappelé, en 2013, la mise en cause de membres des forces de défense et de sécurité dans la mort de Ibrahima Samb à Mbacké, Bambo Danfakha à Dyabougou dans le département de Bakel, Antoine Robert Sambou à Pointe Saint Georges en Casamance et Cheikh Maleyni Sané à la prison de Rebeuss à Dakar. Dans ces différents cas, des enquêtes ont été diligentées et ont abouti à l’arrestation des agents mis en cause dans les décès d’Ibrahima Samb et Antoine Robert ; Sambou. Des agents de l’administration pénitentiaire ont été arrêtés et remis en liberté  dans le cadre de l’enquête  sur la mort de Cheikh Maleyni Sané.

Pour l’instant, on ne connaît pas les résultats de l’enquête sur la mort de Bambo Danfakha. Le rapport d’Amnesty mentionne également une inquiétude par rapport au décès de militaires et de Sapeur-pompiers survenus pendant les exercices de formation. Des décès intervenus apparemment à la suite de sévices infligés. Là-dessus, une enquête a été ouverte  et des agents ont été arrêtés  suite à la mort du sapeur pompier Chérif Adjouma Ndao, lors d’une formation à Thiès en 2014. Pour ce qui est de la mort du soldat Oumar Ndiaye à Dakar Bango en 2014 et du policier Mamadou Ndiaye à Thiès en 2013, les résultats de l’enquête n’ont pas encore été rendus public, souligne le rapport.  

Mettre fin à l’impunité

Le rapport d’Amnesty relate qu’au cours des deux dernières années, des procès sur la mort de Ousseynou Seck, mort dans les locaux de la police en 2012, celle de Kécouta Sidibé mort lors d’une arrestation par des gendarmes à Kédougou en 2012 et sur celle de Dominique Lopy mort dans les locaux du commissariat de police de Kolda en 2007 ont eu lieu. Dans ces différents cas, des agents ont été condamnés à des peines de prison. Une indemnité a été versée aux familles d’Ousseynou Seck et Kécouta Sidibé. ‘’Ces procès traduisent une volonté des autorités judiciaires de lutter contre l’impunité des membres des forces de sécurité’’, a déclaré Seydi Gassama.

Cependant, il a été regretté le fait que les résultats ou l’état d’avancement des enquêtes ouvertes sur de nombreux autres cas, notamment sur les décès  et actes de torture commis par des membres des forces de sécurité pendant la période précédant l’élection présidentielle de 2012 ne soient pas encore connues. Au mois de mars 2014, l’Etat du Sénégal a rejeté la recommandation de l’Examen périodique universel lui demandant d’enquêter sur les cas de disparitions forcées de civils casamançais arrêtés par les membres des forces de sécurité dans les années 80 et 90. ‘’Malheureusement, l’Etat persiste à nier ces cas bien documentés par Amnesty International et d’autres organisations de droits humains’’, regrette le directeur exécutif d’Amnesty section sénégalaise.

Des atteintes à la liberté de réunion et de manifestation  

‘’Malgré les engagements pris devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, lors de l’Examen périodique universel en mars 2014, l’Etat du Sénégal continue de violer la liberté d’expression, notamment la liberté de rassemblement et de manifestation pacifique proclamée par la constitution du pays et plusieurs traités régionaux et internationaux de droits humains dont il est partie’’, souligne-t-on dans le rapport. Il est relaté l’interdiction par le gouvernement en 2013 et 2014 de plusieurs manifestations initiées par des partis politiques, des syndicats et des groupes de la société civile à Dakar et dans les régions. Certaines manifestations ont été violemment réprimées par la police et des manifestants ont été arrêtés et traduits en justice. ‘’Les interdictions non fondées de manifestations constituent la principale cause de troubles à l’ordre public au Sénégal ; les manifestations autorisées se déroulent en général de façon pacifique’’, a rappelé Amnesty.

De l’incompétence de la CREI à garantir un procès équitable

Evoquant le Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), Alioune Tine, directeur régional du bureau Afrique de l’ouest et centre d’Amnesty, dira : ‘’Pour avoir violé 2 principes fondamentaux de droits notamment la présomption d’innocence et la garantie d’un procès équitable, le CREI pose un réel problème.’’  Selon lui, la CREI est une juridiction d’exception qui ne respecte pas les normes d’un procès équitable, en l’occurrence les droits de la défense et le double degré de juridiction consacrés par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (article 2 et article 14.5) et d’autres traités régionaux et internationaux de droits humains dont l’Etat du Sénégal est partie.

