L’avocat Juan Branco dénonce Macky Sall et des autorités à la CPI
Plainte à la Cour pénale internationale (CPI) contre le président sénégalais Macky Sall, le ministre Antoine Diome, le général Moussa Fall ainsi que 109 autres personnes. L’avocat d’Ousmane Sonko, Juan Branco, les accuse de ‘’crimes contre l’humanité’’ commis entre les mois de mars 2021 et de juin 2023.
Juan Branco a mis sa menace à exécution. L’avocat d’Ousmane Sonko a déposé, hier, une plainte à la Cour pénale internationale (CPI) contre le président sénégalais Macky Sall, le ministre Antoine Diome, le général Moussa Fall ainsi que 109 autres personnes. Le docteur en droit a apporté des éléments de ‘’preuve’’ relatifs à la commission de ‘’crimes contre l’humanité’’ au Sénégal, ‘’commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre une population civile’’.
Parmi ses preuves, il y a des images qu’il a projetées lors de sa conférence de presse d’hier et jointes dans sa plainte. Un argumentaire juridique détaillé qu’il a laissé en accès libre, pour démontrer le seuil de gravité.
‘’Nous vous prions d’ouvrir sans délai un examen préliminaire concernant la situation du Sénégal, premier pays à avoir déposé ses instruments de ratification du Statut de Rome, dans la perspective d’une saisine de la chambre préliminaire aux fins d’ouverture d’une enquête au titre des articles 13.c) et 15 du Statut de Rome’’, a écrit l’avocat à la Cour d’appel de Paris au procureur de la CPI.
‘’Monsieur Macky Sall, président de l’État du Sénégal, son ministre de l’intérieur Antoine Félix Diome et le haut commandant à la gendarmerie ont, avec l’aide de 109 autres personnes identifiées, ordonné, supervisé et fait exécuter, de façon organisée, planifiée, méthodique et massive, des violences à des fins politiques contre des manifestants désarmés, des militants, des journalistes, des avocats, mais aussi de simples citoyens depuis le mois de mars 2021, faisant plusieurs milliers de victimes’’, dénonce-t-il.
D’après Juan Branco, les partisans du mouvement politique Pastef et de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi ont été en particulier ciblés, en commettant les ‘’crimes’’ de ‘’meurtre’’, emprisonnement et privations de liberté, en ‘’violation’’ des dispositions fondamentales du droit international, torture, persécution et disparition forcée (article 7.a, 7.e, 7.f, 7.h et 7.i du Statut de Rome).
‘’Volonté de M. Sall d’effectuer un troisième mandat’’
Pour l’avocat, cela a été fait dans le but de se perpétuer au pouvoir à tout prix et d’éviter une transition démocratique pourtant exigée par les dispositions constitutionnelles du pays, en particulier de son article 27. Il s’insurge du fait que ‘’ces violences politiques’’ ont été ‘’affichées et assumées, amenant notamment à la commission d’actes de barbarie particulièrement insupportables’’ contre des mineurs, utilisés comme boucliers humains, l’exposition dans l’espace public d’actes de torture contre des opposants politiques, l’’’assassinat’’, la mutilation et l’arrestation arbitraire’’ de nombreux manifestants.
Pour Juan Branco, les membres du gouvernement se sont inscrits dans un cadre plus général d’intimidation et d’élimination par tous moyens des opposants politiques au pouvoir en place, par le truchement notamment de procédures judiciaires instrumentales amenant à leur arrestation, leur exil ou leur inéligibilité ; de ‘’détournement’’ de dispositions législatives aux fins d’obstruction de l’action de forces politiques, de médias d’opposition ; de persécution de membres de la société civile, d’avocats, de médecins et enfin d’entrave à l’exercice des droits fondamentaux des citoyens sénégalais.
‘’Ces crimes ont eu pour vocation d’empêcher les populations sénégalaises, et en particulier les militants du Pastef de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, d’exprimer leur opposition à la volonté de M. Sall d’effectuer un troisième mandat et de se voir représentés dans l’espace politique sénégalais. Ils ont été mis en œuvre de façon intentionnelle et ciblée’’, a-t-il soutenu.
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JUAN BRANCO SUR L’ACHAT D’ARMES ET LE RECRUTEMENT DE NERVIS AU SÉNÉGAL
‘’La présidence de la République a directement a mis en place des commandes d’armes’’
Le ministère de l'Environnement du Sénégal a été accusé d’avoir commandé de façon illégale des armes. Hier, dans le cadre d’une plainte à la Cour pénale internationale contre Macky Sall et plus de 100 personnes concernant la commission de crimes contre l’humanité au Sénégal, cette question, ainsi que celle du recrutement des nervis, a été soulevée.
