Publié le 3 Jul 2013 - 21:57
CONCERT PAYANT DU MINISTRE DU TOURISME A BERCY

Youssou Ndour, le mélange de genres et les critiques

 

Sa double casquette actuelle de ministre du Tourisme et d'organisateur de concerts vaut à Youssou Ndour une pluie de critiques sur ce mélange de genres que des juristes éminents assimilent à une violation pure et simple de la constitution.

 

«Man damay bégué ; kumu neexul topal fële» (Moi, je prends du bon temps ; si cela ne vous plaît pas, allez vous faire voir», avait déclaré le chanteur Youssou Ndour lors de son concert organisé à l’occasion de la fête de la musique, le 21 juin 2012. Le ministre du Tourisme et des Loisirs a tenu, par ces mots, à répondre à ses détracteurs qui s’opposent à sa présence continue dans le gouvernement alors qu'il semble être retourné à ses vieilles amours : la chanson, les concerts, etc.

Aujourd'hui, ils sont nombreux, les Sénégalais qui accusent le Roi du Mbalax de violer la Constitution de la République en son article 54 qui stipule : «La qualité de membre du Gouvernement est incompatible avec un mandat parlementaire et toute activité professionnelle publique ou privée rémunérée». Alors que le ministre du Tourisme s’apprête à chauffer le Palais Omnisports de Paris-Bercy le 12 octobre 2013 à travers un «concert payant» (46 euros l'entrée soit 30 mille francs Cfa), son maintien ou non dans le gouvernement cristallise le débat politique.

 

«Conflit d'intérêts»

Dr. Malick Dieng, membre du Comité directeur du Parti démocratique sénégalais (PDS) ne met pas de gants pour dénoncer ce qu’il considère comme un «conflit d’intérêts». «Aujourd’hui, nous sommes en train d’assister à un bouleversement de notre processus de progrès. On ne peut pas être au cœur de la République, être payé, être logé par l’Etat et les contribuables sénégalais, et fouler aux pieds les principes fondamentaux de la République», constate le directeur de l’Institut libéral. Pour lui, le come-back de Youssou Ndour sur scène «est une contradiction totale de l’Etat sénégalais qui montre que le conflit d’intérêts et la recherche du profit préoccupent plus ceux qui nous gouvernent» que les attentes diverses exprimées par les populations. Pour Malick Dieng, le ministre Youssou Ndour a déjà fort à à faire dans son département où les défis sont titanesques. «Il doit développer des perspectives pour mettre notre tourisme sur la rampe du développement.»

C’est la raison pour laquelle le député Zator Mbaye demande au «Roi du Mbalax» de faire «son choix» entre sa fonction de ministre et celui de musicien. «Je suis un grand fan de Youssou Ndour, rappelle-t-il. Cependant, je suis totalement contre le cumul de fonctions pour la simple raison que dans notre pays, il y a des valeurs que nous devons préserver. On ne peut siéger le matin à la réunion du Conseil des ministres et le soir, aller dans une boîte de nuit pour animer une soirée».

Pour ce responsable de l’Alliance des forces de progrès (AFP), le choix à faire est d'autant plus incontournable que «dans sa tête, Youssou Ndour est certainement en train de concevoir le concert de Paris-Bercy plutôt que de planifier une bonne politique de tourisme» pour la destination Sénégal.

 

«Conseil des ministres le matin, animation d'une soirée le soir»

Un point de vue partagé par Mamadou Mbodji, coordonnateur du M23, pour qui on ne peut pas, «par principe», occuper des fonctions gouvernementales et organiser des activités à but lucratif. «J’ai toujours pensé qu’on pouvait être ministre et chanter pour des œuvres caritatives. Mais s’il s’agit d’organiser des concerts pour entretenir un orchestre, ce n’est pas normal», déclare le successeur de Alioune Tine à la tête du mouvement «insurrectionnel» du 23 juin.

Zator Mbaye revient pour battre d’ailleurs en brèche ceux qui soutiennent que Bercy 2013 va booster la destination Sénégal. «Cela profite plus à Youssou Ndour puisque c’est lui qui est le producteur de ce concert». Des propos nuancés par Seydou Guèye, secrétaire général du gouvernement et porte-parole de l'Alliance pour la République (APR), qui estime que le ministre du Tourisme a la «claire conscience» des responsabilités qu’il occupe dans le gouvernement. Ayant pris part au dernier concert du Roi du Mbalax au Cices, Seydou Guèye s'erige en défenseur de son collègue dans ce débat, mais avec beaucoup de précautions. «Youssou Ndour, en tant que ministre, peut avoir des activités artistiques si c’est pour financer les activés du tourisme. Pour faire cela, il y a des règles à respecter ; et je pense que Youssou Ndour en est conscient».

Son camarade de parti, Abdourahmane Ndiaye, secrétaire administratif de l’APR, va plus loin dans son soutien au ministre du Tourisme en qualifiant ses détracteurs de «méchants» et d’«idiots». «Youssou Ndour est une fierté nationale ; il n’y a aucun mal à ce qu’il chante. Il est dans son milieu naturel», explique le PCA de Petrosen. Pour convaincre, il convoque le cas de l’ancien ministre brésilien de la Culture, Gilberto Gil, et l’actuel président haïtien, Michel Martelly, qui sont tous des musiciens. Comme pour narguer son monde, il déclare : «J’aimerais que Youssou Ndour organise des concerts toutes les semaines». Il faut peut-être juste rappeler à Abdourahmane Ndiaye que Gilberto Gil et Michel Martelly, dans leurs fonctions respectives de ministre de la Culture du Brésil et président de la République haïtienne, n'ont jamais organisé de concerts... Et c'est peut-être la toute la différence avec Youssou Ndour.

 

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