Le Crafs salue la transparence et alerte sur le risque de décentralisation du foncier rural

Le Cadre de réflexion et d’action sur le foncier au Sénégal (Crafs) a récemment salué l'engagement des nouvelles autorités en faveur d'une gestion foncière transparente. L'organisation émet aussi une mise en garde cruciale : le risque que le foncier rural échappe au contrôle des collectivités territoriales.
Depuis 2010, le Cadre de réflexion et d’action sur le foncier au Sénégal (Crafs) n'a cessé d'analyser la problématique foncière au Sénégal. Fort de ce diagnostic, la structure dirigée par Babacar Diop estime que l'actuel gouvernement tient plus ou moins le bon bout afin d'apporter des réformes décisives sur le sujet. En d'autres termes, on est sur la bonne voie pour une “gestion transparente, inclusive, responsable et durable du foncier et des ressources naturelles”. Toutefois, le cadre tient à attirer l'attention de l'État sur le danger d'assister à une “gestion du foncier rural échappant aux collectivités territoriales”.
Babacar Diop vise par-là la proposition d’un député de la mouvance présidentielle tendant à suspendre les compétences foncières des collectivités territoriales et à centraliser la gestion foncière au niveau national via l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat). “De telles déclarations et orientations pourraient affaiblir le principe fondamental de la décentralisation, ainsi que la lettre et l’esprit de la loi sur le domaine national. C’est pourquoi le Crafs invite l’État du Sénégal à engager des concertations en vue d’une réforme foncière inclusive, cohérente, transparente et participative, construite avec et pour les communautés locales”, indique le président du Crafs.
Dans ce même ordre d'idées, le Crafs se montre hostile à la “politique d’immatriculation systématique des terres”. Car, selon lui, une telle mesure est juste une “privatisation déguisée du foncier’’.
Recommandations
Toujours dans le but de prendre en compte au maximum les problématiques liées aux terres, le Crafs a fait plusieurs recommandations.
Selon Babacar Diop, il faut notamment “la création de comités villageois paritaires et inclusifs, garants d’un dialogue permanent entre les parties prenantes”. Il ajoute que “les ventes ou donations définitives de terres du domaine national” doivent être bannies. Se montrant un peu plus flexible, le Crafs relève l'importance des “réformes de mobilité foncière comme le prêt à titre gracieux ou la location temporaire, à condition qu’elles soient encadrées et réversibles”.
In fine, concernant de la protection des espaces communs et des terres agricoles, le Crafs propose la solution suivante : “Il faut aller vers la délimitation et la sécurisation des zones pastorales, des forêts communautaires, des espaces halieutiques et des terres agricoles, afin de préserver leur vocation collective et prévenir les conflits récurrents entre usagers”, souligne M. Diop.
Toutefois, il prône qu'on évite à tout prix ces “réformes sectorielles” ne prenant pas en considération “la dimension transversale du foncier, y compris les questions du changement climatique”.
MAMADOU DIOP