Publié le 28 Apr 2022 - 17:37
DECES DE RUDY GOMIS

Le Baobab perd une autre de ses racines

 

Le Baobab vient de  perdre une autre de ses racines. Rodolphe Clément Gomis dit ‘’Rudy’’, en effet, est décédé mercredi à 3 h du matin, à l’hôpital de la Paix de Ziguinchor, des suites d’une longue maladie.

 

En 2020, l’Orchestra Baobab fêtait ses 50 ans de carrière. Rudy Gomis est l’un des membres fondateurs de cet orchestre. Au quartier Boudody, centre-ville de Ziguinchor, qui l’a vu grandir, c’est la consternation totale.  L’auteur des tubes fétiches comme ‘’Tante Marie’’ trainait une maladie qui l’a immobilisée depuis quelques années maintenant. Toujours souriant et plein d’humour, le commerce facile, Rudy était l’une des grandes voix de sa formation musicale, aux côtés de Laye Mboup, Médoune Diallo, Ndouga Dieng, Thione Seck et Balla Sidibé avec qui il a écrit les plus belles pages de l’histoire de la musique sénégalaise et africaine.

D’une fertile créativité, ‘’humecté de toutes les rosées’’, le ‘’Fiji di terra’’ (fils du pays, en créole) s’inspirait et tirait principalement ses belles mélodies de la pure tradition culturelle casamançaise, parfois bissau-guinéenne agrémentées par des sonorités latines.

Si M. Gomis est devenu célèbre grâce au Baobab, il n’a pas commencé sa carrière avec ce groupe. C’est à l’université Cheikh Anta Diop où tout a commencé pour lui. Après, il a rejoint le Paladium de Colobane, de Jean Sogan. Il est allé ensuite au Harlem Jazz et a également joué avec Mady Konaté et fait les chœurs pour Labba Sosseh qui est, disait-il, son idole.  Il a également fait partie de la horde de musiciens du Miami qu’il a quittée par la suite.

‘’Un jour, Adrien Senghor est venu me voir et m’a dit qu’il avait une boite dénommée Le Baobab et qu’il cherchait des musiciens qui pourraient assurer l’animation dare-dare. C’était à la fin des années 1960. Je suis allé au Miami chercher des artistes. Le premier qui m’a donné son accord est Balla Sidibé. J’ai vu après Barthélemy (Atisso) qui a accepté. Médoune et Ndiouga ont refusé. La première formation du Baobab, c’était Barthélemy, Balla, Doudou Seck, qui était le premier chanteur folklore du groupe, Bitèye et Ndarine. Thione Seck est venu après. Il a fait 17 ans avec nous’’, se remémorait Rudy Gomis dans une interview avec Awadi.  

L’homme des mélodies

Ainsi est né l’Orchestra Baobab qui a connu bien des départs après, dont celui de Thione Seck et l’entrée de nouvelles recrues. Rudy Gomis a toujours été l’un des compositeurs attitrés du groupe. Tous les membres disaient : ‘’Les mélodies, il faut les lui laisser.’’ Rôle qu’il a accepté de  jouer. ‘’Pour avoir de bonnes mélodies, il faut aimer les gens, être magnanimes. Quand j’ai débuté la musique, c’était par amour’’, expliquait-il.

Par conséquent, il lui était facile de trouver les bonnes notes, la bonne cadence pour chaque texte.

L’orchestre a connu des périodes fastes et une forte rivalité avec le Number One et le Star Band. ‘’Nous, quand nous avons quitté le Star Band, nous avons baptisé notre groupe Baobab. Quand Youssou Ndour a quitté le Star Band, il a créé le Super Etoile. Les gens du Number One viennent du Star Band. Nous reconnaissons quand même avoir eu une seule rivalité avec le Number One qui était peut-être notre alter ego à cette époque-là. Nous n’avions pas le même style. La preuve, le temps nous a donné raison. Eux, ils utilisaient le ‘talking drums’. Dans le Baobab actuel, vous retrouvez tous les bons gars du Number One. Donc, cette rivalité, c’est le public qui l’entretenait. Une fois, ils ont organisé une compétition entre le Baobab et le Number One. Le meilleur devait gagner une coupe. Cette compétition, c’est comme si on demandait à l’équipe du Barça d’affronter l’équipe du Sénégal. Il n’y a pas match. Il y en a un qui va écraser l’autre. L’équipe la plus faible pourrait avoir quelques éclats. Nous, nous avons joué avec Aragon. Et ils ont juste joué notre première partie. Vous savez ce que cela signifie en musique. Ce jour-là, nous avons gagné la coupe et les gens se sont battus là-bas. Il y avait des musiciens du Baobab qui n’étaient pas d’accord’’, se souvenait-il dans une interview avec ‘’EnQuête’’.

Dans la même interview, il expliquait le choix musical du Baobab : ‘’Le mbalax est une forme de rythmique accompagnatrice qu’utilisent les Wolofs qui l’ont pris des ‘Naar’. Cela mis à outrance peut gêner l’étranger. Il se perd dans le tempo. Il n’y a que les Sénégalais qui savent danser le mbalax. Encore que si vous prenez dix personnes qui dansent le mbalax, ils ne sont pas tous sur le même tempo. Pour l’Orchestra Baobab, il était préférable de faire quelque chose de panafricain. Beaucoup de gens disent qu’on n’aime pas jouer le mbalax. Mais ce n’est pas ça. C’est trop facile pour nous. Et pour les contenus qu’on a, la rythmique  n’y sied pas. Si je dois chanter les louanges de ma mère et de mon père, c’est très facile de le faire avec le mbalax. Mais quand on développe des thématiques historiques, par exemple, on ne peut pas y mettre des percussions à outrance, au risque de noyer le message.’’

MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

‘’Chantre de la culture créole casamançaise’’

"C’est avec une grande tristesse et une profonde consternation que j’ai appris le rappel à Dieu de notre compatriote Rudy Gomis, une des figures de proue de la musique sénégalaise. Le Sénégal perd un grand artiste, chanteur légendaire de l’Orchestra Baobab. Rudy Gomis est l’auteur de plusieurs classiques de la chanson sénégalaise qui résisteront au temps des hommes, tels que ‘Gatax’, ‘Tante Marie’, ‘Wanma Ma Guiss’ ou ‘Yen saay’.

Chantre de la culture créole casamançaise, devenu très éclectique dans l’inspiration, Rudy est resté pendant plus de 50 ans l’un des piliers du mythique Orchestra Baobab qui a marqué profondément l’histoire de la musique sénégalaise et africaine.  Rudy rejoint aujourd’hui Laye Mboup, Ndiouga Dieng, Barthélemy Atisso, Balla Sidibé, Issa Cissokho et Médoune Diallo, ses compagnons de la grande épopée du Baobab auprès du Seigneur.

Je prie pour le repos éternel de leurs âmes au paradis céleste. En cette circonstance douloureuse, j’exprime, au nom du président de la République, Son Excellence Monsieur Macky Sall, Protecteur des Arts et des Lettres, du gouvernement du Sénégal et en celui de la communauté artistique et culturelle, mes condoléances sincères à la famille éplorée et au peuple sénégalais."

B. BOB et HUBERT SAGNA

 

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