Publié le 8 Jun 2018 - 00:41
DOCTEUR ABDOUL AZIZ KASSE (PRESIDENT D’HONNEUR DE LA LIGUE SENEGALAISE CONTRE LE TABAC)

‘’Les querelles de leadership ne servent à rien’’

 

A la tête de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) durant plusieurs années, avant de céder le fauteuil, Docteur Abdoul Aziz Kassé en est aujourd’hui le Président d’honneur. Mais depuis son départ, la structure traverse une crise profonde de positionnement. Dans cet entretien accordé hier aux quotidiens EnQuête et Libération, il explique les soubassements de la querelle, met en garde les  différentes protagonistes et ceux qui roulent pour l’Industrie du tabac. Le Président de l’Association ‘’Prévenir’’ est aussi revenu  sur les avancées notées dans la lutte contre le cancer.

 

Vous  avez  été  pendant  longtemps  le président  de la  Ligue sénégalaise contre le tabac, avant de céder la place. Aujourd’hui  comment  vivez-vous le combat  de loin ?

 Il est  possible  de  contribuer  dans  la lutte  de  diverses  manières.  En ce qui  me concerne,  être  président  en soi  n’est  pas  l’élément  le plus  déterminant. Quand  on  menait   cette  lutte  pendant  très  longtemps,  on  n’était  pas  président. Cela  ne peut  diminuer  en rien  ma contribution. Cependant, le  plaidoyer  doit être  maintenu  pour que  les  gouvernants  soient  conscients  de l’effet  néfaste du  tabac  et de l’importance de  la lutte  et  ainsi  changer  de comportements. Il  faut  aussi  maintenir  les  actions, les pérenniser  afin que  chaque  Sénégalais soit  appelé  à  changer  de  comportement. Pour  ces  deux  raisons,  on peut  continuer  à  travailler  sans être  président.  En ce qui  me concerne, je suis un peu  libéré  parce qu’il  faut  dire  que  je suis  un peu  embarqué   dans  plusieurs  activités  (universitaires, médicales,  associatives )  au  point  d’en avoir  négligé  depuis quelques  années  ma vie  familiale.  Le projet  du  centre  de traitement  des cancers que  je suis en train de finaliser, les  agendas  associatifs  ont  fait  que  je ne suis  pas  allé   voir  mon fils  aux Etats-Unis depuis  longtemps.

Vous  dites  cela  parce qu’il  y a  une  alternance ?

 Il est  important  qu’il  y ait  dans  ces  genres  d’associations  des alternances. Et  il  faut  que  ce soit  des  alternances  générationnelles. Garder  la  direction  d’une association pendant  plusieurs  années  fait  de  vous  une sorte  de  monarque, ce que je ne suis pas. Quand on se  battait,  on ne cherchait  qu’une  chose, qu’il y ait une loi. Avec le Président  Macky  Sall, on  a non seulement eu  une loi,  mais  elle a été  votée  à l’unanimité  par  les parlementaires, ensuite  la promulgation  par  le chef de l’Etat  n’a  pas  tardé. Les décrets  d’application sont  sortis  et  nous  travaillons  progressivement  sur les arrêtés.  Aujourd’hui, toute  l’Afrique  nous envie  sur  ce plan et  nous avons été  primé  au-delà  de nos  espérances.   Nous avons insisté  pour que le Sénégal  gagne le prix international sur  les  avertissements  sanitaires et qu’il soit  remis  au  Ministère  de la Santé et  non à la société  civile  parce que  c’est  quand  même  une décision administrative.

Cependant, quelque temps  après  votre  départ, on  constate  des remous, des tendances voire  des  exclusions au sein de la Listab. Comment   avez-vous  vécu  une  telle situation ?

