Publié le 2 Oct 2015 - 16:23
DEVELOPPEMENT DU SEPTIEME ART EN AFRIQUE

Le financement, le casse-tête des réalisateurs 

 

Les réalisateurs africains ne produisent pas beaucoup de films non pas parce qu’ils ne le veulent mais plutôt parce que les moyens manquent. Quelques réalisateurs interrogés en parlent avec EnQuête.

 

Le constat est général. Les cinémas africains ne marchent pas comme il faudrait. Comme l’a dit le directeur du festival de cinéma africain de Khouribga Nour-Eddine Saïl, dans un entretien accordé à EnQuête, ‘’tout le continent africain ne produit pas 100 films en tout et pour tout annuellement’’. Alors qu’ailleurs comme à Hollywood, plus de 5 000 films y sont produits chaque année. Et même en répartissant le quota des films pour chaque pays d’Afrique l’on se rend compte que dans beaucoup de pays, on peut rester une année entière sans réaliser ne serait-ce qu’un film. Car sur les 100 films qu’évoque Nour-Eddine Saïl, les 25 sont des productions marocaines, une quarantaine est attribuée à l’Egypte, une vingtaine à l’Afrique du Sud et une vingtaine, qui n’est pas le rebut, va au reste de l’Afrique.

 Cette répartition s’explique par les politiques cinématographiques développés dans chacune de ces parties du continent noir. La production soutenue du Maroc, par exemple, s’explique par le fait qu’au royaume chérifien, un fonds de production sous forme d’avance sur recettes est mis en place pour soutenir les cinéastes. Il leur suffit de soumettre leur projet et de respecter les critères de sélections.

L’Egypte a l’une des plus vieilles machines cinématographiques du continent pour avoir commencé ses expérimentations dans les années 1920. Par conséquent, il urge que des politiques nationales soient mises en place afin que les réalisations augmentent. Du moins c’est ce que suggèrent beaucoup d’acteurs du cinéma. Les moyens font défaut. Les cinéastes ont du mal à trouver les financements adéquats dans leurs pays et sont obligés d’aller tendre la main au niveau d’institutions étrangères pour faire leurs films. Et les réalisateurs africains ne le démentent.

Presque tous ont eu à bénéficier de financements étrangers. ‘’Avec Morbayassa, j’ai beaucoup souffert à cause du manque de moyens. J’ai commencé le film sur fonds propres. Après j’ai été obligé d’arrêter le tournage parce que je n’avais plus d’argent. C’est par la suite que l’organisation internationale de la francophonie m’a soutenu ainsi que la région Val de Marne’’, a déclaré le Guinéen Fantamady Camara accroché au détour de la présentation de son film ‘’Morbayassa’’ à la 18ème édition du festival de cinéma africain de Khouribga. C’était du 12 au 19 septembre passé.

Ces difficultés sont celles de Mansour Sora Wade qui trouve lui aussi ses financements à l’étranger à l’instar de tous ses pairs. Pourtant, il est dit que le Sénégal est sur la bonne voie. Les efforts faits ont été soulignés par le directeur de la cinématographie nationale Hugues Diaz qui était présent à Khouribga. ‘’Un fonds de promotion du cinéma et de l’audiovisuel est mis en place. Et la règlementation sur le plan juridique a beaucoup évolué. Sur les 5 points décrets pris, les 4 sont aujourd’hui appliqués. Donc, les choses ont beaucoup avancé’’, a-t-il dit.

Des efforts que reconnaissent des acteurs du septième art d’ici et d’ailleurs. Car c’est pour encourager le Sénégal à continuer sur sa lancée qu’il a été le pays invité d’honneur de cette édition 2015 du festival de Khouribga. A cet évènement, le délégué général du FESPACO Ardiouma Soma a salué l’attention que le Sénégal accorde au septième art. Nonobstant tous ces encouragements et reconnaissances, des réserves sont quand même émises par certains à l’instar de Mansour Sora Wade qui attend de voir ce que vont donner les premiers financements. Car le cinéaste sénégalais estime que le fonds pourrait être mieux consistant avec une enveloppe de plus d’un milliard et qu’avec la somme dégagée, l’on finance au moins deux bons films au lieu de vouloir satisfaire tout le monde.

Quoi qu’il en soit, il est de l’intérêt des gouvernants africains de participer activement aux productions des films. Parce que cela permettrait aux réalisateurs d’être indépendants mais aussi et surtout de montrer l’Afrique sous son vrai visage. Comme le reconnaît Fantamady Camara, ‘’quand c’est l’étranger qui finance ton film, il faut que le scénario entre dans leurs critères. Et l’on sait tous que l’Europe a une certaine vision de l’Afrique’’.

‘’Il faut qu’on arrête de voir l’Afrique comme un pays de migrants. Il n’y a pas que cela ici’’, disait Nour-Eddine Saïl, dans l’entretien accordé à EnQuête. Il faisait référence aux nombreuses pellicules sur le sujet enregistré par des cinéastes africains et que les institutions étrangères sont très promptes à soutenir. Pourtant si l’on en croit Fantamady Camara, le Burkinabé Sékou Traoré, la Camerounaise Marie Noël Niba, ce n’est pas parce que c’est l’Occident qui finance que les demandeurs sont obligés de se conformer à leurs désirs. Ainsi, l’adage qui dit qui paie commande ne s’appliquerait pas à eux. ‘’Cette période est bien révolue. Je peux dire qu’il y a eu trois générations de cinéastes en Afrique. La première qui ne faisait pas ce que l’Occident attendait d’eux. Une deuxième qui avait son âme et qui filmait ce que l’autre attendait de lui et qui n’était pas la vraie Afrique. Et arrive une troisième génération qui montre la vraie Afrique avec ses réalités et sa beauté’’, indique l’auteur de ‘’Il va pleuvoir sur Conakry’’.

Que nenni ! réplique Owell Brown. L’Ivoirien a à son actif deux longs métrages que sont ‘’Le mec idéal’’ et ‘’Braquage à l’Africaine’’. Et ni l’un, ni l’autre n’a reçu de capitaux étrangers. ‘’Je fais mes films sur fonds propres. Même si ce n’est pas facile et que des fois même on est obligé de faire des compromis. ‘’Dans « Braquage à l’Africaine », je dénonce les usuriers. Pourtant, ce sont des usuriers qui m’ont prêté de l’argent pour que je puisse entamer le film. Mais je préfère cela à demander de l’argent à l’extérieur parce que si on le fait, on est conditionné. On est obligé de se conformer à leur bon vouloir’’, affirme-t-il.

Pour éviter tout cela, il est proposé une coproduction entre Etats, si l’on sait qu’un seul pays peinerait à porter une production. Et le film ‘’El Ziara’’ du réalisateur tunisien Nawfel Saheb-Ettaba en est un bel exemple. D’ailleurs pour son auteur, il est le premier film maghrébin car coproduit par la Tunisie, l’Egypte et le Maroc. Ce que pourrait tenter d’autre pays pour s’en sortir plus facilement. Encore que cela permettrait aux acteurs de mieux circuler  à travers le continent et avoir ainsi une plus grande audience.

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