La défense pointe les ‘’’irrégularités’’ du dossier
Les avocats de la défense ont bouclé, hier matin, leurs plaidoiries sur les exceptions de nullité de la procédure intentée contre le maire de Dakar et ses co-inculpés. Pour eux, tout est ‘’nul’’ dans ce dossier. A leur avis, une décision de libération s’impose.
Les conseils de Khalifa Sall et Cie ont passé le premier tour des exceptions de nullité de la procédure. A l’ouverture de l’audience, ils ont défilé à la barre du tribunal correctionnel de Dakar pour convoquer des arguments de droit afin que leurs clients soient renvoyés des fins de la poursuite. Dans la mesure où, plaident-ils, ce dossier ne comporte que des irrégularités. Occasionnant ainsi les violations des droits de la défense.
Hier, Mes Jackson Francis Ngnie Kamga, Ciré Clédor Ly, Ousseynou Fall, Khoureichy Ba et François Sarr ont fermé le passage des avocats de la défense devant le président Malick Lamotte, après des plaidoiries entamées relatives à ces questions depuis jeudi.
Le bâtonnier camerounais, Me Kamga, plaide l’extinction partielle de l’action publique
C’est le bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau du Cameroun qui a ouvert le bal. Me Jackson Francis Ngnie Kamga dénonce : ‘’Malgré nos efforts à tous de judiciariser cette affaire, de lui donner les caractéristiques d’un procès équitable, cette affaire est quelque peu passée à côté du droit.’’ Il a soutenu que la procédure poursuivie contre Khalifa Sall est nulle. Le Camerounais de faire savoir qu’il y a une exception d’extinction partielle de l’action publique. Vu les chefs de prévention retenus contre le maire de Dakar. Le conseil a expliqué que les délits sont prescrits, sauf le détournement auquel la prescription est de 7 ans.
Pour lui, la prescription de trois ans demeure acquise avec surtout l’escroquerie et l’usage de faux, même si on vise le blanchiment de capitaux. ‘’On ne peut pas demander à Khalifa Sall de s’expliquer sur ses faits délictuels commis en 2011 et pour lesquels les poursuites ont été engagées en 2017’’, crie-t-il. Le bâtonnier a indiqué que le compte de gestion doit être jugé par la Cour des comptes à 5 ans. Faute de quoi, il y a quitus de gestion qu’est l’approbation. Donc, il a souligné que les comptes déposés le 18 juillet 2012 auraient été jugées le 18 juillet 2017. Mais, renseigne-t-il, ‘’aucun jugement n’est intervenu dans ce domaine’’.
Me Kamga note que le receveur percepteur municipal de la ville de Dakar, au titre de sa gestion de comptes en 2011, a été définitivement déchargé. ‘’Il ne peut plus, dorénavant, être reproché quoi que ce soit au comptable de la ville de Dakar et tous ceux qui sont intervenus, et plus personne ne peut juger les comptes de 2011’’, a-t-il plaidé. Il s’y ajoute que l’article 18 de la directive de l’Uemoa du 24 juin 2011 portant régime financier des collectivités territoriales au sein de l’Uemoa, dispose qu’aucun prévenu ne peut être interrogé sur les opérations comptables de 2011 liées à la gestion des comptes de la mairie de Dakar.
Me Ly : ‘’La plaidoirie est un art de convaincre, alors que l’évidence n’a pas besoin de plaidoirie’’
Les avocats de la défense sont préoccupés à essayer de savoir est-ce que ce procès doit continuer. ‘’La plaidoirie est un art de convaincre, alors que l’évidence n’a pas besoin de plaidoirie’’, a lancé Me Ciré Clédor Ly. Pour dire que l’affaire Khalifa Sall est ‘’’le dossier de l’évidence’’. Et les juges en charge de ce dossier sont les seuls à mettre fin à ce procès, car ‘’il y a d’énormes obstacles infranchissables avec graves irrégularités’’.
Concernant la prévenue pour faux et usage de faux en écriture, association de malfaiteurs et complicité, Fatou Traoré, Me Ly avance que toutes les infractions retenues à son encontre sont prescrites. ‘’C’est un tort qui s’arrêtera le plus rapidement possible’’, argue-t-il. D’après l’avocat, Fatou Traoré n’a signé aucune facture dans la limite des délais de prescription de l’action publique. Puisqu’elle a cessé de signer des factures bien avant 2014, pour avoir remis les cachets avant 2011. Me Ciré Clédor Ly soutient que la procédure est affectée par un vice irréparable. Lequel est la violation d’un droit sacré, imprescriptible et non dérogeable. ‘’Ce droit a un procès équitable a été piétiné jusqu’en ce moment précis où nous parlons’’, a-t-il lancé. Avant de dénoncer un autre point : ‘’Le droit du prévenu de disposer du temps de la préparation nécessaire de sa défense et de communiquer avec ses conseils.’’ ‘’La défense n’a eu que 40 jours contre 240 jours pour le procureur de la République. On nous contraint à venir plaider, alors que nous ne sommes pas prêts. Il faut que les juges aident leur peuple. Les juges sont les derniers remparts contre les violations des droits et contre l’arbitraire’’, a-t-il exposé.
