Mbour paye le prix fort
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La capitale de la Petite Côte est en train de payer un lourd tribut, dans la recrudescence de l’émigration clandestine. Déjà, une dizaine de familles sont en deuil, pendant que d’autres n’ont pas encore d’informations sur leurs enfants partis pour l’Espagne.
Waly Mbaye, Ousseynou Diop, Talla Sène, Assane Guèye, Arona Mbaye au quartier Golf ; Abdou Akim Gaye au quartier Résidence et Amadou Ndiaye, Daouda Ndour au quartier Tefess sont déjà identifiés parmi ceux qui ont perdu la vie en mer, ces derniers jours. Avec eux, d’autres jeunes du même quartier ont péri dans l’océan, en partance pour l’Europe. Soit un bilan d’étape de pas moins d’une dizaine de personnes qui ont perdu la vie dans le phénomène communément appelé ‘’Mbeukk mi’’, principalement dans la pirogue qui a échoué au large de Nouakchott, jeudi dernier.
Ce bilan macabre qui affecte particulièrement les quartiers Golf et Tefess est loin d’être exhaustif. En effet, d’autres familles des mêmes quartiers ainsi que d’autres parties de la ville attendent des nouvelles de leurs enfants lancés dans la même aventure périlleuse. Dans les familles éplorées, consternation et déception sont les sentiments les plus partagés, même si certains parents soutiennent que les voyageurs ont embarqué en cachette.
‘’On est triste, vraiment. La mort n'est pas une tristesse, mais une volonté venant d'Allah (SWT). En plus, notre guide religieux, Serigne Touba, nous a appris que tous les aspects de la vie ont été déjà écrits, mais aussi leur terme. On a eu de la tristesse, mais c'est la volonté divine et on ne peut qu'accepter cette décision d'Allah (SWT). Car c'est d’Allah qu'on vient et on va aussi y retourner’’, confie Serigne Talla, père d’un défunt.
Selon les parents, beaucoup d’entre ces candidats à l’émigration ont ourdi leur projet en cachette et s’y sont lancés à leur insu. ‘’Il a essayé de partir une première fois. Il m'en avait informé. Et j'avais même formulé des prières pour lui. Malheureusement, ce premier voyage n'a pas abouti et il est revenu’’, rappelle-t-il. Il poursuit : ‘’Pour ce deuxième voyage, il ne m'a pas informé et ce sont les enfants qui sont venus me dire qu'il est parti. Il fait partie des gens qui ont péri en mer. J'ai appris l'information par les guides et j'ai demandé si la pirogue est arrivée. On a eu comme réponse que la pirogue n'est pas encore à bon port. On a reçu beaucoup d'informations. La première fois, les gens ont dit qu'ils sont arrivés en Espagne, alors que c'était une fausse information. Ensuite, on a entendu qu'ils sont en Mauritanie. C'est là que les gens qui faisaient partie de l'embarcation, après leur retour, nous ont informé la mauvaise nouvelle.’’
Même son de cloche pour Anta Gaye, mère de Talla Sène. ‘’Je n'étais pas au courant qu'il partait en voyage clandestin. En ce moment-là, j'étais à Touba. A mon retour, j'ai appris qu'il était parti. Mon fils Talla était quelqu'un de bien. Il m'aimait beaucoup. Je prie le bon Dieu de l'accueillir dans son paradis et que la terre lui soit légère’’, dit-elle. Avant de révéler : ‘’Il était couturier. Il aimait beaucoup son travail. Mais avec la tendance actuelle de l'émigration clandestine, il est parti. C'est la volonté divine. J'étais très angoissée et stressée, quand j'ai appris que des pirogues ne sont pas arrivées. Jeudi passé, il m'a dit qu'ils sont arrivés, mais le vendredi, j'ai su qu’ils n'étaient pas arrivés. C'est là que j'ai eu des pensées troubles. J’ai perdu mon fils, mais je rends grâce à Dieu’’.
Ces parents sont unanimes dans leurs conseils pour les autres qui sont tentés de braver l’océan pour rallier l’Espagne. ‘’Chaque jeune doit prendre la bonne voie, mais avec patience et ne pas sacrifier sa vie de manière facile. C'est comme si on tourne le dos à Allah ou qu’on se suicide’’, déclare Serigne Talla. Qui ajoute : ‘’Je dis aux jeunes de s'armer de courage et d’apprendre un métier. S’ils sont qualifiés, le reste est entre les mains du bon Dieu. Se limiter à leur métier et se contenter de leurs gains.’’
Anta Gaye renchérit : ‘’J’exhorte les autres jeunes à ne pas y aller. Qu'ils évitent l'émigration clandestine, car c'est risqué. Ils n'ont qu'à rester au Sénégal et travailler, c'est mieux.’’
IDRISSA AMINATA NIANG