Publié le 13 Aug 2021 - 17:53
CHRONIQUE PAR PHILIPPE D’ALMEIDA

Un tribut inacceptable

 

Sur l’autoroute Ila Touba, dans la nuit de mardi à mercredi, la route a encore demandé un tribut humain que l’inconscience et l’imprudence humaines lui ont payé. Sept morts et un blessé dans un état grave qui aura peut-être des chances de s’en remettre. 2 h du matin, entre Bambey et Diourbel… Cette 307 qui heurte un camion en stationnement et des cris d’épouvante, puis le silence.

Encore une fois, l’on est saisi par la violence de l’événement et le nombre de victimes ; on est plus saisi encore par la récurrence des hécatombes et par les scénarios de mauvais goût dont ils constituent le genre, dans un climat d’impuissance des pouvoirs publics et de fatalisme de l’opinion. On sait pourtant les causes de ce drame sans fin : excès de vitesse, surcharge, mauvais état des véhicules, non-respect du Code de la route, défaut de permis de conduire ou délivrance fantaisiste de celui-ci. Les maux ne sont pas ailleurs ; il s’agit bien de ceux-là.

L’enquête nous édifiera sur ce qui est arrivé en milieu de semaine sur cet itinéraire devenu si mortel que certains l’ont surnommé ‘’l’autoroute de la mort’’. Il y en avait déjà des autoroutes de la mort ; il y en aura encore, sans doute ; au fur et à mesure, en tout cas, que la puissance publique cèdera de l’espace et donnera de la liberté au mépris de la loi et aux contraintes qu’elle impose pour la sécurité de tous.

 Dans une déclaration faite le 19 mai 2021 par Ousmane Ly, Chef de la Division sécurité routière à la Direction générale des Transports routiers, environ 3 000 décès ont été enregistrés dans des accidents de la circulation, entre 2017 et 2020. L’année 2021 n’échappera pas à la tragédie des chiffres : au moins 11 personnes ont perdu la vie, dès la première semaine du mois d’août, dans un accident de la circulation à Podor (505 km de Dakar), qui impliquait un minibus et un car de transport entrés en collision au croisement de Guédé, dans le nord du pays. Ce n’était qu’un accident de plus sur la série noire commencée dès le début de l’année sur toutes les routes du Sénégal, dont la plus meurtrière reste encore l’autoroute Ila Touba.

A en croire une ONG de la place, 90 % de ces accidents sont liés aux comportements humains (excès de vitesse, téléphone au volant, effets des stupéfiants et de l'alcool). En moyenne, 644 personnes meurent chaque année sur les routes du Sénégal.

L’on serait injuste de dire que rien n’est fait au niveau des pouvoirs publics pour mettre un terme à la saignée : des lois répressives existent qui devraient dissuader de tout écart. Mais elles ne sont que très rarement appliquées, du fait, entre autres raisons, des interférences sociales : un coup de fil de tel ou tel chef religieux ou homme politique influent a eu tôt fait de restituer un permis de conduire et de soustraire un imprudent ou un voyou à la rigueur d’une loi armée pour réprimer. Ceci est proprement décourageant pour les acteurs de la sécurité routière, aux premiers rangs desquels, il y a les forces de l’ordre, à savoir policiers et gendarmes.

Mais aussi faudra-t-il sans doute mettre un peu plus l’accent sur la prévention. La rareté des affiches sensibilisant sur les dangers des relâchements humains, de l’irresponsabilité des conducteurs sur les routes et en agglomération, sont un fait. La publicité alimentaire est bien plus frappante au bord des routes sénégalaises que les affichages de prévention et de sensibilisation routière. La réalité est indiscutable d’une faille de la communication/sensibilisation et ce, depuis presque toujours.

Le résultat, lui, est là : la sécurité routière coûte au moins 163 milliards F CFA à l’État du Sénégal. Ce fardeau financier se répartit entre les services d'urgence et de sécurité sociale (prises en charge partielle ou totale dans les hôpitaux publics), ainsi que les heures de travail perdues, du fait de l’incapacité physique ou d’un décès qui affecte la productivité.

Or, il se trouve que cette situation n’est pas une fatalité ; elle appelle de la puissance publique plus de détermination à faire appliquer la loi, quand celle-ci est violée par des gens qui se moquent de la vie des autres, en téléphonant, par exemple, au volant ; en s’adonnant à des excès de vitesse pour satisfaire des pulsions personnelles ; en prenant le volant en dépit d’une alcoolémie prononcée au mépris de leur propre vie et de celle des autres. La liste n’est pas exhaustive des violations de la loi auxquelles l’Etat devrait s’intéresser avec bien plus de fermeté qu’il ne le fait.

En Europe, les Pays-Bas connaissent d'excellents résultats en matière de sécurité routière. Le pays n'enregistre, en effet, "que" 41 personnes tuées par million d'habitants. Des conducteurs citoyens, c’est-à-dire parfaitement renseignés et responsables, et des infrastructures adaptées expliquent, en partie, ces bons résultats…

 

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