Publié le 2 Jan 2018 - 22:56
ENQUETE SUR L’ARGENT DE LA TRAQUE

Quand le gouvernement se perd dans ses chiffres 

 

Suite au communiqué très laconique du gouvernement sur l’argent provenant de l’enrichissement illicite, EnQuête a mené des recherches pour savoir d’où vient l’argent consigné dans le communiqué de l’Etat ? Des sources très au fait du dossier nous ont confié que la traque n’a apporté aucun milliard. 

 

La traque. Encore la traque. Toujours la traque. C’est l’un des sujets phares qui ont marqué la fin de l’année 2017. Un débat loin d’être épuisé en ce début de l’année 2018.  Même si le président de la République, dans son adresse à la nation, l’a complètement ignoré. C’est un sujet qui fascine, un sujet qui passionne. Un sujet qui promeut des hommes et femmes politiques. Un sujet qui en a enterré d’autres. Après l’ancienne Première ministre Aminata Touré avec son chiffre mirobolant de plus de 200 milliards F CFA, le gouvernement est sorti de son mutisme pour apporter un peu de lumière dans les ténèbres qui entourent le recouvrement des biens supposés mal acquis.

Hélas ! Cette sortie n’a pas eu tous les effets escomptés. Bien au contraire, elle en a rajouté à la polémique déjà assez grande. Certains l’ayant appréciée comme une confirmation de Mimi. D’autres l’ont tout simplement assimilée à un démenti. Cinglant ou diplomatique ? C’est selon ! Ce qui est sûr, c’est qu’il ressort de nos investigations que le gouvernement ne parle pas le même langage que son ancienne patronne.

D’abord, il convient de signaler que les chiffres rendus publics par l’Etat dans son communiqué datent de 2016. Le texte ressemble plutôt à un copier-coller d’un article publié par nos confrères de Libération le 1er août 2016. A l’époque Yakham Mbaye était dans le gouvernement en tant que Secrétaire d’Etat à la Communication. L’article était intitulé : ‘’Gestion des contentieux de l’Etat : Macky Sall empoche 152 milliards F CFA’’. Très explicites, nos confrères concluaient : ‘’le montant des sommes recouvrées s’élève à 152 984 119 934 F CFA versées dans les comptes de l’Etat et constatées dans les lois de finances’’. Plus d’un an après, le gouvernement, donnant l’impression de faire des révélations, reprend au centime près le même chiffre, non plus uniquement pour parler de ‘’gestion de contentieux’’, mais pour justifier ‘’des procédures en cours contre l’enrichissement illicite’’.

Le glissement sémantique n’est pas anodin. En effet, en droit, les mots ont leur sens. Enrichissement illicite n’est pas gestion des contentieux. En effet, aux termes de l’article 163 bis alinéa 2 de la loi 81-53 du 10 juillet 1981, ‘’le délit d'enrichissement illicite est constitué lorsque, sur simple mise en demeure, une des personnes désignées ci-dessus (personne ayant sous sa responsabilité des fonds publics de même que ses complices ndlr), se trouve dans l'impossibilité de justifier de l'origine licite des ressources qui lui permettent d'être en possession d'un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux’’. Ce qui n’a rien à voir avec la gestion de contentieux, qui plus est, concernent des entreprises qui n’ont aucun lien avec les personnes poursuivies dans le cadre de la traque.

Le gouvernement reprend les chiffres publiés par le journal Libération depuis 2016

Donc, le gouvernement a repris les chiffres, alors publiés par nos confrères de Libération, gardant volontairement sous silence leur provenance. C’est la conviction de certains observateurs très avisés. L’un d’eux, au cœur de la traque des biens dits mal acquis, interpellé sur la question, déclare tout de go : ‘’C’est cela la traque. Mimi sort pour parler de 200 milliards. Le gouvernement, 152 milliards. En fait, la traque, c’est zéro milliard’’, affirme-t-il sans ambages.