 Dans toute  association, il  y a des  querelles de leadership. Il y a eu  au sein de la Ligue  sénégalaise  contre le tabac  une  volonté  d’aller  vers  une Assemblée  générale  pour  le  renouvellement  des instances.  A ce moment,  j’avais  décidé de ne pas être  candidat  à  ma  propre  succession et  deux (2)  de nos  membres  ont  décidé  que les textes  devraient  être  revus. Ceci  a donné  naissance  à  une  commission ad-hoc  que Djibril Wélé  a  dirigée.  On  a tous  les procès-verbaux  des  réunions qui  avaient  été  tenues. On a fait  venir  des parlementaires, des  fonctionnaires et  toutes les associations. Il y a eu  vote  et un  Bureau a été élu.  Les perdants sont visibles dans la photo de famille. Mais quelques  jours  après, quelqu’un  a commencé  à  écrire  sous le pseudonyme de Malamine, en oubliant  que l’adresse  Ip  de son ordinateur  allait  le trahir. 

Cette  manipulation a été  éventée  par Amadou  Moustapha Gaye.  Au mépris  des règles les plus élémentaires  du  fonctionnement  d’une association, certains ont  voulu la tenue  d’une Assemblée  générale  extraordinaire, et  les textes  sont  clairs là-dessus : il faut  adresser  dans  ce cas  un courrier  à la présidente.  Ce qui  n’a pas été  fait. Les  protagonistes  doivent  se souvenir  que le Sénégal  est  un pays  de  droit.  Il  y a un document  officiel du  Ministère de l’Intérieur (Il brandit le document), qui  montre  qu’il y a eu  Assemblée  générale et une  nouvelle  présidente.  Ces gens  doivent arrêter. Ils utilisent  les cachets  et  autres  outils  de la Listab, ce qui est, au  nom de la loi, considéré  comme  du  faux.  On se  bat  contre le tabac  et  ce genre de querelle   de leadership  ne  nous sert  pas.  Il  va servir à quelqu’un d’autre.

Vous faites allusion  à qui ?

 Je ne le sais pas  mais  ce n’est  pas  la société civile  sénégalaise.

Peut-être à  l’industrie du tabac ?

 (Il coupe) Je ne sais pas

Vous avez  pourtant  parlé  de  division ; qui cherche  à briser votre mouvement, selon vous ?

  Encore une fois, je ne le sais pas.  Mais le constat  est là. Et  bizarrement, comme  par enchantement, tout le monde  croyait  qu’à partir du moment où Abdoul Aziz  Kassé n’est plus aux manettes, la Listab est devenue  un bastion facile à prendre.  C’est  une erreur…

Djibril Wélé   va même  plus  loin en  affirmant qu’il  y a un membre de l’Association ‘’Prévenir’’ que  vous dirigez,  qui roule  pour  l’Industrie du tabac … 

 (Il coupe)  Qu’il le désigne. Et ce jour-là, cette personne saura  se défendre.  Depuis 1975,  l’Industrie  du  tabac  n’a pas  de mainmise  dans la lutte,  ce n’est  pas  aujourd’hui  qu’on va cautionner une telle chose. Ceux qui le disent  sont exposés  à  des  poursuites judiciaires.  Quand  la Listab  reste  dans les lignes, la place de l’Industrie du  tabac  n’existe  pas. Je peux comprendre l’amertume de Djibril Wélé. Il n’a  pas  d’autre  prise que  de  verser  dans des accusations  gratuites.  C’est  pourquoi  nous ne  devrons pas  être légers  sur  l’application. Depuis  20 ans,  je tape   sur  la table   pour  dire  que  le Ministère  de la Santé  se  fait  prier  pour   appliquer  l’interdiction  de  fumer  en public.  Nous avons  mal  quand  on apprend que  les hôteliers, et  les  patrons des restaurateurs   sont reçus  par  le Programme  national de  lutte  contre le  tabac (Pnlt) pour  prétendre alléger les dispositions  sur  le tabagisme ou  la protection des  non-fumeurs, et que  ces mêmes  frondeurs  soient  reçus  par  le patron  du  Pnlt.  Il  faut qu’on respecte la loi. Les espaces non-fumeurs et les lieux publics  doivent être  généralisés, toute  autre  forme de  délégation est  une violation de la loi. Nous ne comprenons pas  cette réunion  pour soi-disant  alléger  les charges. Je pense que c’est là qu’il  faut aller  chercher  l’ingérence  de  l’Industrie  du  tabac dans notre lutte.

Pourtant, l’autre camp soutient que  la  Listab  dirigée  par  le Docteur Adja  Mariétou Diop  n’est  pas  légale  parce que cette dernière serait  mal élue….

