‘‘Bara Diouf est un soleil qui ne se couche jamais’’
Ancien directeur du quotidien Le Soleil et fondateur de l’Agence de presse sénégalaise (APS). Deux faits d’arme qui suffisent à éclairer le rôle de pionnier joué par Bara Diouf dans l’éclosion de la presse au Sénégal. Il est décédé dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 septembre à l’âge de 89 ans.
‘‘Je suis un journaliste de combat, appartenant à un parti et défendant les idéaux de ce parti... (Sans que ceci) n’aliène en moi le souci de la recherche de la vérité’’. Un sacerdoce chez Bara Diouf que l’on retrouve dans l’œuvre de Thierry Perret ‘‘Le temps des journalistes- L'invention de la presse en Afrique francophone’’ parue en 2005, chez Karthala. Dans cette œuvre qui brosse le rôle de précurseur du Sénégal dans la démocratisation de la presse en Afrique, le ‘‘doyen’’ Bara Diouf ne pouvait que tenir un grand rôle. Une justification nécessaire au vu d’accointances socialistes qu’il ne cachait d’ailleurs pas. ‘‘En ce temps, il n’y avait pas beaucoup de positionnement politique.
Malgré ses positions, il pouvait se permettre d’ouvrir les yeux à l’Etat. Ce qui n’empêche qu’il était très écouté par le président Senghor’’, témoigne son ancien élève et actuel Directeur de la communication, Alioune Dramé. D’ailleurs après en avoir fini à la Direction du ‘‘Soleil’’, il a été député socialiste jusqu’en 1986. Il fut aussi membre associé de l’Académie des sciences d’Outre-mer, élu le 4 décembre 1987.
Bara Diouf demeure une référence pour les journalistes qui l’ont côtoyé. ‘‘C’était un éditorialiste de talent. Il écrivait merveilleusement bien et était doté d’une vaste culture, d’une connaissance pointue de la société sénégalaise et une expertise approfondie du champ politique du Sénégal et de l’Afrique. Bara est un soleil qui ne se couche jamais’’, témoigne son Alioune Dramé.
Une décennie avant les indépendances en Afrique, il est jeune cadre supérieur aux Postes et Télécommunications de l’AOF (Afrique-Occidentale française). Après une rencontre avec le grand savant sénégalais Cheikh Anta Diop, à Paris, ce fut le tournant. Ce dernier l’inscrivit au lycée Voltaire à Paris, où il passe avec succès son baccalauréat, qui lui permet d’intégrer le Centre de formation des journalistes de la capitale française. Après un passage au journal Le Monde, il revient à Dakar en 1960, et crée l’Agence de presse sénégalaise (APS). Dans les années 1970, alors que beaucoup de pays africains sont sous le joug de régimes autoritaires, le premier quotidien du pays voit le jour. Le Soleil ! ‘‘C’est simple, ça éclaire et ça dure’’, se remémore Bara Diouf. Une phrase du président-poète Senghor, dont il se rappelle dans Jeune Afrique, en faisant une petite genèse de la création de l’astre de Hann.
Homme de bien
Le journaliste n'était pas que doté d’une grande culture. Ses qualités humaines étaient également appréciées par ses anciens associés. Le journaliste et chroniqueur Abdou Salam Kane (Asak) en perd même son français qui ne lui fait pourtant pas défaut. ‘‘Ñakk kañaan’’, lâche-t-il au bout du fil, en guise de témoignage. ‘‘S’il voyait quelque chose de bien en quelqu’un, il n’hésitait pas à le reconnaître et à le lui reconnaître. Ce qui est extrêmement rare dans notre pays et dans la presse.’’ Le chroniqueur va au-delà même de son statut de grand journaliste pour lui attribuer peut-être celui du plus grand. ‘‘Il a accompagné nos premiers pas avec beaucoup de compréhension, de générosité et une foi de formateur. Il était notre maître à penser’’, renchérit Alioune Dramé.
En début de soirée d’hier, un communiqué du ministre de la Communication lui rendait aussi hommage. ‘‘Bara Diouf aura marqué de son empreinte le journalisme sénégalais, dont il fut l’une des figures de proue. Le Sénégal vient ainsi de perdre un grand intellectuel, un homme de principe et de valeur. En cette douloureuse circonstance, le Gouvernement lui rend un hommage mérité’’, conclut-il.
OUSMANE LAYE DIOP