Une vie de combats

Plus de cinq après sa disparition le 23 août 2019, l’un des fondateurs du Parti de l’indépendance et du travail (PIT) continue d’inspirer des générations d’hommes politiques.
Six ans après sa disparition, le 23 août 2019, Amath Dansokho continue d’incarner une référence pour toute une génération de Sénégalais. Sa vie fut un long combat pour la démocratie et la justice sociale, un héritage aujourd’hui convoqué face aux dérives qui menacent l’aventure démocratique nationale. De lui, Ousmane Sonko disait : “Si des gens de ma génération peuvent, plus ou moins librement, s’opposer aujourd’hui, c’est que des hommes comme Amath Dansokho ont préparé le terrain en consentant d’énormes sacrifices.”
Aujourd’hui plus que jamais, cet héritage est à revisiter, à revivifier. Son successeur, Samba Sy, ne manquait d’ailleurs pas de le relever dans nos colonnes, lors des précédents anniversaires. Pour lui, Amath avait un rapport particulier avec la vérité, avec la non-violence. Même s’il pouvait être intraitable dans l’adversité. “Amath, disait-il, doit très certainement s’interroger sur le rapport de certains des nôtres avec la vérité et la violence”.
Une adversité politique sans haine
Ces longues années de lutte contre Wade en sont une parfaite illustration. D’abord grands compagnons, ils ont fini par être de farouches adversaires dans les années 2000. Ce qui n’a jamais viré à l’animosité et à la haine. À sa disparition, Wade lui-même se souvenait de cette déclaration qu’il avait faite au plus fort de leur contentieux politique. “J’aime Abdoulaye Wade. C’est plus fort que moi. S’il arrive un malheur à Karim, je porte plainte contre Wade”, disait Dansokho, convaincu que l’ancien président - son ami - n’aurait jamais dû impliquer son fils dans sa gouvernance, encore moins vouloir l’imposer aux Sénégalais.
Fondateur du Parti de l’indépendance et du travail (PIT), Dansokho a été l’un des artisans de la première alternance politique, en 2000. Mais il s’éloigna rapidement du régime libéral, à cause de sa liberté de ton et de son engagement pour une gouvernance basée sur l’éthique. De 2008 à 2012, son salon de Mermoz devint le quartier général de l’opposition avec Benno Siggil Senegaal. “Si seulement son salon pouvait parler…”, confiait Samba Sy, rappelant le rôle central de ce lieu privé dans les tractations qui menèrent Macky Sall à la victoire en 2012.
Un acteur majeur des alternances
L’engagement de Dansokho s’est façonné très tôt. Meneur de grèves au lycée Faidherbe, il adhère au Parti africain de l’indépendance (PAI) dès 1957, convaincu que la libération passait par la lutte armée. Son militantisme lui valut la prison, puis un long exil de treize ans à La Havane, à Bamako, à Alger, à Prague ou encore à Moscou. En 1964, il réalise un rêve de révolutionnaire : rencontrer Che Guevara, qui lui offre un texte de Régis Debray.
De son vivant, il a toujours refusé de parler des difficultés de cette période. Il préférait parler seulement du côté formateur de cet épisode, disait son compagnon feu Ibrahima Sène.
De retour au Sénégal en 1976, dans un contexte d’ouverture politique, il fonde, en 1981, avec d’autres camarades, le PIT, qui s’imposera comme un des principaux partis de gauche.
Un engagement forgé dans l’exil et les épreuves
Député-maire de Kédougou, plusieurs fois ministre, il s’illustra par un franc-parler qui ne l’empêchait pas de critiquer ceux-là mêmes qui l’avaient nommé. Homme d’État et militant infatigable, il aura traversé les régimes de Diouf, Wade et Sall avec une constance rare, en plaçant l’intérêt national au-dessus de toute autre considération.
Au fond, ce qui reste surtout d’Amath Dansokho, c’est moins l’image du ministre ou du stratège politique que celle de l’homme libre, du grand patriote. Abdoulaye Wade saluait d’ailleurs le parcours d’un “grand patriote, d’un militant infatigable”. Un jugement que partagent ses camarades de gauche comme ses adversaires libéraux.
Dans un Sénégal où la politique s’enlise aujourd’hui dans les invectives et la violence, sa mémoire rappelle qu’on peut combattre farouchement sans haïr et servir la patrie sans se servir. Cela a toujours été un viatique pour l’ancien leader politique.