 (Il exhibe  un document envoyé  par  Djibril  Wélé, ancien  Secrétaire  général et exclu de l’entité  pour  faute  grave). C’est  lui qui a  envoyé  les textes  pour  nous  dire  voilà  ce qui  est  retenu. Ce  sont les règles  qui vont  régir  l’Assemblée  générale. Dans cette tendance, il ne s’agit  pas  de  dix  personnes, mais de  deux. Il  faut  dire que c’est  Wélé  qui a  insisté  pour  qu’on exige la présentation  d’un extrait  du casier  judiciaire  pour  être  candidat dans le Bureau de la Listab. Mais il n’est  pas  venu  avec le sien  le jour  du  vote. Moustapha Gaye  a  été  battu avec la manière.  Il est  venu avec au  moins  trois  associations enregistrées en son nom et  neuf  personnes  pour se faire élire. 

Ce qui lui est arrivé  est   plus compliqué, même  les personnes qu’il avait  fait  venir n’ont pas voté pour  lui.  Il  faut  qu’on  arrête en revenant  à  la raison.  On ne peut  pas,  face  à  un  récépissé    signé  par le   Ministre  de l’Intérieur,  remettre en cause toute une élection. Qu’ils arrêtent ! Les  poursuites  judiciaires  peuvent  leur être fatales !  Aujourd’hui, l’heure  est  aux actions sur  le terrain pour  l’application  et  non de querelles de leadership. Le président de la République  a entendu  le message  pour  que la lutte  contre  le cancer  se  poursuive et que l’application de  la  loi antitabac se  concrétise. Donc ceux qui sont  malins  vont participer  à  cette lutte quel que soit leur  statut. De  grâce,  parlons de la lutte contre ces fléaux,  c’est  plus important.  Je voudrais donc, avec le respect que je vous dois, en finir  avec cette parenthèse….

Il faut  juste  revenir  sur la situation…

 (Catégorique) Je ne parlerai  plus du sujet.  Je ne suis plus le Président, encore moins le Secrétaire  général, aussi  après  avoir  dit  l’essentiel  sur  la situation, je ne peux pas passer mon temps  à  distraire  les  Sénégalais. Parlez-moi  de  la lutte  contre  le tabac… et  non de querelles de  leadership.  Je n’ai pas  des états  d’âme  mais  des états de service. Je suis un vieux soldat. J’ai des objectifs très clairs qui sont exprimées dans mon association et qui sont repris par la Listab dont mon association fait partie. Les querelles intestines, les petites actions  ne nous intéressent pas. Nous avons tellement de chantiers dans ce pays et nous préférons mettre toute notre énergie dans la lutte. Premièrement, un changement de politique venant de la gouvernance de ce pays sur certains aspects de la lutte contre le tabac et le cancer, deuxièmement un changement de comportements pour les personnes de la société sénégalaise.

  Est-ce que le retard noté dans la mise en service des  décrets  d’application ne joue  pas en votre défaveur ? 

  Il n’y a pas de retard dans  les  décrets  d’application.  Ils ont été tous  signés, il ne reste que  les   arrêtés et  ils  vont  se  faire  progressivement. Le  Président Macky Sall est  très  clair  sur  la question. En 2012,  avant  le vote de  la loi, nous avons écrit  à l’ensemble  des candidats  à  la Présidentielle. Personne  ne nous a répondu. Il n’y a que le président Sall qui nous a envoyé  Diène Farba Sarr qui nous avait  promis  que la loi allait être  votée  si  le  candidat Macky Sall  est élu.  Quand il est arrivé au pouvoir,  il a demandé  au  ministre  de la Santé  de  dépoussiérer  cette loi  et  travailler  à  son vote.  Awa  Marie  Coll Seck nous a reçus pendant 2 heures 45 minutes.  La Listab a  sorti les cinq amendements  sur  lesquels  j’ai  communiqué. 

