Publié le 21 Jan 2015 - 14:23
CADRE DE VIE, DENREES ALIMENTAIRES…

Une médiocre culture de l’hygiène

 

S’il fallait noter les Sénégalais en matière de salubrité du cadre de vie et de la propreté des aliments, il n’est pas certain que le service d’hygiène leur attribuerait une moyenne. La note risquerait d’être médiocre, tant des défaillances sont énormes dans l’assainissement, la gestion des ordures et la qualité de la nourriture.

 

210 agents ! Le service d’hygiène, on l’a déjà dit, n’est pas une priorité pour l’Etat du Sénégal. Pourtant, le comportement de tous les jours des Sénégalais indique que ses prestations sont essentielles. Par ignorance, par manque de moyens ou pour des intérêts égoïstes, les citoyens adoptent des attitudes préjudiciables soit à eux-mêmes, soit à leurs semblables. Et les problèmes existent aussi bien en ville que dans le monde rural. Si l’on prend l’une des missions du service d’hygiène qui est de veiller à ce que les aliments proposés aux consommateurs soient propres, on relève des difficultés réelles à ce niveau. En guise d’illustration, en 2013, sur les 67 626 établissements visités recevant du public, seuls les 18 935 respectent les Bonnes pratiques d’hygiène alimentaires (BPHA), soit 28% en valeur relative.

Il y a pourtant un phénomène qui inquiète plus les agents d’hygiène : la vente de nourriture dans tous les coins de rue. Les tables des dames, des jeunes filles et même des hommes qui vendent toute sorte de manger sont lésion. Le phénomène semble même avoir du succès, tellement la multiplication est importante. Pourtant, la propreté est réellement problématique, si l’on en croit la direction nationale de l’hygiène. ‘’On ne recommande pas d’ailleurs à la population d’y aller’’, déconseille un responsable. Malgré tout, du fait du niveau de pauvreté, les contrôleurs sont obligés de faire preuve de tolérance. ‘’Ils sont nombreux et il n’existe pas de barre légale de référence. On fait le minimum’’, avoue-t-il. Ce sur quoi les agents du service d’hygiène ne font pas de concession par contre, c’est le certificat médical que tout un vendeur est censé détenir. En fait, tout marchand d’aliment doit avoir un certificat médical d’une durée de validité de trois mois et attestant qu’il est apte à exercer une telle activité. Malheureusement, les chiffres qui nous ont été communiqués ne révèlent pas combien de vendeurs ont été épinglés pour défaut de certificat médical.

L’autre problème qui nécessite une attention particulière est la durée de vie des produits destinés à la consommation. Ils sont nombreux les Sénégalais qui n’hésitent pas à vendre des aliments périmés. Dans un entretien accordé à la Gazette et publié sur le site du magazine le 4 mai 2014, Major Ndiaye dresse le tableau de la situation. ‘’Nous sommes dans une période où nous avons senti qu’au niveau des grands marchés, des grandes surfaces, sur la voix publique, il y a les petits commerçants qui pratiquent  cette vente de produits périmés ou des produits avariés,  des produits  qui sont impropres à la consommation humaine’’, dénonçait-il.

Les victimes en faveur des bourreaux

Pour conjuguer le fléau, le département planifie ses opérations, le service d’hygiène effectue des descentes inopinées sur le terrain pour procéder à des vérifications des dates de péremption.  ‘’Ces opérations sont généralement programmées dans le temps et dans l’espace, sauf lorsque nous recevons des dénonciations. Dans ce cas, nous déployons immédiatement nos agents  pour les faire descendre sur le terrain et procéder à cette inspection’’, renseigne un responsable de la structure. Grâce à ce procédé, d’importantes saisies ont été faites. Les bouteilles de vinaigre, les essences bananes, les arômes, le jus en poudre comme Jum Kin, le beurre, les pots de moutarde, ceux de mayonnaise, ceux de petit pois, les canettes de boisson, et certains amuse-gueules comme les Chips sont entre autres les produits qui reviennent le plus. En 2013, la valeur des marchandises saisies a été estimée à 20 443 514 F CFA.

Toutefois, le service d’hygiène ne se fait pas d’illusion. Avec les moyens limités dont il dispose, il sait que la quantité qui passe entre les grandes mailles du filet reste préoccupante. Ainsi, Moustapha Kane, le chargé de l’éducation à l’hygiène, souhaite que cette question soit prise en charge d’abord par les populations elles-mêmes. C’est-à-dire que ces dernières aient le reflexe de vérifier la date des aliments avant de les consommer. Mais là aussi, de sérieux obstacles comme l’illettrisme se dressent sur le chemin. ‘’Le niveau d’instruction est un facteur bloquant’’, reconnaît-il.

