«Il nous faut un leadership efficace»
Pour le porte-parole du Parti démocratique sénégalais, il est urgent que le parti sorte du piège dans lequel le président de la République est en train de l'anesthésier aux moyens de «l'acharnement» qu'est devenue la traque des biens supposés mal acquis.
Lors du dernier Comité directeur du Pds, vous faisiez état de députés libéraux en négociation avec l’Apr. Pouvez-vous être beaucoup plus précis ?
C’est une question interne à mon parti. Compte tenu de la gravité de la question, je m’étais fait le devoir de l’évoquer devant cette instance suprême de gouvernance et d'administration du Parti démocratique sénégalais, afin que l’on prenne des mesures de sauvegarde pour que le parti se donne les moyens de résister à ce débauchage tous azimuts organisé par le pouvoir. Comme c’est une question qui me semble être d’une certaine importance, il va sans dire que c’est aux instances régulières du parti d’en discuter et lui trouver une solution idoine. C’est pourquoi je ne m’épancherai outre mesure sur cette affaire...
Certains ont jugé votre sortie irresponsable du fait que vous n'avez avancé aucun nom...
Je n’ai de leçon à prendre de personne, encore moins de ceux qui penseraient que l’alerte que j’ai faite est une attitude d’un homme irresponsable. Je suis loin d’être un homme irresponsable. Ma préoccupation a été clairement exprimée. Il ne s’agissait pas pour moi de cibler telle ou telle personne, mais plutôt d’alerter les instances suprêmes de notre parti sur les dangers que nous encourons. En je m’en tiens à ça. Maintenant, les réactions des uns et des autres me paraissent épidermiques et me laissent zen. Car, il ne s’agissait pas de trouver séance tenante une solution concernant telle ou telle personne qui serait impliquée, mais de trouver en notre sein les ressources organisationnelles indispensables à la survie du parti.
Vous est-il possible de donner les noms en question ?
Absolument pas! L'histoire nous édifiera sur les vices cachés du présent.
Pourquoi avez-vous quitté la salle avant la fin de la réunion ?
J’aurais pu m’empêcher d’en parler, mais comme vous insistez, je vais vous le dire. Si une partie de l’instance n’était pas assez réceptive pour avoir une écoute attentive sur ce que je leur ai proposé comme solution de crise, j’ai préféré ne pas leur donner l’occasion de réagir. Je ne suis pas quelqu’un qui se laisse marcher sur les pieds. Quand quelqu’un n'a pas la courtoisie et de la considération pour m’écouter, je vois mal pourquoi je devrais en faire autant.
Qu’est-ce que vous appelez «mesure de sauvegarde» ?
C’est propre au Pds. Le parti sait comment se protéger et comment faire face à de telles situations. Ce n’est pas maintenant que cela va commencer. Par le passé, on a eu l'occasion d'expérimenter ces mesures de sauvegarde. Et le moment venu, j'y reviendrai avec force détails. Et je suis sûr qu’on y reviendra.
D'aucuns estiment que le Pds ne joue pas son vrai rôle d’opposant. Les velléités de transhumance expliquent-elles cette léthargie ?
Je suis parti de constats. Comme vous venez de le dire, le parti n’est pas assez offensif dans certains de ses compartiments et dans la manière d’élaborer la riposte. D'abord pour faire face à cette agression dont nous faisons l’objet dans le cadre de la traque des biens dits mal acquis. Mais surtout pour nous préparer en perspective des élections locales. Or, il urge que les principaux animateurs du parti s’organisent et s’entendent autour de quelque chose pour que nous puissions faire face à ces deux adversités. Après ces constats, je n‘ai pas été déçu en terme de résultats. C’est pourquoi j’ai pensé, en homme responsable, contrairement à ce que pensent certains, alerter mes frères de parti et que nous nous organisions davantage. C’est toute la problématique de cette controverse autour de ce Comité directeur. Je poursuis mon chemin. Je ferai de mon mieux pour aider mon parti à être davantage performant. Mais, cela ne m’empêchera pas, le cas échéant, de dénoncer tout ce qui me paraît non conforme avec les intérêts du Pds.