On a été  voir  le Parlement  en sachant que  ce n’est  pas  un gouvernement  qui vote  une loi. Moustapha Diakhaté, Président  du  groupe  parlementaire Benno  Bokk Yaakaar  a joué  un grand rôle ; on a formé  les députés   sur  les   enjeux,  pendant  un séminaire. Ils nous ont  suggéré   de  transposer   le  problème  sur la place publique, ce qui a marché.  Quand la loi est  votée,  la semaine suivante alors que le Président  revenait  d’un voyage, il l’a promulguée avant que  qui que ce soit  puisse  dire ou  faire  un lobbying . Avec le problème  des décrets d’application, il  nous a demandé  de regrouper  toutes les dispositions   dans  un grand  décret  qu’il a signé immédiatement.  Ce qui reste, c’est  les arrêtés  avec  certains qui  nécessitent l’intervention de différents  ministres  (NDLR : arrêtés interministériels). Pour  celui  concernant  les avertissements sanitaires, nous avons mis 2 ans pour l’obtenir. 

Normalement  on ne devrait  plus vendre le  tabac en détail dans les boutiques  mais dans des zones de ventes dédiées. Il faut agir sur les aromes, les chichas, la cigarette électronique. Nous avons décentralisé  les affaires  à Tambacounda,  on a formé les agents sanitaires pour  aider ceux qui veulent arrêter.  On est en train de travailler pour aller demain (aujourd’hui) après-midi rencontrer les Forces de défense et de sécurité. On va former les policiers et les gendarmes pour qu’ils puissent faire appliquer la loi. Vous comprenez parfaitement que quand on fait toutes ces choses-là, honnêtement quand on vient me parler d’un problème de Monsieur X ou Madame Y ou mademoiselle Z  qui veut un poste, franchement,  cela ne m’intéresse pas.

A vous entendre parler, l’on sent que l’étau est en train d’être desserré autour  des hôteliers. Est-ce à dire qu’il y a une politique de deux poids deux mesures dans l’application de la loi contre le tabac ?

Cela ne se fera pas. Quiconque essaye de le faire trouvera sur son chemin  tous les acteurs de la première heure, de la deuxième heure, de la dernière heure et enfin l’Autorité administrative. Ce que le président de la République, autorité suprême, Chef suprême des Armées, de Forces de défense et de  sécurité a dit est clair : ‘’Je suis pour  une application stricte de la loi permettant de lutter contre le tabagisme.’’ Pourquoi donc quelques individus pour des affinités identitaires cherchent à desserrer l’étau sur les restaurateurs et les porteurs de bars ?

Beaucoup de fumeurs veulent arrêter mais il se pose un problème de centre de sevrage. Comment comptez-vous  les aider ?

Aucune association ne peut régler le problème à elle seule. Il appartient au Ministère de la Santé, dans le cadre d’un Programme national, de mettre en place, non pas à Dakar, un grand centre de sevrage. D’ailleurs, cela ne me paraît pas la meilleure solution. Je pense  qu’il faut aussi former tous les acteurs de la Santé à l’arrêt du tabagisme. Ainsi, chaque patient pourra accéder à un médecin. Si vous mettez des milliards dans un grand centre à Dakar, il n’y aura qu’une partie des fumeurs de Dakar qui pourront y accéder. Il faut un Programme national dans lequel chaque acteur de la santé a quelque chose à faire. Cela ne coûte pas des milliards, mais de la formation.

Les produits de substitution coûtent cher et c’est ce qui souvent décourage ceux qui ont envie d’arrêter. Est-ce qu’il y a une étude qui est en train d’être menée pour baisser ces prix ?

C’est pourquoi je vous ai dit qu’il faut tout un programme. Dans ce schéma, il faudra faire comme certains pays. Les Îles du Cap-Vert, c’est un tout petit pays, mais certains médicaments y sont disponibles sous leur forme générique. Il les produit sur place, les vend à des prix accessibles à tous. On extrait de la nicotine de toutes les formes de civilisation. Vous prenez du tabac, vous le distillez en de petites quantités que vous mettez sur des badges et que vous mettez sur la peau.  Vous croyez que le Sénégal ne sait pas le faire. Vous croyez qu’il n’y a pas assez de chimistes, assez d’investisseurs qui peuvent être assez intelligents pour mettre la main à la pâte. Les deux autres molécules, le varonicline commercialisé sur le nom du champix, du bupropian commercialisé sur le nom de Ziban,  ne sont que des molécules qu’on peut acheter à l’état générique et reconditionnés au Sénégal.

