Publié le 17 Jan 2013 - 20:12
ENQUÊTE SUR LE FONCIER

 Tahibou Ndiaye exhibe des comptes à sec

 

Suite à notre article de l'édition du mardi 15 janvier 2013, relatif à l'affaire Tahibou Ndiaye, entendu à deux reprises par la Section de recherches de la Gendarmerie nationale depuis le début de la traque organisée contre les biens mal acquis, nous revenons sur l'enquête déclenchée contre le Directeur du Cadastre en 2000 et 2012. Tahibou Ndiaye se défend des accusations de malversations sur le foncier...

 

 

Dans l'enquête sur les biens mal acquis de l'ancien Directeur du Cadastre, Tahibou Ndiaye, les enquêteurs ne se sont pas seulement contentés d'éplucher le patrimoine foncier de ce concerné-ci, comme nous l'évoquions dans notre dernière édition. Ils sont allés plus loin, fouinant dans ses comptes bancaires déclarés. Il en dispose trois au Sénégal et deux à l'étranger.

 

Au Sénégal, le total des avoirs retrouvés sur les comptes ouverts à la Banque de l'Habitat du Sénégal (BHS), à la Banque internationale pour le Commerce et l'industrie au Sénégal (BICIS) et à la Société générale de banques (SGBS) fait à peine 30 millions de francs Cfa. Son compte à BNP-Paribas n'était lourd que de 4 000 euros (environ 2,6 millions F Cfa) alors qu'un autre compte établi également à l'étranger, le plus consistant de tous, plafonne entre... 60 et 70 millions de francs Cfa. Comment donc un homme présenté comme un milliardaire, a pu se construire deux immeubles et une villa aux Almadies et s'acheter, d'après toujours les révélations faites aux gendarmes, un appartement à 41 millions F Cfa à Fès (Maroc), ''pour des raisons de conviction religieuse''?

 

Si l'ancien Directeur du Cadastre n'a pas été loquace sur les détails de l'origine de sa fortune, il ressort de confidences faites par ce dernier à des proches que le Président Wade lui a offert de l'argent. Combien ? Tahibou Ndiaye ne veut pas s'épancher devant les gendarmes, mais au moins, concède-t-il, ''le Président Wade lui aurait une fois offert 500 millions de francs Cfa pour l'aider à construire sa maison des Almadies.» Sans doute pour les ''services'' qu'il lui a rendus en lui donnant des conseils bien précieux sur les niches foncières à Dakar. Selon certaines confidences, il n'est en effet pas rare que le Président Wade le réveille nuitamment et l'embarque dans son véhicule pour des virées non pas dans les boîtes de nuit, mais sur des assiettes foncières précieuses. De quoi d'ailleurs créer des jalousies.

 

Les 500 millions de Wade, les 60 millions de Serigne Basse Abdoul Khadre...

 

Toujours sur les connexions qui lui ont permis de se faire une santé financière, Tahibou Ndiaye veut bien citer le porte-parole du khalife général des mourides, Serigne Basse Abdoul Khadre qui lui aurait offert 60 millions de francs Cfa pour l'aider à construire une de ses maisons. Au total, Tahibou Ndiaye défend que ses revenus hors salaire, en tant que Directeur du Cadastre, poste qu'il a occupé deux ans durant, est de 50 millions par an. Ces revenus qui dépassent ceux d'un ministre ''sont tout à fait légaux''. Lorsqu'on y ajoute les revenus issus de la location de ses maisons et son salaire, cela lui fait plus d'un milliard de francs Cfa sur les 12 ans. De quoi justifier son niveau de vie ? Pour l'ex-patron du Cadastre, cela suffit pour expliquer ses revenus.

 

Mais alors, s'est-il servi de sa position pour faire des transactions douteuses sur les terrains ? Tahibou Ndiaye balaie tout d'un revers de main. Il présente un document aux enquêteurs leur expliquant comment se passent les procédures d'attribution de terrains. Ce, pour dire que la Commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD) se réunit sous la présidence d'un représentant du ministère de l'Economie et des finances, à l'époque Macodou Sall, d'un secrétaire rapporteur, Vincent Max Dibi, alors Directeur de l'enregistrement, des domaines et du Timbre, du Directeur de l'Urbanisme et de l'architecture, du Directeur de l'Agence nationale de l'Aménagement du territoire, du représentant du Directeur de la Dette et de l'investissement, du représentant du Contrôle financier, du Représentant du directeur du Matériel et du transit administratif et de lui-même en tant que directeur du Cadastre. ''Comment puis-je tordre le bras à tous ces hauts fonctionnaires ?'' aurait-il confié aux gendarmes. Le même argument est brandi lorsque les enquêteurs lui opposent les micmacs dans le montage du Monument de la Renaissance. Là, Tahibou Ndiaye dévoile des documents qui, déclare-t-il, ''ne portent nulle part ma signature'' (voir encadré). Dans tous les cas, les gendarmes qui ne veulent pas se contenter de ce que leur a servi l'ancien Directeur du Cadastre, continuent leurs investigations. Qui n'ont sans doute pas révélé tous leurs secrets...

