Publié le 9 Jun 2021 - 01:10
ELECTIONS LOCALES

Amadou Ba, en marche vers son destin 

 

Malgré l’armistice signé, ce week-end, entre lui et le ministre d’Etat Mbaye Ndiaye qui n’a eu de cesse de l’égratigner, dans la plupart de ses prises de parole, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Amadou Ba, joue sa survie politique aux prochaines élections locales de 2022. Pour éviter le syndrome Malick Gakou, il lui faudra s’imposer au sein de la majorité ou prendre son destin en mains.

 

En pleine tempête, Amadou Ba parvient encore à garder le calme des jours de marée basse. Lentement mais surement, il avance ses pions en direction des élections territoriales de 2022. Présenté comme un des leaders de fait de Benno Bokk Yaakaar dans Dakar et sa banlieue, il a la malchance d’être des hommes les plus épiés au sein du parti présidentiel, l’Alliance pour la République. Malgré les coups qui n’ont eu de cesse de pleuvoir, en provenance même parfois du cercle restreint du Président Macky Sall, lui n’a jamais flanché. Tel un capitaine aguerri qui navigue sur des vagues dangereuses, il reste focus sur l’objectif, malgré l’annonce d’ouragans, les uns plus ravageurs que les autres.

D’ailleurs, mettait en garde récemment, Mbaye Ndiaye, proche du Président : ‘’N’écoutez-pas les personnes malintentionnées qui sont autour de vous. Ils vous entrainent dans des guerres qui ne sont pas les vôtres. Ce public qui applaudit, ce public que vous voyez, ce n’est le public ni de Mbaye Ndiaye ni d’Amadou Ba. C’est le public du président de la République Macky Sall’’. C’était lors d’une conférence animée par les femmes de Benno aux Parcelles assainies, au mois de mai dernier.

Très en colère suite au discours de la responsable des femmes Mbathio Niakhasso qui, selon lui, avait pris fait et cause pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, il s’indignait : ‘’… Moi je ne suis pas un nain politique. Je sais lire entre les lignes. Que personne ne me fasse dire des choses que je n’ai jamais dites. Je n’ai jamais dit aux populations de Parcelles assainies de soutenir Amadou Ba. Je ne l’ai jamais dit. Et que personne ne me le fasse dire. Ce que j’avais dit, à l’époque, c’est d’être avec Amadou Ba pour aider le président de la République. Je m’engage dans cette voie, hier, aujourd’hui et demain. Macky Sall n’entendra jamais que je l’ai trahi, parce que je suis digne moi, je suis un musulman…’’.

Le mot est lâché. Mbaye Ndiaye ne va jamais ‘’trahir’’ le président de la République. L’air ébahi, le visage assombri, regardant à gauche, à droite et derrière comme un naufragé à la recherche d’une bouée de sauvetage, l’ancien ministre des Affaires étrangères avait mis du temps pour se ressaisir. Prenant la parole, il a essayé tant bien que mal de conserver son zen attitude. Il disait : ‘’Monsieur le ministre Mbaye Ndiaye, je sais que vous me voulez du bien. Vous œuvrez dans ce sens. Mais sachez que jusqu’à ce jour, jusqu’à ce jour, Dieu m’a gardé de certains actes. Moi je n’ai jamais rien revendiqué, que ça soit aux Parcelles, à Dakar ou ailleurs. Ma conviction est que toutes nos réussites procèdent de la volonté divine’’.

En 2017, rappelait-il, il a eu la confiance du président de la République, ‘’de faire partie de la liste de Dakar’’ (il était tête de liste aux législatives NDLR). ‘’De 2017 à nos jours, on ne m’a jamais entendu dire que j’ai été tête de liste de la majorité à Dakar. Donc, je te rassure, doyen, que ça soit aux Parcelles ou ailleurs, vous n’allez jamais entendre Amadou Ba descendre sur le terrain pour revendiquer une quelconque légitimité ou compétence. J’ai toujours été partisan d’une gestion inclusive. Aux Parcelles également, depuis que le Président m’a amené ici, je n’ai jamais dévié de ce chemin. Je ne réclame absolument rien’’, soulignait-il.

Très calme comme à l’accoutumée, Amadou Ba avait lâché ce pic qui en dit long sur son exaspération. ‘’Je sais que vous aimez beaucoup le Président Macky Sall. Mais permettez-moi de vous concurrencer dans ce domaine. Pour tout le reste, je vous le concède…’’. Aussi avait-il tenu à signifier : ‘’Nous ne sommes plus dans le domaine de la chefferie ; c’est révolu cette époque’’.

Quelques semaines plus tard, le week-end dernier, les deux responsables de Benno ont semblé avoir fumé le calumet de la paix. Mais comme à son habitude, Mbaye Ndiaye n’a pas manqué l’occasion de réitérer ses conseils à l’intention de son jeune frère. Le dernier est le suivant : ‘’Nous devons travailler ensemble pour soutenir le Président Macky Sall. C’est la raison pour laquelle j’estime qu’aucun d’entre nous ne doit se considérer comme candidat aux prochaines élections locales. Notre candidat, c’est le Président Macky Sall qui doit le désigner’’. Pour lui, il n’y a pas de place à la division en perspectives des prochaines élections territoriales. ‘’Entre Amadou Ba, Mbaye Ndiaye et Moussa Sy qui nous a rejoints, il n’y a pas de place pour la division’’, insiste-t-il.