Ce que corrobore M. Gassama qui souligne que le droit à un procès équitable est un droit fondamental auquel ne peut déroger aucun Etat, quels que soient la nature et la gravité des charges retenues contre une personne. Il explique que ‘’Les tribunaux pénaux internationaux : la Cour pénale internationale, les tribunaux ad hoc et les juridictions hybrides comme les Chambres Africaines Extraordinaires mises en place par l’Etat du Sénégal et l’Union Africaine pour juger l’ancien président tchadien Hissein Habré, qui poursuivent les crimes les plus graves qu’un individu puisse commettre, le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité accordent toutes les garanties en matière de défense et le double degré de juridiction’’. Amnesty en déduit dans son rapport que la ‘’CREI doit être supprimée ou être profondément réformée pour la conformer aux normes internationales de procès équitables’’.

MENDICITE, CONTRUCTION DE PRISONS, STATUT DES DARAA…

Ces points positifs salués par Amnesty

Le rapport d’Amnesty a relaté des secteurs dans lequel l’Etat du Sénégal a entrepris d’importants efforts. C’est ainsi que l’organisation de défense des droits humains  a salué les efforts consentis en vue d’améliorer les conditions des détenus avec la construction prochaine d’une prison de 1 500 places et d’une Ecole nationale de l’administration Pénitentiaire à Sébikhotane. Aussi, la réforme judiciaire créant des chambres criminelles permanentes auprès des Cours d’appel pour remplacer les Cours d’assises va-t-elle permettre de réduire les cas de longues détentions préventives.

Amnesty a également salué la volonté de trouver une solution à la mendicité des enfants talibés marquée par le projet de loi portant statut des daara. C’est dans ce cadre qu’Amnesty a appelé tous les acteurs à mettre les droits de l’enfant au centre des discussions.

 Le projet de code minier qui constitue une avancée dans la protection des droits humains des communautés affectées par l’exploitation minière a été fortement encouragé. Même s’il a été précisé que le texte doit encore être amélioré avant d’être soumis à l’Assemblée nationale. L’autre initiative saluée est liée au fait que l’Etat du Sénégal est l’un des tout premiers à ratifier le Traité sur le commerce des armes dont la mise en œuvre par l’ensemble des Etats du monde permettra de mettre fin à la souffrance humaine causée par les conflits armés. ‘’En matière de santé, la couverture maladie universelle permettra à terme l’accès aux soins de santé des populations les plus démunies et c’est une bonne chose’’, a déclare Seydi Gassama, chargé de lire la partie sénégalaise du rapport.

AFRIQUE DE L’OUEST ET AFRIQUE AUSTRALE

L’avancée du terrorisme et la poursuite de guerres meurtrières

Dans le continent africain, la valse macabre des guerres s’est poursuivie en 2014. Ainsi, plus de 5 mille civils ont été tués en République démocratique du Congo en 2014. La même année, presque un million de personnes ont été obligées de fuir leurs maison. La guerre est encore apparue sous de nouveaux visages remplis d’atrocité à travers un nettoyage ethnique et religieuse effrayant, selon Steve Cockburn d’Amnesty Bureau Afrique de l’ouest et Afrique centre. 

Au Nigeria, la secte Boko Haram a tué au moins 4 mille personnes en 2014, et fait déplacer plus d’1.5 million d’autres. Un chiffre qu’il faudrait revoir à la hausse, selon Alioune Tine qui parle de 15 mille morts, selon certaines estimations. Ce qui fait plus peur, c’est qu’à présent, le conflit commence à dépasser les frontières, menaçant le territoire tchadien, nigérien et camerounais, souligne M. Cockburn.

Au même moment dans le Sahel, AQMI continue à menacer la stabilité des pays comme le Mali et ses voisins. Selon Amnesty, la réponse des gouvernements ne marche pas. Les Etats n’arrivant ni à contrôler la situation sécuritaire, ni à protéger les droits humains. ‘’De ce qu’on a témoigné des conflits en 2014, il y a quelques leçons qu’il faut tirer pour ne pas répéter les mêmes erreurs en 2015’’, a déclaré le directeur adjoint d’Amnesty bureau Afrique de l’ouest et centre. A son avis, il faut accepter qu’il n’y ait aucun conflit entre le respect des droits humains et une lutte efficace et durable contre le terrorisme.

AMADOU NDIAYE 

 

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