 

Retour sur le jeu des avenants

 

Le 19 décembre 2007, un protocole d'accord est signé entre l'État du Sénégal et la SCI La Promobilière représentée par Mbackiou Faye. L'État du Sénégal est représenté par le ministre de l'Urbanisme, de l'Habitat de l'Hydraulique, de l'Hygiène publique et de l'Assainissement Oumar Sarr et le ministre délégué chargé du Budget Ibrahima Sarr. Dans le préambule du document, l'État convient avec la société Mansuade Overseas Project Group of Compagnies d'un accord pour la fabrication et la pose du Monument de la Renaissance, une statue de 50 mètres de hauteur en bronze composée d'un adulte africain, sa femme et son enfant surgissant d'un volcan. Le coût est évalué à 12 milliards F Cfa. La SCI La Promobilière de Mbackiou Faye offre de payer directement la somme aux réalisateurs coréens en contrepartie de la cession par l'État d'un terrain de 14 ha. Le premier terrain d'une superficie de 7 hectares est identifié à Ouakam (ex Champ de Tirs). Il s'agit d'un immeuble urbain nu. D'autres terrains doivent être identifiés ultérieurement pour couvrir les 14 ha.

 

Quelques mois plus tard, le 18 janvier 2008, un premier avenant du protocole d'accord renseigne que l'État du Sénégal et la SCI La Promobilière ont signé un autre protocole d'accord qui annule et remplace le protocole et la convention en date du 07 mai 2007 signés entre l'État du Sénégal et la société dénommée Mansuade Overseas Project Group of Compagnies. Un deuxième avenant indique un second terrain à distraire du TF 4407/DG, d'une superficie de 9 hectares. Le document ajoute que ''la propriété du terrain sera transférée à la SCI La Promobilière, dès l'approbation de la CCOD''.

 

L'avenant n°4 au protocole d'accord portant financement du monument de la renaissance africaine, fait l'évaluation des terrains qui doivent être cédés à Mbackiou Faye. La valeur vénale des 7 ha de l'ex-Champ de tirs est estimée à 578 900 000 F Cfa (8 270f x 70 000 m2). La seconde parcelle également sise à Ouakam d'une superficie de 9 ha est évaluée à 396 900 000 F Cfa (4 410f x 90 000 m2). Soit un total de 975 800 000 F Cfa, selon dit-on, le barème en vigueur des terrains nus (Décret n°88-074 du 18 janvier 1988). Toutefois, l'État décide de substituer la parcelle de terrain de 7 ha à une autre parcelle de 21 ha située à Ouakam, d'une valeur de 926 100 000 F Cfa. Ce qui porte leur valeur totale à 1 323 000 000 F Cfa. Ainsi, la SCI La Promobilière se retrouve avec 30 ha, au lieu des 14 ha prévus par le protocole d'accord. ''Cependant, les parties conviennent, en raison du caractère désuet du barème susvisé au regard des prix des terrains pratiqués actuellement sur le marché de l'immobilier, de se libérer l'une et l'autre à la réalisation de cette opération de cession, sous forme de dation en paiement du prix de l'ouvrage projeté'', renseigne le document.

 

Il y aura un cinquième avenant. Il fait état de la nécessité de rallonger 8 milliards sur les 12 milliards initialement prévus pour la réalisation de la statue. À cet effet, la commission des opérations domaniales émet un avis favorable matérialisé par la signature dudit avenant au protocole d'accord portant financement du monument de la renaissance africaine. Une fois de plus l'État fait appel à la SCI La Promobilière qui allonge les 8 milliards. En contrepartie, l'État du Sénégal cède à l'entreprise de Mbackiou Faye, toujours sous forme de dation en paiement, des terrains nus d'une superficie de 260 356 m2 à distraire du TF 4407/DG sis Ouakam. Les terrains nus sont évalués à 1 148 169 960 F Cfa (4410f x 260 356 m2). Au total, Hamadoul Mbackiou Faye a reçu 56,3 ha de terre à Dakar pour la réalisation de la statue de la Renaissance qui aura, au finish, coûté 20 milliards.

 

GASTON COLY

 

 

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