Le Sénégal, le Bénin et la Côte d’Ivoire à l’épreuve de la mondialisation
Le Sénégal, le Bénin et la Côte d’Ivoire ne se sont pas adaptés à la numérisation des services douaniers. C’est, entre autres, ce qui ressort de la thèse du douanier Pape Djigdjam Diop. Sa soutenance, hier, a été l’occasion d’aborder la question de la globalisation du droit public, ainsi que certaines tares du domaine douanier.
‘’L’influence du droit douanier africain par les normes de l’Organisation mondiale des douanes - Le cas de la mise en œuvre de la Convention de Kyoto et le Cadre de normes Safe. Cas de la Côte d’ivoire, du Bénin et du Sénégal’’. Tel est l’intitulé de la thèse soutenue, hier, par le douanier Pape Djigdjam Diop. Le jury lui a reconnu le mérite d’avoir abordé un sujet pertinent et d’actualité presque absent des cours de droit public dans nos universités. Il pense qu’il est temps, pour les spécialistes du droit public du Sénégal, d’approfondir la réflexion sur le droit douanier.
La Convention de Kyoto (ratifiée en 2006) et le Cadre de normes Safe (ratifié en 2008) sont des textes visant à faciliter et à sécuriser les échanges commerciaux mondiaux. Le désormais docteur en droit a su démontrer l’impact assez contrasté de ces outils juridiques internationaux dans la pratique douanière africaine. D’autant qu’ils doivent permettre aux pays africains de s’inscrire dans la mouvance de modernisation de l’Administration publique.
Cependant, Pape Djigdjam Diop estime qu’à l’image du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, les pays africains ne se sont pas adaptés à la numérisation des services douaniers et que les textes juridiques en ce sens sont caducs. Selon lui, l’Afrique a ratifié ces textes sans prendre en compte ses spécificités sociales et économiques.
Le doctorant n’a pas manqué de souligner, dans sa thèse, que ‘’la politique politicienne’’ ancrée dans la fonction douanière sénégalaise empêche à ce corps de remplir objectivement ses missions. ‘’Aujourd’hui, dans 21 pays africains, on ne parle plus de direction générale des douanes, mais d’une fusion de ce secteur à d’autres ministères. Aussi, peut-on parler de la transfiguration de la douane, lorsque l’ossature est toujours là même, à savoir la bureaucratique et lente ?’’, s’est interrogé le professeur Abdoul Aziz Kébé, un des rapporteurs du jury.
Le professeur Demba Sy, Président du jury, de dire que ‘’ce travail montre bien que le droit public fait face à des mutations qui ne sont que le résultat des rapports de forces entre pays à l’échelle mondiale. Il s’internationalise et on ne peut plus l’étudier de façon isolée’’.
Une corruption grandissante
Lors de cette soutenance, la question de la corruption dans le secteur de la douane, abordée par Pape Djigdjam Diop, a fait couler beaucoup de salive. Il a néanmoins été reproché au doctorant de l’aborder de façon superficielle, ‘’avec des pincettes’’. Selon le Pr. Kébé, les recettes douanières représentent 35 % du budget de l’Etat, soit 5 % du Pib, ce qui confirme son rang de pilier économique. Toutefois, il déplore la résistance de l’Administration douanière à la déclaration de patrimoine. ‘’Nous avons tendance à penser que ce sont les hommes politiques, les ministres qui refusent de déclarer leur patrimoine. Mais les études ont montré que ce sont plutôt les membres de l’Administration publique qui s’y opposent. L’Administration douanière est la plus récalcitrante’’.
De plus, à ce jour, sur les 1 180 plaintes de cas de corruption déposées à l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), 750 sont destinées à la Fonction publique dont plus de la moitié indexent la douane.
Ce travail de recherche a reçu la mention ‘’Très honorable’’, même s’il a été reproché à Pape Diop de ne pas s’être rendu en Côte d’Ivoire et au Bénin. L’absence de certains textes et auteurs phares a également été soulignée.
EMMANUELLA MARAME FAYE