Ce serait toutefois réducteur de tout mettre sur le compte de l’absence d’éducation. Car, en dépit des sensibilisations, M. Kane constate malgré lui qu’il arrive aux porteurs de la bonne parole de l’hygiène d’avoir le sentiment de prêcher dans le désert. C’est le cas par exemple lorsque des victimes se constituent en pool d’‘’avocats’’ au profit de leurs bourreaux. En fait, raconte-t-il, il est arrivé plusieurs fois qu’un boutiquier soit pris en flagrant délit de vente de produits périmés. Le service d’hygiène a donc l’obligation de saisir le produit et de lui faire payer l’amende. ‘’Mais parfois, ce sont les populations elles-mêmes qui se solidarisent avec les boutiquiers. Ce sont les mentalités’’, sourit-il.

Par ailleurs, la vente des produits avariés connaît sa traite avec les évènements religieux. Ce sont les moments pendant lesquels il faut faire très attention. Essayer surtout de vérifier la date de péremption ou voir si le contenant n’a pas changé de forme. ‘’À l’approche des manifestations religieuses, certains commerçants véreux cherchent à évacuer leur stock. C’est pourquoi nous renforçons le contrôle’’, indique M. Kane. Le résultat est que 80% des saisies ont lieu dans ces périodes, ajoute une autre source.

Cependant, l’hygiène ne s’arrête pas uniquement aux denrées alimentaires. Il y a aussi la salubrité du cadre de vie. La gestion des déchets s’avère être le point le plus compliqué. En 2012, les déplacements dans les maisons ciblées ont permis aux agents de service d’hygiène de découvrir que 4 461 concessions sont sans système d’évacuation des excréta en zone urbaine et 1 674 concessions en zone rurale. Dans les villes, à côté des déchets liquides, il y a aussi les déchets solides. Ceux-ci doivent être conservés dans un endroit approprié appelé poubelle. Par poubelle, les initiés entendent ‘’tout récipient qui se ferme et qu’on peut nettoyer’’. Dans les maisons, ce principe n’est très souvent pas respecté. D’ailleurs, le service d’hygiène a essayé d’accompagner les populations afin qu’elles aient des poubelles.

Mais ce qui a été remarqué, (pauvreté encore !) c’est que ces récipients étaient plus utilisés dans la conservation des denrées alimentaires comme le riz, plutôt qu’à y mettre des ordures. Dans le cas où la poubelle est utilisée, fermée et placée à la devanture de la maison, son propriétaire court le risque de la perdre. ‘’Les poubelles font l’objet de vol. C’est pourquoi dans les quartiers résidentiels, le gens ne veulent plus les laisser dehors’’, fait remarquer M. Kane. Et même s’il arrive que tout soit net, le travail du service d’hygiène est presque souvent anéanti par la défaillance du système de ramassage des ordures. Les populations ne pouvant pas vivre avec les ordures sont obligées de les jeter à des endroits non indiqués. Le chef du service espère une amélioration à ce niveau avec l’introduction prochaine de la touche féminine.

Défécation à l’air libre

Dans le monde rural par contre, c’est surtout la défécation à l’air libre qui pose un sérieux problème de santé. Dans les villages, elles sont nombreuses les maisons qui ne disposent pas de latrines. Les populations sont obligées d’aller dans des espaces situés derrière les habitations pour satisfaire les besoins. Afin de mettre un terme à cette pratique nuisible à la santé publique, le service d’hygiène a essayé dans un premier temps de les aider, mais le constat était que les toilettes étaient toujours utilisées par le chef de famille, à l’exclusion du reste.

Pour corriger cette erreur, explique Moustapha Kane, une nouvelle approche a été développée en partenariat avec l’UNICEF. Il s’agit du programme assainissement totale piloté par la communauté (ATPC). La novelle politique consiste à attirer l’attention sur le danger et à informer sur l’usage des ouvrages avant la construction. ‘’On fait la liste de toutes les maladies liées à la défécation à l’air libre. On estime les coûts avec les ordonnances, la charrette mobilisée, les jours non travaillés. Et on explique aux populations que tout cela réuni est plus cher que la construction d’une latrine.’’

Grâce à cette forme de communication, M. Kane dit avoir constaté que les pères de famille acceptent de financer eux-mêmes la construction des latrines. Ce qui fait que de plus en plus de villages atteignent la fin de la défécation à l’air libre (FDAL). Mais avec un rythme de sénateur tout de même. En effet, sur 98 villages choisis en 2013, il n’y a que les 38 qui l’ont atteint, soit 39% de réalisation. Autrement dit, l’hygiène a encore du chemin à faire. Heureusement que Ebola a amorcé une phase de déclin. Prudence quand même !

BABACAR WILLANE

 

 

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