Faudra-t-il re-confiner ?
C’est la lancinante et omniprésente question du moment, tant les jours d’état d’urgence et de couvre-feu ont laissé de terribles stigmates dans la mémoire des ménages et sur l’état global de la société. Les individus en sont sortis essorés et les familles blessées. Pourtant, tout semble indiquer que cette hypothèse est inévitable.
Les chiffres de cette troisième vague qu’on peine d’ailleurs à nommer ainsi, sont chaque jour plus affolants : Hier encore, sur 4 419 tests réalisés, le Sénégal a enregistré 1 722 nouveaux cas de coronavirus. L’heure n’est plus à l’autruche et la dérobade politicienne des bas calculs n’est plus de céans : le président Macky Sall a lui-même (enfin !) brandit, en fin de semaine, la menace d’un ‘’reconfinement’’ devant la montée vertigineuse des contaminations et l’évidente inconscience des populations, surtout avec l’approche des festivités de la Tabaski qui altèrent, dans une euphorie suicidaire, la lucidité des Sénégalais face au péril du coronavirus.
La situation du Sénégal est à l’image de celle d’un nombre important de pays africains qui, depuis quelques semaines, connaissent une aggravation de leur situation pandémique. Les décès liés à la Covid-19, notamment par le biais du variant Delta, ont connu, en l’espace d’une semaine, une progression de 43 % en Afrique, informait jeudi la directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique. Prenant le taureau par les cornes, en réponse à la recrudescence des contaminations, alors même qu’il avait réussi à contenir le virus, le Rwanda a décidé de se ‘’reconfiner’ depuis samedi dernier, fermant à nouveau écoles et bureaux pour un peu plus d’une semaine.
Chez nous, le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, a rappelé samedi que le port du masque de protection demeure obligatoire dans les lieux publics comme privés, rappelant l’arrêté n°17602 du 29 avril 2021, prescrivant le port obligatoire du masque de protection dans les lieux publics et privés, sur la voie publique, les services de l’Administration publique, les services du secteur privé, les lieux de commerce. L’on imagine bien que cette simple injonction ne suffit pas à régler la question. En l’absence de moyens répressifs et fermes dans leur application, le règne du déni et du défi poursuivra sa tyrannie au sein de l’opinion, c’est-à-dire au sein d’un nombre considérable d’usagers des transports publics, des commerces et de l’Administration.
Cela est si vrai, qu’au registre des réponses radicales, un ancien responsable des services de santé a préconisé, samedi, le recours à l’armée pour la gestion de la pandémie et pour l’observance des règles de prévention par les populations. Option radicale qui dit toute l’inquiétude d’un certain nombre de nos compatriotes face à cette pandémie que rien ne semble pouvoir arrêter dans son ascension meurtrière et qui nous sert, comme dans un jeu à la gradualité sinistre, ses premier, deuxième, troisième et bientôt quatrième variants.
D’autant plus que les services compétents se montrent globalement incompétents à nous servir une situation épidémiologique claire, se limitant à la publication de chiffres dont on sait, au demeurant, qu’il faut les multiplier par trois, selon le ratio communément recevable, pour se faire une idée de la réalité des contaminations et des décès dans ‘’la vraie vie’’.
Alors, oui, il n’est pas exclu que bientôt, les hôpitaux publics atteignent un seuil de rupture où il leur serait difficile de recevoir de nouveaux malades. La situation deviendrait ainsi très vite ingérable. Le retour des festivités de la Tabaski risque de nous faire parvenir à ce pic-là, qui ne laisserait plus d’autre choix aux dirigeants que de ‘’re-confiner’’. Mais un ‘’re-confinement’’ intelligent qui associe vaccination et restriction des libertés dans un temps relativement bref, dans l’intervalle duquel tout doit se jouer massivement, efficacement et fermement.