‘’Ce que je cherche à travers ce film…’’
‘’Triangle de feu’’. C’est le titre du film qui a été réalisé par la journaliste et militante féministe Fatou Warkha Samb. L’avant-première dudit documentaire a eu lieu vendredi dernier. La réalisatrice porte à l’écran l’histoire de femmes victimes de viol ou viol collectif, d’inceste et qui se sont retrouvées enceintes, atteintes d’infertilité ou en sont mortes. Certaines de ces femmes enceintes ont souhaité interrompre leur grossesse. ‘’Ces femmes n’ont pas demandé à être violentées. Elles ont été abusées et sont obligées de vivre une autre injustice, parce qu’au Sénégal on n’applique pas le Protocole de Maputo (NDLR : un protocole international de l'Union africaine, amenant les États signataires à garantir les droits des femmes, y compris le droit de participer au processus politique, l'égalité sociale et politique avec les hommes, une autonomie améliorée dans leurs décisions en matière de santé et la fin des mutilations génitales féminines) qu’il a déjà ratifié depuis plus de 20 ans. Son application pourrait leur permettre d’avorter sans contraintes. Le film raconte ces trois histoires et interpelle l’État, mais aussi les parents et la fille’’, a expliqué la réalisatrice.
C’est un documentaire qui est fait en langue wolof, pour permettre à la majorité de la population sénégalaise de le comprendre, de savoir de quoi il s’agit.
À travers ce documentaire, Fatou Warkha Samb cherche à sensibiliser la population, la communauté, mais également interpelle l’autorité. Cette dernière, selon elle, a ratifié le Protocole de Maputo depuis 20 ans et il est temps qu’il soit appliqué pour soulager les victimes, mais également rétablir la justice. ‘’C’est un film hyper puissant qui interpelle l’État, parce que c’est aux autorités de résoudre cette question. Quand les femmes tentent de régler ce problème, elles finissent toujours par avoir des difficultés. C’est un problème qu’elles ne peuvent pas régler. Donc, c’est aux autorités de le prendre en charge en appliquant ce protocole’’, a expliqué la militante des droits des femmes.
Journaliste de formation, elle fait des contenus, des reportages, des capsules pour parler ou défendre les droits des femmes. ‘’Dans mon militantisme, j’ai rencontré et vu des femmes qui ont vécu cela, mais à chaque fois qu’on l’explique aux autres, il y a des gens qui n’y croient pas. Donc, pour moi, il était important de rendre visible cette souffrance, de la montrer pour que les gens puissent la voir et réaliser qu’il ne s’agit pas d’une histoire, mais d'une réalité’’, a indiqué la réalisatrice.
La fondatrice de Warkha TV compte, dans les jours à venir, faire des projections dans les quartiers suivies de discussions, en travaillant avec les ‘’badiénou gokh’’, les délégués de quartier afin de se rapprocher de la communauté. ‘’Aujourd’hui, quand on parle d’avortement, on entend beaucoup de choses. Donc, il était question pour nous de vulgariser les trois cas dont nous parlons pour montrer que cela existe. C’est une réalité et non des choses que nous avons inventées. Nous allons partir voir les communautés dans les quartiers du département de Pikine pour cette première année, partager ce film, discuter et essayer de sensibiliser’’, a-t-elle précisé.
CHEIKH THIAM