Publié le 6 Aug 2025 - 19:22
DIFFUSION ET EXPLOITATION DES FILMS AFRICAINS  

Mobiciné, un modèle de réussite en Afrique 

 

Passionné de cinéma, Ousseynou Thiam dirige Mobiciné, une initiative qui vise à développer un schéma de distribution et d'exploitation des films africains. Mobiciné, qui a fait ses preuves à Dakar et dans les autres régions du pays, vise la sous-région à travers une synergie.

 

Né à Niary Tally, Ousseynou Thiam est issu d'une génération de cinéphiles passionnés. Aller en salle de cinéma était un  véritable rituel, un art de vivre dans la localité où il est né et ses environs. Il y avait, autour de lui, trois salles de cinéma : Al Akbar (situé entre Niary Tally et Ben Tally), Liberté et El Mansour.

Une passion qui n’a pas cessé de grandir, même lorsque les salles de cinéma avaient quasi disparu. D’ailleurs, la fermeture des salles obscures avait suscité une réflexion chez lui et ses amis. Perspicaces et dynamiques, ils créent en 2009, au Sénégal, Mobiciné, une initiative qui se positionne en tant qu’alternative à cette fermeture des salles de cinéma en Afrique.

‘’L’idée, c’est de développer un schéma de distribution et d'exploitation de nos contenus pour transformer l'accès à nos films’’, a soutenu Ousseynou Thiam.

Aujourd’hui, le projet a fait son chemin. De belles réalisations ont été faites depuis sa mise sur pied.  Au Sénégal, cette initiative n’est plus à présenter. Mobiciné déploie ses ailes dans les autres pays africains.

Ousseynou Thiam a d’ailleurs participé au Marché international du cinéma africain et de la télévision (Mica), un des maillons essentiels du Fespaco Pro. L’objectif a été d’ouvrir le concept à la Côte d’Ivoire, au Tchad, en appelant à la collaboration. Il a assuré les projections lors de la 5e édition du Festival image du fleuve (Fif) de Boghé, clôturée ce 4 août. ‘’Mobiciné c’est, selon moi, l'un des partenaires majeurs du Festival images du fleuve. Faire venir une équipe du Sénégal jusqu'à Boghé, bien que possible, représente un défi logistique’’,  a témoigné Djibril Diaw, initiateur du Fif.

 Il affirme que l’engagement de cette structure dirigée par Ousseynou Thiam apporte son expertise technique et professionnelle pour les projections en plein air du festival, s'alignant avec l'esprit et les ambitions du Fif.  ‘’C’est grâce à Mobiciné que nous avons pu réaliser ces projections dans les quartiers, d'une façon beaucoup plus simple et très professionnelle. Donc, je dirais que Mobiciné  fait aujourd'hui partie de la colonne vertébrale du programme de projections de films’’, a soutenu Djibril Diaw, ravi de cette première collaboration, saluant aussi l’humanisme de l’équipe d’Ousseynou Thiam.

Pour sa part, ce dernier relate : ‘’Quand Djiby m'a contacté pour me parler de la Mauritanie, je lui ai expliqué que je pensais depuis des années à la nécessité de créer une synergie autour de l'exploitation de films sénégalais, afin de permettre leur circulation en Mauritanie. Je suis donc preneur à 200 % de cette idée et je soutiens ce festival’’, a relaté Ousseynou Thiam.  Il n’a pas attendu d'être payé et il a accepté de partager son expérience avec les jeunes de Boghé dans le but de mettre éventuellement en place une antenne dans cette localité.  Ce dernier et son équipe adaptent leur dispositif aux réalités socioculturelles et économiques locales, notamment en utilisant le schéma de projection en plein air avec des écrans gonflables. Ils ont développé plusieurs dispositifs pour transformer n'importe quel espace en salle de cinéma. Ils ont  des écrans standards de 4 m2 comme celui installé pour le jury du Fif de Boghé.

Il faut dire que depuis ses débuts, Mobiciné n’attend pas qu’il y ait  des infrastructures nécessaires pour exploiter les films et tenter de développer le cinéma africain. Son combat : pouvoir faire du cinéma partout avec les moyens du bord. Le DG d’Ella Global Solutions (EGS) privilégie une approche de proximité pour amener les populations locales à davantage consommer les productions africaines.

