Publié le 24 Mar 2021 - 21:43
DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE SUR LES VACCINS

La société civile internationale crie au scandale

 

Une quarantaine d’organisations de la société civile internationale fustige le rejet, par l’Union européenne, de la proposition sur la suspension des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins, le matériel de tests et les médicaments.

 

Que se passe-t-il avec l’Union européenne ? C’est la question que tout le monde se pose. Au moment où beaucoup de patients meurent de Covid-19, surtout en Afrique, elle trouve ses aises en gardant comme un trésor les médicaments et vaccins. Elle a rejeté la proposition qui consiste à suspendre les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins, le matériel de tests et les médicaments. ‘’C’est une honte et cela doit être inversé’’, dénoncent des organisations de la société civile internationale.

Dans une déclaration rendue publique hier, plus de 40 organisations de la société civile européenne, dont plus d’une dizaine de Françaises, appellent l’UE et les Etats membres à revoir leur position. Elles demandent également à réformer profondément la politique commerciale européenne, ainsi que les règles de protection de la propriété intellectuelle qui sont source de danger pour l’ensemble de la population. Ces organisations soutiennent que "personne n’est en sécurité, tant que tout le monde n’est pas en sécurité".

C’est pourquoi elles jugent scandaleuse la position de l’UE qui consiste à s’opposer à la proposition de mise en œuvre de dérogations sur les droits de propriété intellectuelle. Qui, soulignent-elles, est l’aboutissement  d’une  politique  commerciale  qui  place  le  profit  bien  avant  la santé publique.

Sur ce, les organisations de la société civile internationale ont jugé ce moment opportun de modifier la politique commerciale de l’UE. Parce que, renseignent-elles, le régime mondial des droits de propriété intellectuelle sur les produits pharmaceutiques s’est   révélé   dangereux et   la   recherche   de   nouvelles   règles   doit   commencer immédiatement. ‘’Il est nécessaire de reconnaître que la production de génériques doit être rendue possible.  Nous devons faire une place considérable au partage des technologies.  C’est  nécessaire  pour  la  santé  publique  dans  le  Sud  global, ainsi  que dans  le  Nord  global  où  les  médicaments  à  prix  excessivement  élevés  menacent l’accessibilité des systèmes de santé. Il semble que ce soit la seule façon, pour nous, de respecter nos obligations en matière de droits humains.  L’accord ADPIC doit disparaître et nous devons prendre un nouveau départ’’, note-t-on dans la déclaration.

Pour que ce processus commence, elles soutiennent avoir besoin d’un changement au sein même de l’UE. Dans un premier temps, elles doivent de toute urgence faire en sorte que  leurs représentants  soutiennent  la  dérogation  proposée  par  l’Inde  et  l’Afrique  du Sud. Dans un deuxième temps, elles comptent mettre en œuvre une réforme plus large des règles relatives aux droits de propriété intellectuelle, tant au niveau mondial qu’au niveau national.

‘’Cette position est inacceptable, non seulement pour des raisons morales, mais elle est aussi désastreuse pour nous tous. Accepter  que  les  vaccins  n’atteignent  qu’environ  la  moitié  des  pays  du  monde  d’ici 2023,  c’est  accepter  le  risque  de  nouveaux  variants  qui  pourraient  saper  l’efficacité des vaccins existants’’, prévient-on.

Charité

Cette situation survient alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré en avril 2020 qu’ils doivent développer un vaccin. ‘’Nous devons le produire et le déployer aux quatre coins du monde. Et le rendre disponible à des prix abordables. Ce vaccin sera notre bien universel et commun". Malheureusement, soutient-on,  cette déclaration pourrait rester dans l’histoire comme une simple et  nouvelle  déclaration  hypocrite,  si  la  position  actuelle  de  l’UE  est  maintenue. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) discute d’ailleurs actuellement d’une proposition visant à renoncer aux droits de propriété intellectuelle pour faire place à une production massive de vaccins, de matériel de tests et de médicaments. 

‘’Tout  bien  considéré, cette  proposition  portée  par  l’Inde  et  l’Afrique  du  Sud  est  sage  et  judicieuse.  On ne peut pas permettre à quelques entreprises pharmaceutiques de détenir un monopole sur la production des moyens nécessaires pour lutter contre la pandémie. Quant à leur revendication de propriété sur ces produits, elle est infondée, au vu du financement public massif  mobilisé  qu’ils  ont  obtenu  pour  la  recherche,  le  développement  et  la production de pratiquement tout ce qui est lié à la lutte contre le virus’’, dénoncent les organisations.

La société civile soutient que pour   assurer   une distribution mondiale   des   vaccins,   la   stratégie   de   l’UE   est actuellement fondée sur la charité.  Mais rien ne permet de penser que cela nous rapproche d’une solution. Car l’expédition   des   vaccins   à   partir   du   dispositif Covax, qui   repose principalement sur les dons des pays, n’a commencé que lentement à la fin du mois de février. Donc, il faudrait des années pour terminer le travail de cette manière. ‘’Quelques grandes entreprises, dont des multinationales du numérique, ont fait des dons financiers.  Mais cela semble avant tout être un exercice de communication. Rien n’indique que les entreprises pharmaceutiques seront à la hauteur de la responsabilité qui leur a été confiée’’, avertit-on. Même si la Commission européenne affirme que les entreprises pharmaceutiques sont censées s’engager à atteindre l’objectif d’un accès universel et abordable aux diagnostics, aux traitements et aux vaccins, les 40 organisations restent sceptiques.  

Selon elles, une telle déclaration sonne creux, au regard des dons bien modestes effectués par les propriétaires des brevets jusqu’à présent. Car, avant tout, ces multinationales s’accrochent à leurs monopoles du mieux qu’elles peuvent.

VIVIANE DIATTA

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