Une responsabilité partagée
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C’est une indignation presque généralisée suscitée par la commercialisation, en cette période de Noël, de la boisson alcoolisée sous forme de gadgets et de jouets. Comment cela a-t-il été possible ? ‘’EnQuête’’ a essayé d’en savoir plus sur les procédures d’importation de produits alimentaires et les subterfuges utilisés par certains commerçants pour les contourner.
Le consommateur sénégalais est-il en sécurité ? Les différents services en charge de contrôler et d’autoriser l’entrée de certains produits dans le pays font-ils convenablement leur tâche ? Les questions font florès, mais ne trouvent pas de réponse dans le communiqué servi par le ministère du Commerce, avant-hier.
En tout cas, si l’on en croit le directeur exécutif de l’Unacois Yessal, Alla Dieng, ceci n’aurait jamais dû arriver. ‘’Certes, les premiers responsables sont les commerçants véreux qui commercialisent ce produit. Mais la responsabilité de l’Etat est aussi entière. J’ai entendu la Direction du commerce intérieur dire qu’ils n’ont pas une maitrise sur les produits qui entrent dans ce pays… Pour moi, c’est honteux pour un Etat, qui dispose de tous les moyens, en termes de renseignements, de sécurité… qui a la police, la gendarmerie, la douane…. C’est vraiment inadmissible’’.
En fait, souligne le commerçant, il n’est pas donné à n’importe qui de faire entrer au Sénégal des produits destinés à la consommation. Comme les personnes, ces produits sont également assujettis à des procédures particulières. ‘’La douane, présente à toutes les frontières : terrestres, maritimes et aériennes, a une responsabilité dans cette affaire. Des produits de ce genre ne doivent pas pouvoir entrer dans le pays. Cela révèle un laxisme quelque part’’.
Mais, à en croire certaines sources douanières, il serait trop hâtif de tirer des conclusions et de situer les responsabilités. ‘’Les choses ne sont pas aussi simples. Il faut savoir qu’en la matière, la douane apporte surtout son concours à certains services. Quand il s’agit de produits alimentaires, la douane va juste vérifier si l’important dispose d’une déclaration d’importation de produits alimentaires. Si la personne a ce document, on procède au dédouanement, sinon, on met le produit en dépôt. Au bout d’une période, si la régularisation n’a pas été faite, on enclenche la procédure de saisie et on va soit vendre le matériel aux enchères, soit la détruire, si c’est impropre à la consommation’’.
Le Libanais avait-il une Dipa ? Sinon, comment a-t-il fait pour passer entre les mailles de la douane ? L’enquête qui suit son cours permettra sans doute d’éclairer la lanterne. Selon nos interlocuteurs, dans le cadre de ce dossier, le problème, c’est que le liquide alcoolisé est commercialisé à travers des jouets. ‘’Il faut savoir que l’alcool étant taxé à plus de 100 %, le gars peut ne pas le déclarer et dire qu’il a un jouet. Ainsi, on dédouane un jouet et non de l’alcool. Pour les jouets, on regarde juste la matière et on procède à la facturation’’. Chez les services du ministère du Commerce, c’est surtout cette version qui a été servie.
Il faut souligner que, contrairement aux produits alimentaires, les boissons alcoolisées obéissent à d’autres procédures spécifiques. En effet, si les produits alimentaires sont assujettis à une simple déclaration, ceux qui peuvent être nocifs pour la santé ou pour l’environnement sont soumis au régime de l’autorisation. La demande d’autorisation doit être adressée à la Division de la consommation et de la sécurité des consommateurs. Pour la commercialisation, également, il y a un régime juridique strict.
Pour l’Unacois, quelles que soient les circonstances, il faudrait au moins veiller à sanctionner sévèrement tous les fautifs. ‘’Ce sont des commerçants véreux, prêts à tout pour se faire de l’argent. Le plus révoltant, c’est qu’ils puissent vendre ça à des enfants. Si c’était des adultes, ils ont une certaine capacité de discernement. Mais pour des enfants, c’est vraiment révoltant. L’Etat doit être ferme. C’est des pratiques délictuelles d’un autre âge. Je n’aurais jamais imaginé que des gens puissent faire ça’’, peste Alla Dieng.
Cela dit, cette affaire doit inciter les différents services compétents à plus de vigilance dans le contrôle des importations et commercialisations de certains produits destinés à la consommation des Sénégalais.
Pour rappel, c’est grâce à la réactivité des éléments du commissariat central de Rufisque que le pire a pu être évité. Après avoir reçu un renseignement, les limiers ont vite mis en branle un dispositif pour mettre la bande hors d’état de nuire. Très vite, ils ont mis la main sur les présumés contrebandiers, qui seront déférés aujourd’hui au parquet. Ils sont poursuivis pour contrebande, tromperie sur la qualité de la marchandise, mise en circulation d’un produit impropre à la consommation et mise en danger de la vie d’autrui.
Procédure pour importer des produits alimentaires L’importation de produits alimentaires au Sénégal est assujettie à des règles strictes. Avant toute opération, le commerçant doit faire, auprès des services du ministère du Commerce, une déclaration d’importation des produits alimentaires (Dipa). Pour disposer du précieux sésame, il faut une facture pro forma ou une facture des produits à importer ; un certificat d'origine, éventuellement, des produits à importer ; tout document attestant de la qualité du produit (certificat sanitaire ou de salubrité, certificats phytosanitaires, certificats d'analyse ; certificats de non-radioactivité ; certificats de non-contamination à la dioxine) ; 4 échantillons des produits aux fins d'analyse. Ces échantillons sont ensuite emmenés au laboratoire à des fins de contrôle de conformité. |
MOR AMAR