BABCAR SY SEYE
La question de l’achat d’armes, dont la commande a été passée par le ministère de l'Environnement sénégalais, a été soulevée, hier, par Juan Branco, avocat à la Cour d’appel de Paris. L’avocat d’Ousmane Sonko dénonçait, lors de sa conférence de presse, le meurtre et la blessure de manifestants, par le truchement de tirs à balle réelle contre des populations, l’attaque systématique et généralisée mise en œuvre par M. Sall, ses exécutants’’.
‘’Ces crimes ont été commis dans un contexte de banalisation calculée de l’usage de la violence par des proches du pouvoir et d’instrumentalisation de l’appareil judiciaire. Elle s’est fondée sur une stratégie de nomination, promotion et sanction de personnes affidées au sein des forces de police et de la magistrature, afin de s’assurer de l’obéissance des forces de l’ordre et la mobilisation de l’appareil gouvernemental à cette fin ; la signature de contrats d’armement, l’organisation et le financement de nervis en dehors de tout cadre légal ; la mobilisation, au titre du ‘’maintien de l’ordre’’, d’armes létales et d’armes de guerre contre la population sénégalaise par les forces de sécurité et de défense, entraînant notamment de tirs à balle réelle contre des foules pacifiques. Enfin, l’instrumentalisation de procédures judiciaires et le détournement systématiquement du cadre juridique applicable’’, a écrit l’avocat dans sa plainte adressée à la Cour pénale internationale contre le président sénégalais et des hommes qu’il commande.
Juan Branco, qui dit avoir identifié plus de cent personnes concernant la commission de crimes contre l’humanité, a listé quelques noms. Parmi eux, le colonel Jean-François Ngom et des membres de la famille du président de la République. Le premier nommé aurait d’ailleurs joué le même rôle au sein de la gendarmerie sénégalaise auprès de Moussa Fall, haut commandant. ‘’Au sein de la présidence de la République, monsieur Macky Sall a mis en place un système qui s’appuyait, d’un côté, sur l’utilisation de forces de l’ordre légale et, d’un autre côté, sur l’organisation de ce que l’on appelle des nervis. Il s’est appuyé sur un premier cercle d’intimes particuliers. Marième Faye Sall, sa femme, et Amadou Sall qui ont organisé le recrutement et le financement de ces nervis. Ils sont responsables, à titre principal, de la commission de crime contre l’humanité. Meissa Ndiaye, aide de camp, a participé à l’organisation de ces faits aux côtés notamment d’un certain nombre d’individus dont Abdoulaye Sall, le chauffeur du président qui faisaient les liens avec les organisations de nervis’’, affirme l’avocat. Soutenant également qu’autour de la présidence, des éléments extérieurs, dont Farba Ngom, griot, ont joué un rôle extérieur qui consistait à créer des fiefs, constituer des groupes paramilitaires, à les armer. ‘’La présidence de la République elle-même, directement, en tant qu’institution, a mis en place des commandes d’armes. Celles-ci ont été organisées avec l’aide d’un intime de Macky Sall qui s’appelle Gabriel Perez (Belge résidant en Israël). Ce dernier a fait livrer 104 tonnes d’armes à la présidence de la République au deuxième semestre de 2022’’, accuse Me Banco.
À l’en croire, ces armes sont en partie encore stockées à l’ancien aéroport Léopold Sédar Senghor et feraient l’objet de distribution régulière et notamment de placement dans des caches dans certains espaces du territoire sénégalais, de façon à être utilisées en cas de crise politique. ‘’Ces 104 tonnes d’armes constituent principalement des munitions - pour des armes lourdes - et des armes légères. Le financement de ce contrat nous semble être lié à toute une série de fonds spéciaux qui échappent au contrôle politique sénégalais et aux représentants de la nation sénégalaise. Ils ont permis aussi par des avances qui sont faites à Gabriel Pérez, des lignes de crédit qui ont été octroyées jusqu’en 2024’’, a dénoncé l’avocat lisant une attestation du colonel Adama Guèye.
Parlant de l’organisation de l’appareil répressif, il a surtout évoqué le rôle du ministre de l’Intérieur. ‘’Vous en avez les moyens, une fois que vous aurez organisé les conditions qui vous permettent d’assurer que cela pourra se dérouler. Il faut que cela arrive. Et nous avons évidemment, à ce titre, deux principaux suspects. Les personnes les plus importantes dans la commission de ce crime et encourant la plus lourde responsabilité : Antoine Félix Diome, ministre de l’Intérieur, et Moussa Fall. Antoine Félix Diome a joué un rôle important - d’abord en tant que magistrat, ensuite comme ministre de l’Intérieur - pour rassurer au régime la possibilité de se perpétuer à tout prix au pouvoir. Il a tenté en mars 2021, comme entre les mois de mars à juin 2023’’, a-t-il soutenu.
Yoro Dia, coordinateur de la communication présidentielle, et El Hadj Malick Gaye ont aussi été cités par l'avocat d’Ousmane Sonko.
BABACAR SY SEYE