A quelques mois des élections locales, comment votre parti compte les aborder ?
Je l’ai dit tantôt et cela constitue l’essentiel de mes préoccupations. Le parti tarde à s’organiser pour faire face à ses missions ordinaires, mais surtout à se préparer aux élections locales pour les gagner, à tout le moins, pour conserver le maximum de collectivités locales que nous contrôlons. En l’état actuel des choses, le Pds est anesthésié par le piège dans lequel le gouvernement de Macky Sall l’a poussé, c’est-à-dire lutter contre ce que j’appellerai l’acharnement dans le cadre de la traque des bien supposés mal acquis. Il urge que l’on s’occupe du parti en mobilisant les fédérations, en organisant les sections, que l’on demande à nos responsables de se préparer aux échéances futures. Le cas échéant, réfléchir sur les possibilités d’alliance au niveau local parce que ça se passe au niveau local. Il faut que de manière stratégique, la direction du parti indique la voie pour que chacun dans sa base puisse prendre des contacts avec la société civile, les porteurs de voix, les organisations de base, pour fédérer leurs énergies et présenter une majorité en 2014. Pour le moment, ce n’est pas le cas. (…)
Tâche ardue d'autant plus qu'il y a eu des départs en plus du problème de leadership.
Il faut constater pour le regretter qu'effectivement, le Pds peine à générer un leadership efficace. Cela ne veut pas dire que le coordonnateur n’est pas bon. C’est un problème de leadership, de méthodologie, d’approche, de vision partagée. Je pense que même s’il y a des départs comme vous venez de le dire, même s’il y a des courants de pensée à l’intérieur du Pds, je continue à penser que nous pouvons tirer notre épingle du jeu. Cela ne sera pas facile, il faut le reconnaître. Nous venons de quitter le pouvoir avec ce que cela donne comme perception au sein de l’opinion, ce que cela fait comme digestion difficile de cette défaite du 25 mars. Qui plus est, il y a des ressources humaines de qualité qui ont quitté le parti et qui n’auraient jamais dû le faire pour tout ce que le Président Abdoulaye Wade et le parti ont fait pour eux.
Quel commentaire vous faites des remous au sein de Benno Bokk Yaakaar nés des sorties critiques de Idrissa Seck contre le gouvernement ?
C’était prévisible ! Ces coalisés ont trompé les Sénégalais. C’était un marché de dupes. Ils ne s’étaient entendus que sur le départ du président Abdoulaye Wade, et non pour prendre en charge de manière collective, responsable et assumée la gouvernance politique du pays. C’est pourquoi des voix internes commencent à se faire entendre. Idrissa Seck a été très critique à l’égard du Premier ministre et de certains ministres du gouvernement. Le Parti socialiste n’en pense pas moins en termes de qualité de gouvernance depuis un an. Je suis sûr que la critique de Gadio (NDLR : Cheikh Tidiane), celle de Ibrahima Fall et de tant d’autres responsables qui ont soutenu le candidat Macky Sall au second tour, prouvent à suffisance que le pays va mal et que Benno Bokk Yaakaar n’est pas une coalition solide. Elle est vouée à un éclatement certain. On n’en pleure pas puisque cela va être une occasion pour nous de montrer aux Sénégalais que c’est autour de la manipulation, de la désintoxication que le gouvernement a été mis en place.