Vous allez attendre que les Marocains le fassent et que l’argent aille dans leur pays alors que des Sénégalais qui sont capables de mettre en place des usines de fabrication de génériques peuvent le faire, aussi bien pour le tabac que pour d’autres molécules. C’est ce qui me révolte. Il ne faut pas baser notre développement sur ça, aller se battre pour une réduction, se battre pour qu’on nous offre non. Je pense qu’il y a des Sénégalais qui en ont les moyens, les capacités, qui peuvent s’y investir et le faire. Mais je crois beaucoup plus en des formes et des modèles de développement endogènes.  

Vous croyez que la lutte contre le tabac doit attendre qu’Oumar Bâ et le Pnlt soient moins complaisants avec l’Industrie du tabac ou pas ? Chaque directeur d’établissement dispose d’une loi qui lui permet d’interdire de fumer à l’intérieur de son établissement. Si la directrice ou le directeur de l’établissement disait que voilà le texte interdisant de fumer dans les espaces publics et on doit le respecter, le problème serait réglé. Si chaque patron d’une administration quelle qu’elle soit  prend une note de service pour faire appliquer la loi, vous pensez qu’on a besoin que le ministre de l’Intérieur fasse des arrêtés. Si chaque Sénégalais éduquait ses enfants, vous croyez que mes deux garçons vont se lever du jour au lendemain pour aller acheter de la cigarette ? Commençons d’abord par nous-mêmes, et c’est là le problème du Sénégal et des Sénégalais. On attend toujours tout des autres. Chez moi, personne n’entre avec du tabac, ici c’est pareil. Vous ne verrez personne fumer dans la clinique où j’exerce. Dans les lieux où je travaille, vous ne verrez personne fumer  dans un amphithéâtre dans lequel je donne un cours. Il appartiendra à chaque Sénégalais de prendre ses responsabilités et ce jour-là, on règlera tous les problèmes dans la lutte contre le tabac et le cancer.

A travers ‘’Prévenir’’, vous menez une lutte contre le cancer, est-ce que vous pouvez nous faire un petit focus sur cette maladie ?

Pendant plus de 30 ans, depuis 1984, j’ai passé mon temps à dire attention : le cancer et les maladies non transmissibles sont un grave problème de santé publique. Si on n’y prend garde, cela va compromettre le développement du Sénégal et ça atteindra des proportions telles que les budgets de nos petits Etats ne pourront pas y faire face. Vous savez, je n’aime pas l’oiseau de mauvais augure, mais vous avez vu ce qui s’est passé ces derniers temps. Au bout de 34 ans, le cancer est devenu pratiquement l’une des premières causes de décès chez les sujets de plus de 40 ans. Mais c’est un problème de développement. Vous formez un homme jusqu’à l’âge de 40 ans, le cancer vient et l’emporte. Sur le plan économie-sanitaire, il n’y a pas de problème ; je parle d’économie. Car 30% de ces cancers sont liés au tabagisme.

Aujourd’hui, il y a 600 000 Sénégalais qui fument et est-ce que vous savez ce qu’en dit la médecine ? La moitié des fumeurs vont mourir de leur tabagisme. L’industrie du tabac l’écrit. Et vous croyez qu’on va s’asseoir et attendre que ces gens soient tués par ce tabagisme ? Si on était méchants, on aurait pu attendre en tant que cancérologue qu’il y ait plus de cancers et que les malades augmentent afin qu’on soit rémunéré à la hauteur de nos efforts ; mais on refuse.  Nous avons attiré l’attention du Sénégal sur le dépistage, sur la vaccination contre le papillomavirus, sur le rôle que joue l’alimentation et sur les traitements par radiothérapie. Sur tous ces points, l’histoire nous a donné malheureusement raison. Vous le savez tous, vous êtes dans la presse. Tous les jours, vous voyez un nombre important de demandes d’aide pour la lutte contre le cancer ou le traitement de cancer. Tous les jours, vous le savez, vous recevez énormément de post et d’informations disant que telle et telle autre substance augmenterait les risques de la maladie. Je crois que les Sénégalais, en commençant par la gouvernance sanitaire, doivent comprendre que ce travail n’est pas celui de la société civile.