Modèle économique

Mobiciné repose sur un modèle économique hybride. Il s’agit de se positionner pour obtenir des subventions, d'intégrer les programmes de sensibilisation portés par notamment les ONG et d'utiliser les films comme produits d'appel. Ousseynou Thiam et son équipe évoluent  autant sur les programmes de sensibilisation que sur les coopérations avec les organisations gouvernementales et non gouvernementales. Ils interviennent  dans plusieurs domaines.

De plus, le DG d’EGS note l’importance d'habituer le public à payer pour voir des films. Il a donné l’exemple du film ‘’Le Mouton de Sada’’ dont il a assuré les diffusions à travers une tournée dans 150 localités des régions de Fatick, Kaolack et Kaffrine. Des projections ont également eu lieu  à Sédhiou,  Kédougou, etc. "Toutes les personnes qui ont vu le film au niveau de ces localités-là ont payé 150 F CFA  pour le voir. Donc, c'est des recettes non négligeables pour l'écosystème local, parce que c'est des recettes qui n'existaient pas", a expliqué Ousseynou Thiam.

Dès ses débuts, l’initiative a eu pour ambition de réhabituer les populations sénégalaises, jeunes et moins jeunes, à voir nos films et surtout à payer pour les voir. D’ailleurs, un programme de diffusion scolaire dénommé ‘’Mobiciné-éducation’’ a été mis en place. Il vise à familiariser les jeunes avec la culture cinématographique à partir  de 6 ans. Mobiciné-éducation est déroulé depuis 2011 en partenariat avec le ministère de l'Éducation. ‘’C’est en moyenne 1 700 projections de films au niveau de 180 établissements élémentaires du Sénégal’’, a affirmé le DG d’EGS.

En outre, en partenariat avec la ville de Dakar, depuis 2011,  des programmes de diffusion de proximité au niveau des centres socioculturels ont été initiés. Grâce à cela, le cinéma est désormais proposé régulièrement dans les quartiers dakarois. ‘’Le fait de voir les salles de cinéma renaître à Dakar à partir de 2016-2017, ça montre que ce qu'on fait depuis 2009 a impacté positivement sur l'écosystème local’’, s’est-il réjoui.  ‘’C’est ça  notre contribution. Et grâce à des partenaires comme lUnesco, nous avons formé de nombreux jeunes qui n'étaient pas prédestinés aux métiers de l'exploitation et de la distribution, les intégrant ainsi dans le circuit. Ce qui nous a permis de créer, par exemple, des antennes au niveau de la région de Saint-Louis, Matam, Kédougou, etc.’’, a expliqué M. Thiam.

Émulation autour de la création

C’est en sélectionnant des films à travers des concours que Mobiciné a commencé. Cela a permis de dénicher bon nombre  de jeunes talents qui étaient à leur premier film et faire tourner ces films.  Il y a, par exemple, Pape Lopy qui a remporté le premier  prix en 2013 avec ‘’L’âme’’.

‘’Bon nombre de jeunes qui font actuellement le bonheur du cinéma sénégalais sont passés par ce type d'initiative. Cela a permis à Mobiciné de créer une émulation autour de la création", a relevé Ousseynou Thiam.

Interpellé sur d’éventuelles contraintes, il dit : "Dans la vie, il y a des obstacles partout… Maintenant, le charme de tout entrepreneur, c'est de savoir contourner ces obstacles-là et les dépasser." Et d’ajouter :  "On avait perdu l'habitude d'avoir des salles de cinéma en Afrique. Les personnes qui sont nées après les années 90 n'ont pas connu de salles de cinéma jusqu'en 2016. Donc, l'un des obstacles majeurs, c'était de réhabituer les populations à voir et à voir surtout des films africains."

Par rapport à la question financière, casse-tête dans le cinéma africain, Oussseynou ne croise pas les bras. Et il dit ne pas croire au modèle de subvention. Estimant que l’on ne  doit pas continuer à être perfusé, il souligne l’importance d'avoir le génie nécessaire pour pouvoir créer des revenus. ‘’C'est ce qui nous a permis de faire des partenariats avec des hôtels, être dans les écoles, être dans les centres socioculturels, travailler avec les communes, etc.’’, a-t-il relevé.

Pour lui, il n'y a pas de barrières infranchissables. "On fait ce métier par passion et on essaie de contrôler les problèmes avec la vie. On ne perd pas", a-t-il dit.

BABACAR SY SYE

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