Survie politique

Ceci est devenu, depuis quelques jours, son thème de campagne, lui et l’autre ténor de BBY aux Parcelles, le maire sortant Moussa Sy. Comme s’il se dessinait une sainte alliance contre l’ancien leader de Dakar, Amadou Ba. Qui n’a jamais abondé dans le même sens. Ne manquant presque jamais de prêcher l’unité, il n’en demeure pas moins figé dans sa ligne de conduite, distribuant à tort et à travers des appuis aux groupements de jeunes et de femmes. Pour beaucoup, sa survie politique dépendra en grande partie de sa posture, lors des futures élections locales.

Dr en Communication, Moussa Diop estime qu’Amadou Ba a tout intérêt à jauger son poids électoral. ‘’La politique étant un rapport de force, souligne-t-il, Amadou gagnerait beaucoup à évaluer son poids électoral, sa capacité de mobilisation. Les élections locales, ce n'est pas une question de parti politique. En réalité, c'est surtout l'image et la représentativité du candidat qui vont le plus compter. En principe, un président de la République ne devrait peut-être pas descendre à cet échelon-là’’. 

Proche de l’ancien ministre, Moussa Fall déclare : ‘’La position du ministre, qu’il a réitérée ce week-end, est très claire. Il a dit que l’heure n’est pas aux déclarations de candidatures. L’heure est surtout à l’union et au travail de terrain. Nous allons écouter le Président. Mais, sur ce plan, on n’a pas de soucis à se faire. Amadou Ba a été coordonnateur aussi bien au référendum de 2016, aux législatives de 2017 et à la présidentielle de 2019. A chaque fois, cela a été couronné de succès, on est alors très confiant’’.

Appelé en renfort par le président de la République en 2013, suite à sa nomination au poste de ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Ba est, en effet, devenu le capitaine de l’équipe Benno Bokk Yaakaar, depuis les référendums de 2016. Depuis lors, la coalition présidentielle a été victorieuse à presque toutes les élections. Avant lui, sous la houlette de Mbaye Ndiaye aux Parcelles assainies, elle cumulait les revers dans cette localité et partout à Dakar. Mais malgré ces victoires sur l’indéboulonnable Taxawu Dakar de Khalifa Sall, Amadou Ba a été chassé du gouvernement comme un malpropre. Et pour beaucoup d’observateurs, c’est à cause de ses ambitions présidentielles.

Aujourd’hui exclu de tous ses postes nominatifs, il n’a que les élections territoriales pour montrer qu’il est indispensable à Dakar et dans les combats futurs de l’Alliance pour la République. Dr Moussa Diop explique : ‘’Pour survivre dans cet environnement politique en recomposition, il faut absolument qu'Amadou Ba s'affirme et démontre sa force électorale sur le terrain. Et cela peu importe qu'il ait des velléités présidentielles ou pas’’. Revenant sur l’arbitrage du Président, il déclare : ‘’Il va devoir trancher pour celui qui a le plus de chance de gagner. Car seule la victoire compte à l’arrivée’’.

Le syndrome Malick Gakou

L’exemple de Malick Gakou étant encore frais dans les mémoires, le ‘’coordonnateur’’ de Benno a intérêt à s’affirmer, lors des prochaines joutes électorales. En effet, en 2014, Malick Gakou, présenté comme favori, avait accepté de jouer les seconds rôles, au profit du frère du Président, Aliou Sall, dans son fief même à Guédiawaye. Depuis lors, ce dernier a renforcé sa notoriété politique et cumule les victoires dans cette localité de la banlieue.

Pour éviter de subir le même sort que l’ancien numéro 2 de l’AFP, l’ancien ministre des Finances va devoir se peser aux locales. C’est en tout cas la conviction de ses partisans, pour qui, Amadou Ba est le prochain Président de la République. Il suffit de faire un tour dans les différentes plateformes de communication du ministre pour s’en convaincre. Mais pour y parvenir, il faudra trancher le débat entre lui, Moussa Sy et Mbaye Ndiaye. Qui va défendre les couleurs de l’Alliance pour la République et de Benno aux Parcelles assainies ?

Aux origines d’un compagnonnage en dents de scie

Pour rappel, entre Amadou Ba et Macky Sall, l’histoire a débuté il y a environ 20 ans. A l’époque, Monsieur Ba était directeur général des Impôts et domaines, Macky Sall, Premier ministre de Wade. En 2012, après sa victoire sur Abdoulaye Wade, l’actuel Président avait bien voulu renouveler sa confiance à l’ancien bras financier du pape du Sopi. En 2013, il le promut ministre et lui demanda de l’accompagner sur le plan politique. Ce que ce dernier accepta volontiers.

Sur le plateau de TFM, il y a quelques mois, le coordonnateur de Benno à Dakar disait : ‘’J’avais accepté la demande pour deux raisons : d’abord par loyauté, ensuite, parce que je crois en sa vision politique et économique. Il m’avait même offert la possibilité d’avoir un mouvement, mais, j’ai préféré adhérer au parti. Depuis lors, je travaille avec lui en toute loyauté’’. C’était pour montrer son ancrage dans le parti présidentiel que beaucoup lui contestent aujourd’hui, l’accusant de vouloir succéder au chef de l’Etat.

En tout cas, malgré cet ancrage, il n’a pas résisté à l’écrémage réalisé par le Chef de l’Etat, aux lendemains de sa réélection. Ces futures élections locales vont déterminer s’il reste dans les bonnes grâces du Président de l’Alliance pour la république ou bien, s’il va devoir prendre son destin politique en mains, en y allant sous sa propre bannière.

MOR AMAR

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