Qui doit donc mener ce combat ?

C’est au ministère de la Santé publique de faire cela. Nous, société civile, ne devons qu’alerter. On l’a fait avec la radiothérapie et personne ne nous a entendus. Et quand cela a explosé, vous avez vu les dommages. Pendant 14 mois, le Sénégal a envoyé des malades se faire traiter au Maroc. C’est scandaleux. Il y a bien d’autres dispositions pour lesquelles nous nous battons. Tout le monde sait qu’en Australie, on a vacciné toute la population depuis la naissance et que le cancer du col est en train de disparaître. Plus personne ne meurt  du cancer du col de l’utérus en Australie.  Il y a 26 ans, j’ai dit que c’est possible au Sénégal. Personne ne l’a fait,  le gouvernement de Macky Sall est arrivé et a décidé de le faire.

Qu’en est-il du déroulement du Programme de vaccination contre le cancer du col de l’utérus ?

 Bill et Melinda Gate sont venus à Dakar et ont offert un programme d’accès aux vaccins. Il y a tellement de chantiers. Regardez ce qui se passe avec les bouillons cube. Aujourd’hui, les gens en parlent dans les réseaux sociaux. C’est le même problème avec l’alcool ; il y a des industriels qui sont installés depuis quelques années et qui vendent des petites dosettes  dans des sachets plastiques. Cela fait plus de 20 ans que nous le dénonçons. Qu’est ce qui est fait ? Il y a tellement de combats à mener. Allons sur le terrain et continuons à lutter mais il ne faut pas que les politiques s’appuient sur la société civile. Ce n’est pas aux associations de faire le dépistage, la sensibilisation. Il doit y avoir un Programme national de lutte contre le cancer, financé, suivi, évalué, centralisé au niveau du ministère de la Santé. Voilà des questions sur lesquelles les Sénégalais devraient agir. Vous savez, la première fois que j’ai parlé du cancer, on a demandé à mon chef de service de me clouer le bec, sous le gouvernement d’Abdou Diouf.

Mais aujourd’hui, il y a une volonté politique clairement exprimé qui veut qu’on lutte contre cette maladie. Il est important que tout le monde se tienne la main pour mieux lutter. Parce qu’il y a des efforts extraordinaires qui sont faits. A Le Dantec, il y avait un appareil de Cobalt, le président de la République a mis un accélérateur linéaire. C’est la première fois qu’un appareil de ce type est installé au Sénégal. Dans le même temps, ils ont installé deux accélérateurs à Dalal Jamm. C’est la première fois qu’un pays d’Afrique subsaharien a trois accélérateurs dans le public.

Le gouvernement va plus loin, il a  décidé  de me soutenir avec des partenaires français pour construire un centre de haute technicité. Nous aurons un modèle d’accélérateur qui n’existe  nulle part en Afrique. Vous croyez que ce  ne sont pas des avancées significatives qui méritent qu’on s’y attarde plus qu’autre chose. Le Mefp  a été en Corée  et il a sollicité  47 milliards F CFA pour la  construction  d’un centre anticancéreux.  Il faut donc continuer à travailler sur ces questions de santé publique.

Il y a quelques années, Melinda est venue rendre visite au Sénégal. Au sortir de l’activité de plaidoyer que nous avons menée avec d’autres personnes, à travers le Gavi, il a été offert au Sénégal 15 000 doses vaccinales pour un programme d’accès. C’est-à-dire que cela leur permettra de savoir si le Sénégal a la capacité de donner la vaccination à tout le monde. Il a été choisi deux districts : Le District sud et Ngaye Mékhé. L’objectif était de vacciner 50% des filles de Cm² et de 6ème. Si on arrivait à le faire, Bill et Melinda Gate allaient vendre le vaccin à 5 dollars (environ 2 500 F CFA) la dose pour un vaccin qui coûtait 121 000 F CFA. Je crois que le nouveau Ministre de la Santé s’est saisi du problème et une réponse va être servie à qui de droit.

VIVIANE DIATTA (ENQUETE) YANDE DIOP (LIBERATION)

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