Le Premier ministre Abdoul Mbaye a parlé d’un déficit de plus de 400 milliards…
Le déficit budgétaire que nous avons légué est dans les normes autorisées par les critères de convergence de l’Uemoa. Le déficit était contenu entre 6 et 9%. Or, vous savez très bien que le Sénégal pouvait, par rapport à son déficit budgétaire, être dans des situations aussi compliquées que d’autre pays de l’Uemoa. Nous faisions partie des meilleurs élèves en matière de grands agrégats économiques. Ce n’est pas moi qui le dis, Ce sont les instances internationales qui le pensent. C’est pourquoi l’ancien ministre Abdoulaye Diop a été primé meilleur ministre de l’Economie et des Finances de l’Afrique. Ça, c’est un débat de politiciens. Notre responsabilité est en relation avec ce que nous avons fait de 2000 à 2012. Les Sénégalais estiment que le pays va mal, que ça ne marche pas. Tous les secteurs sont en léthargie au plan économique. Même le président de la République a décidé récemment de mettre en place une commission qui s’occuperait des finances publiques alors qu’il a un Premier ministre, un ministre des Finances, un ministre délégué chargé du Budget. Cela montre que le ver est dans le fruit et que ce gouvernement-là n’est pas assez outillé pour apporter des réponses auxquelles les Sénégalais s’attendent. Après nous, Idrissa Seck n’a fait que tirer la sonnette d’alarme. Lorsque nous l’avions dit, ce n’était pas crédible parce que nous sommes de l’opposition. Idrissa Seck l’a dit, ça pose un problème, cela devient un débat national. Récemment, j’ai écouté Aïssata Tall Sall, qui est porte-parole du Parti socialiste, avoir une même lecture de la situation économique du pays, du malaise social qui prévaut, du chômage des jeunes, du clientélisme politique...
Les membres du Conseil économique, social et environnemental ont été nommés. Quel regard portez-vous sur le profil de ses membres ?
Sur le profil, vraiment il y a un problème très sérieux. D’abord, le président de la République avait supprimé le Sénat estimant que c’était budgétivore et inutile. Au moins, le tiers des sénateurs étaient élus démocratiquement au suffrage universel indirect. Le président nomme un Conseil économique, social et environnemental de 120 membres. Si vous faites un listing de cette structure, vous vous rendrez compte que c’était pour caser des amis politiques. Par exemple à Kaffrine, j’ai constaté que tous les quatre responsables Apr des quatre départements de Kaffrine (Mbirkilane, Malème Hodar, Koungheul et Kaffrine) ont été nommés. Un autre nommé est un sénateur transhumant du Pds.
Qui est-ce ?
Permettez-moi de ne pas les citer. Un des responsable Apr de l’arrondissement Maka Yop aussi a été nommé. Toutes ces personnes ont la particularité de n’avoir pas été à l’école sauf l'un d’eux qui a été un ancien douanier. Comprenez donc que si la situation que j’ai vécue à Kaffrine se répète dans les autres régions, c’est la catastrophe. Nonobstant la nomination de ceux qu’ils appellent les membres issus des organismes socioprofessionnels, ce sont les mêmes que l’on reprend pour faire la même chose. Certainement, c’est une manière d’entretenir une élite politique. J’estime que ce n’est pas conforme avec l’éthique qui a prévalu quand il a fallu supprimer le Sénat. Qui plus est, on a l’impression que c’est le parti avant la patrie comme on l’a toujours souligné. Même les partis alliés ont été quotataires du CESE. Nous attendions que le président Macky Sall nous proposât un CESE composé de Sénégalais, exemples de réussite dans leur secteur, sans politique politicienne. Pour que ces personnalités, ayant suffisamment de ressources dans le cadre de leurs activités respectives, puissent apporter leur contribution à la marche du pays. C’est cet esprit qui devait guider le choix du président. Malheureusement, nous avons une chambre politique pour caser des amis politiques. Et c’est dommage.
Qu’en est-il de votre adversité politique avec Alioune Sow à Kaffrine ?
Ça, c’est terminé maintenant. A Kaffrine, il n y a pas deux chefs au plan politique. Même du temps où nous étions aux affaires, on peut dire qu’il y avait des adversaires, mais aujourd'hui, on sait qui est qui dans sa zone politique. Je continue à diriger le Pds à Kaffrine. Naturellement l'ambition des uns et des autres pourrait créer une compétition surtout que nous nous acheminons vers un congrès pour trouver une nouvelle direction au Parti démocratique sénégalais. Honnêtement, je ne me fais pas de fixation sur le nom ou sur les qualités de mes adversaires politiques s’ils s’investissent dans la région de Kaffrine.
PAR DAOUDA GBAYA
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