Pour en avoir le cœur net, il fallait creuser davantage. Il a fallu alors comprendre d’où provenaient les dizaines de milliards annoncés par le gouvernement. Est-ce de la traque des biens mal acquis ou ailleurs ? La première piste est de retrouver le numéro de Libération y afférent. Coup de théâtre : il n’y a dans ce papier aucune trace des biens qui avaient valu à Karim Wade et Cie leurs déboires…

Le silence assourdissant de l’Etat sur l’origine des ressources

Dans le communiqué de l’Etat, on note dans la ‘’Seconde Loi de Finances Rectificative pour l’année 2013 l’inscription de 3 montants : 2 498 314 563 F CFA, 24 600 355 371 F CFA, 11 365 450 000 F CFA)’’. En fait, ces chiffres provenaient respectivement de la cession d’actifs et d’occupation d’un immeuble par la SONACOS, de la redevance de cession versée par DPW au titre du ticket d’entrée pour la concession du terminal à container du Port de Dakar et du complément de la redevance versée par Milicom au cours de l’année 2013. La première tranche de 39 520 000 000 F CFA, versée par Milicom en fin d’année budgétaire 2012, a été constatée dans la loi de règlement pour l’année 2012.  Selon nos sources, ceci est une anomalie, car la loi de règlement n’a pour vocation que de contrôler a posteriori l’exécution du budget par le gouvernement.

Outre ces montants, le porte-parole du gouvernement est aussi revenu sur la première loi de finances rectificative pour l’année 2014 avec l’inscription de 45 000 000 000 F CFA, la seconde loi de finances rectificative pour l’année 2014 (inscription d’un montant de 5 000 000 000 F CFA) et enfin, dans la loi de finances initiale pour l’année 2015 : il est mentionné le chiffre de 25 000 000 000 F CFA. Là également, le gouvernement a omis délibérément de préciser que tous ces trois montants ont été versés par la multinationale indienne Mittal pour rupture abusive d’un contrat. D’autant plus que l’action a été engagée depuis l’ancien régime. Tout comme d’ailleurs les 50 milliards de Milicom.

Les contradictions avec Aminata Touré

Des chiffres qui contrastent avec celles de l’ancienne  Première Aminata Touré. En effet, au moment où cette dernière parlait de 100 milliards avec le financement de l’AIBD, Seydou Guèye gardait le silence sur cet aspect. Il en est de même des 50 milliards de AHS, des 4,5 milliards d’Eden park qui appartenait à Bibo Bourgi… En conclusion, des sources de Mimi, le porte-parole du gouvernement ne retient que deux seules. Il s’agit de DPW et la SONACOS. Et même là, l’écart est très important. Pendant que la ‘’dame de fer’’ parle de 37 milliards pour DPW, l’Etat parle d’un peu plus de 24,5 milliards. Pour ce qui est de la SONACOS, l’envoyée spéciale du président parle de 5 milliards au moment où le gouvernement parle de près de 2,5 milliards.

La polémique a été soulevée pour la première fois à l’émission RFM matin. La responsable de l’Alliance pour la République, interpellée sur la traque des biens mal acquis (et non sur la reddition des comptes), avait affirmé que plus de 200 milliards ont été recouvrés. Si l’on convient avec le ministre Mame Mbaye Niang (cf EnQuête samedi 30 décembre 2017) qu’il est difficile de retracer, dans des lois de finances, l’argent provenant des entreprises récupérées ; en revanche pour ce qui est du compte de Monaco, de l’argent de Dpw et de la Sonacos au moins, leur traçabilité dans les lois de finances ne devraient poser problème. Il s’y ajoute que l’agent judiciaire de l’Etat Antoine Diome avait annoncé en 2016, et ce depuis Paris, la capitale française, le recouvrement de 16 milliards de F CFA des comptes de Karim Wade. L’ancien Garde des sceaux ministre de la Justice Sidiki Kaba avait lui aussi fait état, au cours de l’année 2017, du recouvrement de 50 milliards de F CFA. Des sommes que le communiqué du gouvernement a  passées sous silence.

  Aussi, selon Birahim Seck du Forum civil, ‘’au-delà de la controverse, il faudrait aussi se demander sur quelle base ont été payés les avocats de l’Etat’’.

MOR AMAR ET IBRAHIMA KHALIL WADE

 

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