Publié le 22 Aug 2025 - 15:05
GOUVERNANCE ET TRANSPARENCE AU SÉNÉGAL

La société civile plaide pour des lois renforçant la lutte contre la corruption

 

La société civile sénégalaise a activement pris part aux discussions parlementaires concernant quatre projets de loi cruciaux pour la gouvernance, la transparence et la moralisation de la vie publique. Ce jeudi 21 août, une conférence de presse animée par le professeur Babacar Guèye a réuni plusieurs organisations de la société civile au Good Rade, afin de présenter des observations et recommandations visant à enrichir les textes législatifs relatifs à l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac), à la protection des lanceurs d’alerte, à l’accès à l’information et à la déclaration de patrimoine.

 

Les projets de loi soumis à l’Assemblée nationale portent sur la création ou la réforme de structures essentielles : la loi n°12/2025 sur l’Ofnac, la loi n°13/2025 sur le statut et la protection des lanceurs d’alerte, la loi n°14/2025 sur l’accès à l’information et la loi n°15/2025 sur la déclaration de patrimoine. Ces textes traduisent la volonté du gouvernement de lutter contre la corruption, de garantir la transparence et d’instaurer une culture de moralisation dans la gestion des affaires publiques. Selon le Pr. Guèye, ‘’ces initiatives constituent un pas décisif vers la modernisation de la gouvernance publique et la participation citoyenne. Toutefois, il est impératif de renforcer certains aspects pour garantir la crédibilité et l’efficacité des textes’’.

La société civile souligne notamment l’importance d’une harmonisation entre les textes, d’une clarification des dispositions ambiguës et d’un renvoi explicite aux textes d’application pour sécuriser juridiquement les actions des différents acteurs.

Concernant le statut et la protection des lanceurs d’alerte, les signataires ont relevé que le critère de ‘’désintéressement’’ n’était pas suffisamment pris en compte. Ils recommandent de clarifier la notion de ‘’bonne foi’’ afin d’éviter les risques d’insécurité juridique et de limiter les déclarations abusives. De même, le champ d’application actuel, limité aux crimes et délits financiers, pourrait être élargi à d’autres domaines essentiels comme la santé publique et l’environnement.

En matière de déclaration de patrimoine, la société civile insiste sur la nécessité de publier les déclarations dans des conditions claires et de définir explicitement les obligations du président de la République à la fin de son mandat. Les dispositions concernant les personnes investies de responsabilités dans les secteurs minier, pétrolier, gazier et foncier devraient être alignées sur les instruments juridiques sectoriels existants pour prévenir tout conflit d’intérêts.

Pour le projet sur l’accès à l’information, la composition de la Commission nationale d’accès à l’information (Conai) est jugée déséquilibrée, avec une surreprésentation des institutions de l’État. Les organisations civiles recommandent d’élargir cette commission aux experts et universitaires pour garantir un meilleur équilibre et renforcer la crédibilité du dispositif.

Elles préconisent également que l’accès à l’information reste gratuit tout au long du processus, afin de ne pas restreindre l’exercice des droits fondamentaux.

Enfin, pour l’Ofnac, il est nécessaire de clarifier le rôle de l’office dans la réception et la publication des déclarations de patrimoine, et d’assurer une articulation normative cohérente avec la loi sur les lanceurs d’alerte.

Des recommandations concrètes

La société civile propose plusieurs recommandations concrètes. Elle suggère d’élargir la définition des lanceurs d’alerte pour inclure les menaces graves affectant la santé et l’environnement. Elle recommande de remplacer la récompense financière par un critère de désintéressement afin de limiter les abus. Elle insiste sur la nécessité de clarifier la procédure de déclaration de patrimoine et de l’étendre au président de la République à la fin de son mandat. Elle préconise également d’harmoniser les textes avec les instruments sectoriels pour prévenir les conflits d’intérêts. Enfin, elle propose de renforcer la composition de la Conai en y intégrant des experts indépendants.

Selon le professeur Babacar Guèye, ‘’l’objectif est de rendre ces textes plus robustes et opérationnels tout en renforçant la confiance des citoyens dans les institutions publiques’’.

Au total, dix-huit organisations ont signé cette contribution écrite, allant de Cosce à Amnesty International, en passant par le Forum du justiciable et la Ligue sénégalaise des droits humains. Ces structures affirment leur disponibilité à accompagner le processus législatif et à participer à des échanges constructifs avec l’Assemblée nationale.

En conclusion, la société civile se montre favorable aux quatre projets de loi, mais insiste sur des ajustements essentiels pour garantir leur efficacité et leur impact réel sur la gouvernance et la transparence au Sénégal. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de renforcer la démocratie et la participation citoyenne, dans le respect des standards internationaux et des bonnes pratiques en matière de lutte contre la corruption.

MAMADOU DIOP

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