Le conseil a également soulevé le droit à l’équilibre des armes, entre la défense et la partie civile. Car, dit-il, il résulte des éléments du dossier qu’une demande d’expertise avait été faite, mais elle a été rejetée par une ordonnance de rejet du juge d’instruction. Et dès le rejet de cette requête, le juge n’a pas donné aux prévenus le droit d’interjeter appel.
Me Ousseynou Fall : ‘’Le pouvoir met et lève le coude quand il veut’’
Comme à son habitude, l’avocat libéral a cogné fort contre l’Etat. Me Ousseynou Fall a déclaré que le dossier est traité à une vitesse aussi vertigineuse. Dans cette affaire, on parle de procès juste et équitable, mais ‘’pour qu’il le soit, il faut que toute la procédure antérieure ait été faite dans les règles de l’art’’. ‘’Malgré cette pression intolérable, ces humiliations, c’est une torture physique qu’on lui (Khalifa Sall) a infligée. Malgré tout cela, mon client a été constant et serein dans ses différentes dépositions’’, a-t-il prévenu.
Au tribunal, il réitère ses propos : ‘’Ce dossier ne relève pas de votre compétence, mais plutôt de la Cour des comptes.’’ ‘’Il y a un pouvoir qui est là, qui détient arbitrairement Khalifa Sall. Toutes les conventions internationales disposent que dès l’instant qu’un individu n’a pas été jugé de manière équitable, avec toutes les garanties d’un procès équitable, il est en détention arbitraire. Vous devrez prendre une décision pour le libérer, le sortir de cet arbitraire. Mes clients sont en train de vivre l’arbitraire d’un régime. Il met le coude quand il veut et il le lève quand il veut’’, s’est-il plaint.
Me Khoureichy Ba au tribunal : ‘’Vous ne pouvez pas être des agents d’un combat par procuration’’
Après lui, Me Khoureichy Ba a ajouté que les juges de ce tribunal ne peuvent être des agents d’un combat par procuration. ‘’Vous avez une excellente occasion pour vous dessaisir de ce dossier entaché d’irrégularités’’, a-t-il affirmé. Il a soutenu que le doyen des juges du tribunal hors classe de Dakar est nommé par décret, alors que les autres sont nommés par arrêté. Et la nomination est publiée dans le ‘’Journal officiel’’. ‘’Des enquêtes ont été menées et il s’est avéré qu’ils n’ont pas trouvé de publication dans ledit journal. Tous les actes entrepris par le juge d’instruction à l’endroit de ces prévenus doivent être déclarés nuls. Il n’a aucune qualité pour le faire. Qu’on vienne nous apporter son décret, mais surtout qu’on nous dise que sa nomination nous est opposable. Tous ces prévenus doivent porter plainte contre lui’’, a-t-il révélé.
Me François Sarr : ‘’Pourquoi nous sommes frustrés’’
Dernier à plaider, Me François Sarr a transmis les remerciements de Khalifa Sall à tout le pool d’avocats constitué pour lui. Pour boucler la boucle, le coordonnateur de cette défense déclare : ‘’Les vices sont nombreux et ils sont évidents, les uns plus que les autres. Dans ce dossier, il y a une main invisible, une main d’injustice. En un moment, dans toutes les procédures, il nous était possible de dire que Khalifa Sall bénéficie d’immunité parlementaire.’’ Avant de dire que le procureur s’est levé un bon jour pour demander la levée de l’immunité parlementaire. ‘’Alors que les juges ont toujours dit que notre client ne bénéficie pas de cette protection’’.
Il a laissé entendre que l’Assemblée nationale, elle-même, se fourvoie. ‘’Cette affaire ne doit pas aller plus loin. C’est pourquoi nous sommes frustrés’’, a conclu Me Sarr.
Aux avocats de l’Etat, de la mairie de Dakar, de l’agent judiciaire de l’Etat (Aje) et du procureur de la République d’apporter la réplique aux conseils de la défense.
AWA FAYE