Publié le 8 May 2012 - 09:19
FOOT - DÉCÈS DE JULES FRANÇOIS BOCANDÉ

Jules, le dernier match

 

Trois jours après la disparition de l'ancien attaquant international nigérian Rashidi Yékini, l'Afrique vient de perdre un immense joueur, et le Sénégal, une légende. La première grande star internationale du foot sénégalais, Jules François Bocandé, est décédée hier à Metz, des suites d’une intervention chirurgicale. Il avait 53 ans.

 

''Latif, moi je ne connais que le football, je ne peux pas quitter le football'', avait confié Jules François Bocandé à Abdoulatif Diop, journaliste qui s'apprête à publier un livre consacré à cette gloire du foot. Malheureusement, l'homme s'en est allé en ce mois de mai 2012 qui débute vraiment sur un air funèbre pour le football africain. Parce qu'il est parti alors que le monde sportif n'a pas encore fini de pleurer et de rendre hommage à l'ancien goleador des Super Eagles, Rashidi Yékini, décédé vendredi dernier au Nigeria.

 

 

Idole d'une jeunesse

 

Jules François Bertrand Bocandé, c'est ce footballeur qui a construit sa légende par son patriotisme sans égal. Un footballeur, par son talent qui a ébloui les sportifs, est devenu l'idole de tous les jeunes Africains, du Sénégalais El Hadji Ousseynou Diouf à l'international camerounais Samuel Eto'o. Tous rêvaient de suivre les pas de cet attaquant exemplaire. Car, du Casa Sport en sélection nationale via l'Europe, l'ancien attaquant des Lions du Sénégal a vraiment marqué son époque. Né le 25 novembre 1958 à Ziguinchor, Jules Bocandé a incarné cette génération appelée à l'époque les Sénefs. Chanté par les supporters du Casa Sport, ce joueur a écrit l'une des plus belles pages de ce club fanion du sud, à la fin des années 70, en le hissant vers les sommets du foot sénégalais. Après avoir offert au Casa son premier titre de Coupe du Sénégal en 1979, Jules s'est envolé vers l'Europe pour une carrière dorée. Il atterrit en 3e division Belge (Tournai : 1980-82) puis à l'élite (Seraing 1982-84). Après avoir marqué 20 buts dans chacun de ces deux clubs, le Sénégalais est repéré par le FC Metz en D1 française où il deviendra le 2e Africain à remporter le titre de meilleur buteur avec 23 réalisations en 1985-86 après l’Algérien Ahmed Oudjani. Malgré une absence des terrains français pendant une longue période due à sa participation à la Can 1986 au Caire, Jules est revenu avec sa volonté qu'on lui connaît pour se hisser devant. La saison suivante, il rejoint le Paris Saint-Germain sans connaître le même succès. Finalement, il ira à Nice (1987-91) puis à Lens (1991-92) avant de retourner terminer sa carrière en Belgique, à Eendracht Alost.

 

 

Radié mais...

 

Jules, c'est surtout cet homme au caractère unique qui s'est aussi sacrifié pour son pays. Pour la construction du football sénégalais, l'ancien capitaine de la Tanière, qui ne mâche jamais ses mots, a dû payer de sa personne. Lui qui était radié par la Fédération sénégalaise de football en 1980. Parce qu'il avait osé agresser Bakary Sarr, l'arbitre de la finale de la Coupe du Sénégal jouée deux fois entre le Casa Sport et la Jeanne d'Arc de Dakar. Il était alors suspendu à vie et a dû s'exiler en Europe pour ne pas voir son talent s'éteindre prématurément. Il parvient à se faire un nom dans le Vieux continent. Et par amour pour sa patrie, Jules oublie sa rancœur pour venir porter son pays. Le 1er septembre 1985, une date mémorable pour les footeux, il qualifie le Sénégal à la Can 1986 après un triplé retentissant contre le Zimbabwe (3-0). Une victoire qui signe le retour des Lions à la messe africaine après 18 ans d'absence. Malheureusement, cette génération de talents sort dès le premier tour de la Can du Caire, malgré un début réussi avec des victoires contre l'Égypte et le Mozambique. Les Lions ratent l'édition de 1988 mais reviennent en 1990 (4e), en 1992 à domicile mais sorti par le Cameroun en quart (0-1). Après sa retraite, Bocandé prend les rênes de la sélection en compagnie de Boubacar Sarr Locotte jusqu'à une place de quart de finale à la Can 1994 en Tunisie.

Bocandé, c'est aussi ce grand-frère qui a pouponné la génération 2002, finale de la Can au Mali et quart de finaliste du Mondial asiatique. Sa présence dans un groupe suscitait plus de motivation. ''Il avait un cœur en or, était gentille, serviable'', témoigne l'ex-sélectionneur des Lions, Bruno Metsu. Toujours prêt à servir son pays, Jules restera à côtés de ses ''jeunes frères'' de la Tanière avec certains techniciens. Mais il n'hésite pas à émettre des idées critiques. On se souvient de l'ère Guy Stéphan ; n'est-ce pas Bocandé qui a très tôt fait savoir aux Sénégalais que ce technicien français n'avait pas la capacité de qualifier la bande à Aliou Cissé au Mondial 2006 ? La suite... on la connaît.

 

ADAMA COLY

 

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