Qui l’emportera ?
Les deux candidats Cheikh Bamba Dièye et le Professeur Ibrahima Fall viennent un peu tard de dire leur souhait de remettre en cause le calendrier républicain. Plus précisément, le candidat Fall a lancé un appel aux acteurs politiques nationaux, du pouvoir, de l’opposition et de la société civile à se réunir autour d’une table pour discuter de la situation. Le dialogue serait, de son point de vue, la meilleure solution pour conjurer les périls qui menacent le pays.
Cet appel ne ressemble pas au ministre de Diouf que les Sénégalais ont apprécié, surmontant quelques avanies à l’Enseignement supérieur et marquant de l’empreinte de la diplomatie sénégalaise le monde, agité à cette période par les convulsions des ultimes conflits de la guerre froide. Car le communiqué de la coalition qui le porte ne fait aucune concession à la réalité d’une candidature subie, depuis le début de la campagne, du président sortant.
Plus encore que le reste de l’opposition politique, le très conventionnel fonctionnaire international semble déterminé à en découdre avec le candidat au pouvoir pour l’amener à retirer sa candidature. Alors que l’ambiguïté entretenue par les candidats supposés plus crédibles au plan électoral le classe dans le camp des extrémistes qui misent plus sur le rapport des forces sur le terrain de la confrontation entre les manifestants et les forces de l’ordre que sur la bonne volonté des protagonistes.
La configuration du M23 ne permettant pas d’établir de manière définitive les responsabilités dans les violences des derniers jours de la campagne électorale ni de pronostiquer une stratégie planifiée pour empêcher la tenue des élections. Les pertes en vies humaines conséquentes de cette situation quasi insurrectionnelle alimentent la propagande de l’opposition dont le conscient collectif semble être habité par le souhait d’un appui décisif de la communauté internationale à leur cause.
Aucune des factions qui composent le M23 ne revendique cependant l’exploit des manifestants de ces derniers jours qui ont bouleversé les limites tactiques de cette alliance hétéroclite de politiciens issus de diverses coalitions de partis ou de ladite société civile sans compter certaines personnalités dites ''indépendantes''. Le mode d’adhésion au M23, souple à souhait, permet de tirer un profit politique de la pugnacité dont ont fait montre les manifestants, tout en se démarquant des conséquences judiciaires que pourraient entraîner leurs excès constatés.
A trois jours de la clôture de la campagne, la question de savoir qui l’emportera se pose en deux termes : qui l’emportera entre ceux des candidats qui, plus nombreux, veulent des élections quels que soient les cas de figure et les jusqu’au-boutistes rassemblés autour des candidats Ibrahima fall et Cheikh Bamba Dièye qui n’en veulent en aucun cas ? Plusieurs secteurs de mécontents peuvent leur apporter le report de l’élection en installant l’insécurité et en bloquant le processus électoral.
Mais cette stratégie peut être mise en échec par le fait que le régime n’a pas réellement entamé sa capacité de riposte, n’ayant jusqu’ici utilisé que les forces de police et accessoirement de la gendarmerie dans les secteurs qui sont sous son contrôle. Au surplus, l’obstruction du vote des citoyens par des secteurs de l’opposition sous les yeux des observateurs de la communauté internationale pourrait les discréditer et asseoir définitivement leur fait minoritaire.
Si le pouvoir tient bon et réussit sa mission d’organiser des élections même partiellement troublées, la question de savoir qui l’emportera pourrait être tranchée de manière démocratique entre les candidats au regard des tendances que les urnes auront révélées. Une victoire au premier tour, leitmotiv du parti au pouvoir, du candidat sortant posera effectivement problème compte tenu du poids supposé de ses principaux concurrents. L’essentiel reste que Me Wade gagne ou perde par les urnes plutôt que de sortir de l’Histoire par la petite porte, sous les huées.
En tout état de cause, la comptabilité effective des voix des électeurs et la présence physique dans tous les bureaux de vote des représentants de l’opposition est un facteur non négligeable pour la sincérité et la transparence des élections et la fiabilité de ses résultats. Le fait que l’opposition ait anticipé la contestation de la transparence des élections sans apporter des preuves tangibles pourrait lui être opposable. Encore que le nombre de ses candidats emmènerait à se demander parmi lequel d’entre eux le régime a volé sa victoire.