Publié le 1 Aug 2023 - 19:24

Comment le Procureur a cerné Ousmane Sonko

 

 L’opposant Ousmane Sonko a été inculpé de huit chefs d’accusation ce lundi 31 juillet 2023 par le juge du 1er cabinet d’instruction du tribunal de grande instance hors classe de Dakar. Au terme de son face à face avec le Doyen des juges, le leader de Pastef a été placé sous mandat de dépôt, devenant ainsi un pensionnaire de Rebeuss. Oumar Maham Diallo, lié par certaines dispositions jugées «liberticides» du Code pénal et du Code de procédure pénale, n’a rien pu faire que de suivre le réquisitoire introductif du Procureur.

 

Le Procureur de la République du tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Abdou Karim Diop, n’a voulu aménager aucune échappatoire au leader de Pastef. Il a voulu le cerner de toutes parts en ratissant large. Non seulement, il a visé huit infractions pour des faits qui se seraient déroulés de 2021 à 2023 non encore purgés par la prescription, mais aussi il a visé des articles liberticides du Code pénal et du Code de procédure pénale pour ne donner aucun choix au juge d’instruction, si ce n’est de suivre à la lettre sa demande.

En effet, dans son réquisitoire introductif, document par lequel il a saisi le Doyen des juges pour lui confier le dossier Ousmane Sonko, Abdou Karim Diop a visé huit chefs d’accusation, notamment l’appel à l’insurrection, l’association de malfaiteurs, l’atteinte à la sûreté de l’État, le complot contre l’autorité de l’État , les actes et manœuvres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves, l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, le vol. La majeure partie de ces infractions sont prévues et réprimées par les articles 56 à 100 du Code pénal.

Pour bétonner son dossier, le Procureur de la République a visé l’article 139 du Code de procédure pénale avant de requérir le mandat de dépôt contre Ousmane Sonko. Or, cet article dispose que «sur les réquisitions dûment motivées du ministère public, le juge d'instruction est tenu de décerner mandat de dépôt contre toute personne inculpée de l'un des crimes ou délits prévus par les articles «56» à «100» et «255» du Code pénal». Du coup, Oumar Maham Diallo n’avait d’autres choix que de suivre le parquet dans ses réquisitions.

Raison pour laquelle, il a placé sous mandat de dépôt Ousmane Sonko à la prison de Rebeuss et devra démarrer d’ores et déjà son instruction.

Sonko à la merci du parquet

Ousmane Sonko devra être extrait plus tard de sa cellule pour être entendu dans le fond par le magistrat instructeur. Ce sera ainsi l’occasion, avec ses avocats, de donner ses arguments dans l’espoir d’anéantir toutes les charges retenues contre lui. Ce sera également l’occasion pour ses avocats de déposer une demande de liberté provisoire. Toutefois, même dans ce cas, Ousmane Sonko sera à la merci du procureur. L’alinéa 2 de l’article 139 du Code de procédure pénale note que «la demande de mise en liberté provisoire d'une personne détenue provisoirement pour l'un des crimes ou délit spécifiés à l'alinéa précédent sera déclarée irrecevable si le ministère public s'y oppose par réquisition dûment motivée».

C’est dire que le Procureur a les cartes en main dans ce dossier car il peut le maintenir en prison autant qu’il le voudra, à moins que le juge d’instruction accélère son instruction et lui décerne une ordonnance de non-lieu s’il ne dispose pas de charges suffisantes contre lui.

Ce que n’ignore pas Ousmane Sonko, lui qui compte désormais sur le soulèvement du peuple pour se tirer d'affaires. "Je viens d’être injustement placé sous mandat de dépôt. J’ai toujours placé ma confiance en Dieu. Si le peuple sénégalais, pour qui je me suis toujours battu, abdique et décide de me laisser entre les mains du régime de Macky Sall, je me soumettrai, comme toujours, à la volonté divine", poste-t-il sur sa page facebook, fataliste.

AUDITION OUSMANE SONKO

Ce que ses avocats ont dit au Doyen des juges

C’est la désolation dans les rangs du Parti Pastef. Leur leader Ousmane Sonko, arrêté vendredi dernier, a été placé sous mandat de dépôt par le Doyen des juges, Maham Diallo. contre lui.

MAGUETTE NDAO Et AMADOU FALL

Le doyen des juges, Maham Diallo envoie Ousmane Sonko en prison. Après quatre tours d’horloge d’audition, le magistrat instructeur a inculpé et placé sous mandat de dépôt le leader du Pastef. Il a ainsi suivi le réquisitoire du parquet.  Par ailleurs, ses avocats n’ont pu le rencontrer hier au tribunal. Seul Me Ciré Clédor Ly a eu le privilège de le voir avant son face à face avec le magistrat instructeur. Il a rassuré les partisans de son client en leur annonçant que celui-ci est serein. Néanmoins, la robe noire a dénoncé une anomalie et des violations de la défense. Pour lui, le procureur de la République en est l’unique responsable. Il reste convaincu que c’est lui qui a empêché les avocats de voir Sonko.  « On se demande au nom de quel droit, il le fait. Dans ce pays, le problème c’est le parquet qui utilise son pouvoir abusivement. Nous sommes dans une dérive autoritaire.

La défense se trouve dans l’impossibilité de voir son client, de s’entretenir avec lui, de le préparer en vue de son audition », s’est offusqué Me Ly. Selon l’avocat, si son client est placé sous mandat de dépôt, c’est à dessein. Cependant, il précise que c’est aussi « le destin de tout un peuple ». Pour finir, il déclare que cette décision n’entrave en rien sa candidature. Il s’est par ailleurs réjoui de la sérénité de son client. De son côté, Me Massokhna Kane renseigne que son client n’a pas répondu aux interrogations du juge. «  Ousmane Sonko n’a répondu à aucune question du juge. Nous avons demandé au juge d’instruction, au vu de l’absence de faits et de preuves sur les charges du procureur, de faire une ordonnance de refus d’informer », a renseigné Me Kane.

En outre, Ousmane Sonko a refusé de signer le procès verbal d’audition préliminaire après la notification des instructions.

Après quatre tours d’horloge, le juge lui a notifié sa mise sous mandat de dépôt. Le maire de Ziguinchor a ensuite été acheminé à la maison d’arrêt et de correction de Sébikotane. Pourtant, son pool d’avocats, une vingtaine, a requis une liberté provisoire pour leur client pendant près de deux heures. Ils ont à cet effet présenté des garanties de représentation de la loi. Ils ont surtout mis en avant le fait que les faits reprochés à leur client ne sont pas établis.

Ils ont également rappelé au juge qu’il n’est pas tenu de suivre la requête du juge. Par conséquent, il peut lui accorder la liberté provisoire. Toutes les armes ont été utilisées par les avocats du leader du Pastef pour convaincre le doyen des juges. En effet, ils sont allés jusqu’à attirer son attention sur les risques de troubles et lui signifier que ce serait une lourde responsabilité qu’il porterait tentant de lui faire comprendre que le contexte requiert la magnanimité du juge. Dans cette optique, ils ont rappelé la décision prise par le défunt juge Samba Sall, qui n’avait pas suivi la requête du procureur dans l’affaire sweet beauté. Après les discussions et une suspension de cinq minutes de la séance, Maham Diallo a annoncé sa décision. 

AMADOU FALL

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