Le secteur privé dresse son bilan
Les acteurs du secteur privé se sont réunis, hier, au Bureau exécutif du Conseil national du patronat du Sénégal, pour faire part à l'opinion publique nationale et internationale de l'ampleur des dégâts matériels qu'ils ont enregistrés, lors des manifestations des 1er, 2 et 3 juin derniers.
Les récentes manifestations ont occasionné beaucoup de pertes en vies humaines, des blessés, des arrestations et des dégâts matériels considérables. Des édifices de l'État ont certes été attaqués, mais le secteur privé national semble avoir été beaucoup plus impacté par ces violents affrontements qui avaient secoué le pays et tout mis à l'arrêt.
Hier, les acteurs dudit secteur ont fait face à la presse pour faire le bilan des dégâts matériels qu'ils ont enregistrés, lors de ces événements douloureux.
Prenant part à la rencontre, le représentant d'Auchan/Sénégal a informé que sept magasins de cette entreprise ont été attaqués et pillés, lors des derniers événements, laissant ainsi les équipes de ces magasins sans outil de travail. "Au vu de la situation d'arrêt collectif et momentané de travail, plus de 300 collaborateurs risquent d'être mis au chômage technique jusqu'à nouvel ordre, conformément aux dispositions de l'article L65 du Code du travail", a-t-il fait savoir.
Pour rappel, en mars 2021 également, 19 magasins Auchan avaient été saccagés et pillés par des manifestants. Après avoir présenté ses condoléances à la Nation sénégalaise, Auchan/Sénégal dit espérer que les événements actuels, qui impactent les clients, fournisseurs, prestataires et collaborateurs, trouveront au plus vite une résolution définitive.
Embouchant la même trompette, le président de l'Association des banques du Sénégal, Bocar Sy, a souligné que 14 établissements bancaires ont été impactés, à travers les 31 agences de l'association. Un préjudice estimé à Plus de 3 milliards F CFA.
Concernant de la coupure de l'Internet, le représentant de Wave a indiqué qu'ils ont constaté une baisse de 40 % de l'utilisation des opérateurs de leur plateforme. Ce qui veut dire que plus de 7 millions d'utilisateurs de cet opérateur mobile ont été impactés par la coupure d'Internet pendant les manifestations.
La même situation s'est produite chez Expresso Sénégal. "La coupure de l'Internet a entrainé une baisse drastique de 50 % de l'utilisation du service journalier de l'opérateur mobile Expresso", a informé sa représentante, Mme Kane.
Ainsi, même si elle ne souhaite pas que ces événements se reproduisent, elle a invité les dirigeants d'entreprise à avoir un plan de résilience qui va leur permettre d'agir en cas d'urgence.
Comme tous les autres secteurs, celui de l'économie numérique n'a pas aussi été épargné par cette crise. Le représentant de la Sonatel, Abdou Karim Mbengue, a révélé que leur entreprise a évalué les dégâts matériels à 677 millions F CFA, sans compter les 309 kiosques, pour un montant de plus de 154 millions, qui ont été totalement vandalisés.
Baïdy Agne : "Il n'est pas acceptable et compréhensible que l'entreprise continue d'être ciblée, saccagée, pillée..."
Prenant la parole, le président du Conseil national du patronat du Sénégal (CNP), Baïdy Agne, a lancé un message fort à l'endroit des casseurs des biens d'autrui : "Notre message, celui de tout investisseur national et étranger, est qu'il n'est pas acceptable et compréhensible que l'entreprise continue d'être ciblée, saccagée, pillée, brûlée et sacrifiée en raison de différends et de divergences politiques."
Si les violences continuent, a-t-il ajouté, il faudra faire face à la réalité économique. "Sera-t-il encore possible d'approvisionner en carburant les stations-service ? Les banques ne seront-elles pas obligées de mettre en place un service minimum avec les distributeurs automatiques de billets ? Que dire du secteur du tourisme et du transport aérien, des chaines d'approvisionnement et la grande distribution, des chantiers d'infrastructures, des télécommunications, de la Fintech et du numérique ?", s'est-il interrogé. Avant de marteler : "Nous risquons de subir une crise beaucoup plus profonde que celles de la Covid-19 et de la hausse des coûts mondiaux des denrées de première nécessité, sans oublier les chocs exogènes auxquels nous sommes actuellement confrontés."
Dans la même veine, par la voix de son président, le CNP a rappelé que les risques d'investir, de créer des emplois, de contribuer substantiellement, à travers les impôts, au budget de l'État, de donner une protection sociale aux travailleurs, c'est l'investisseur national et étranger qui les prend. Ainsi, le CNP rappelle qu'en milieu professionnel, la non-discrimination politique, ethnique, religieuse, ainsi que par rapport au sexe et à nos langues nationales, entre autres, c'est aussi l'investisseur national et étranger qui l'applique.
"Que l'on se comprenne bien. Brûler et piller une entreprise, quelle que soit sa taille, c'est bien plus que détruire des investissements privés. Oui, c'est priver des Sénégalais d'emplois et de revenus. C'est moins de recettes fiscales pour l'État pour soutenir notre population. C'est inviter les investisseurs nationaux et étrangers à regarder ailleurs, d'autres pays plus sécurisants et protecteurs de leurs droits", a prévenu le président de CNP.
Monsieur Agne de poursuivre : "N'oublions pas qu'aujourd'hui, le monde se divise, se reconstruit en nouveaux blocs, et invite les nations à faire face à des enjeux de souveraineté économique et de défense nationale sans précédent, mais aussi d'intolérance, de discrimination et d'obscurantisme. Nous devons tous accorder à la préservation de l'union et la solidarité de tous les citoyens. La violence, la haine de soi et l'insouciance ne sauraient constituer le socle de valeurs de progrès de toute société", a-t-il prévenu.
FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)