Le surplace !

Conscient des dissensions profondes au sein de la société sénégalaise à cause des luttes politiques, de l'instrumentalisation des institutions, du mal-être profond de la jeunesse, le successeur de Macky Sall avait promis des mesures hardies et urgentes pour notamment réconcilier les Sénégalais, restaurer la confiance envers les institutions, promouvoir l'emploi... Un an après, les fruits tardent à tenir la promesse des fleurs. Des pans entiers du tissu socioéconomique continuent de s'effondrer.
Réconciliation nationale : passable
Arrivé au pouvoir dans un contexte où le pays était miné par des divergences profondes, le président Bassirou Diomaye Faye avait beaucoup misé sur la réconciliation nationale, plusieurs fois revenue dans ses premiers discours d'avant et d'après investiture. Un an après, il n'y a certes pas de confrontations ni de manifestations, mais la société reste plus que jamais divisée. La bipolarisation de l'espace public que l'on espérer disparaitre avec la dernière Présidentielle reste plus que jamais réalité. Entre poursuites, menaces de prison, interdictions de sortie du territoire sans notification ni décisions judiciaires, poursuites pour délits d'opinion, ostracisme envers certains citoyens et même des investisseurs, autant de pratiques qui sapent le vœu de réconciliation. Comme au bon vieux temps du régime précédent de Macky Sall.
Après l'avoir annoncé dès son premier discours, le 26 mars à la suite de sa brillante victoire, Diomaye avait montré, lors de son investiture, tout comme dans son discours de célébration de l'indépendance, toute sa détermination à matérialiser cette union des cœurs qu'il peine encore à matérialiser. “Je suis déterminé à préserver notre vivre-ensemble hérité de nos ancêtres, parce que nous n'avons qu'une seule patrie : le Sénégal, notre abri commun, que nous aimons tous, qui ne commence pas par nous et ne finit pas avec nous. Dans cet esprit, mon rôle est de tendre la main à tous pour rassembler, rassurer, apaiser et réconcilier, afin de conforter la paix, la sécurité et la stabilité indispensables au développement économique et social de notre pays”, disait Diomaye Faye qui n'hésitait pas à rendre hommage à ses prédécesseurs.
Mais, au fil des mois, le fossé s'est creusé entre défenseurs de Pastef et d'autres composantes de la société. Il s'est accentué lors des élections législatives avec des scènes de violence sur l'étendue du territoire : Dakar, Saint-Louis, Koungheul... Et comme par le passé, la justice a été implacable pour l'opposant, presque magnanime pour les partisans du pouvoir.
Si les gardes du corps du maire de Dakar, Barthélemy Dias, ont, en effet, été interpellés, jugés avec des condamnations, on ne connait pas la suite pour ceux qui ont mis le feu au siège de Taxawu Sénégal à Dakar.
L'autre preuve de cet échec de la réconciliation, c'est la rupture du dialogue politique depuis quelque temps, presque depuis l'affaire de la DPG suivie de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Recommandations des assises de la justice : peut mieux faire
Pas de paix sans justice. Cette maxime, le successeur de Macky Sall au pouvoir semble conscient. Dès son élection, il a multiplié les déclarations allant dans le sens du renforcement de l'institution judiciaire. Joignant l'acte à la parole, il a fait organiser, dès les premières semaines de sa gouvernance, de larges concertations sur le secteur. L'objectif, disait-il : redonner à la justice “le prix qu’elle mérite et la réconcilier avec le peuple au nom duquel elle est rendue”.
Lesdites assises ont été tenues depuis juin 2024. Trente recommandations fortes déposées sur la table du président de la République depuis le mois de juillet. Mais où en est donc la mise en œuvre de ces recommandations ? Selon nos informations, une commission chargée de la mise en œuvre avait été instituée et elle est depuis lors à pied d'œuvre.
D'ailleurs, rapporte nos sources, la commission technique mise en place a déjà fini l'élaboration de l'avant-projet de loi portant réforme du Conseil constitutionnel. Au moins un projet a donc été finalisé et rendu au chef de l'État.
L'avant-projet sur la Cour constitutionnelle déjà remis au chef de l'État
En revanche, sur les points de crispation relatifs à la sortie du président de la République du Conseil supérieur de la magistrature et la gestion de la carrière des magistrats, les choses ne semblent pas trop avancer. Or, pour beaucoup d'observateurs, y compris de nombreux magistrats, la question relative à l'indépendance statutaire des magistrats est essentielle pour rendre effective l'indépendance de la justice.
Les recommandations relatives à la refonte du service public de la justice sont aussi restées en l'état. Il s'agit notamment de : la transition numérique de la justice, la création d'une Direction de la communication et des relations publiques au ministère de la Justice, la définition d'un régime de protection des lanceurs d'alerte...
Mais la refonte des institutions promise par le président Diomaye ne s'arrête pas à l'institution judiciaire. Il a également été question des institutions comme le Haut conseil des collectivités territoriales et le Conseil économique, social et environnemental. Sur le premier point, les promesses ont été tenues avec la suppression de ces deux institutions que beaucoup jugeaient budgétivores. Ce qui aurait permis de faire des économies estimées autour de 15 milliards F CFA.
Administration, corruption... : progrès insuffisants
Durant la première année de gouvernance du président Bassirou Diomaye Faye, il a beaucoup été question de réforme du service public en général et de renforcement de la bonne gouvernance. "Pour donner corps à l’immense espoir suscité par notre projet de société et donner corps à ses aspirations, disait le président Faye, je m’engage à gouverner avec humilité, dans la transparence et à combattre la corruption à toutes les échelles”.
Toujours à ce propos, il affirmait : "J’engagerai sans tarder une politique hardie de bonne gouvernance économique et financière par la lutte sans répit contre la corruption, la répression pénale de la fraude fiscale et des flux financiers illicites, la protection des lanceurs d’alertes, la lutte contre le détournement de deniers publics et le blanchiment d’argent.”
Un an après, pas grand-chose n'a bougé dans le fonctionnement de l'Administration publique. Les usagers continuent toujours de souffrir des lenteurs dans le traitement des dossiers et la digitalisation est encore au stade de simple vœu. Il faudra encore attendre pour voir les retombées du New Deal Technologique.
En ce qui concerne la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, Diomaye avait promis notamment la répression pénale de la fraude fiscale et des flux financiers illicites, la protection des lanceurs d'alerte, la lutte contre le détournement et le blanchiment, l'amnistie des prête-noms et leur intéressement sous condition d'autodénonciation. Il avait aussi annoncé la publication des rapports de l'Inspection générale d'État, de la Cour des comptes et de l'Ofnac.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que sur ces questions, certains fruits sont encore loin de la promesse des fleurs. Il suffit de regarder ce qui se passe sur les routes avec les forces de défense et de sécurité, la circulation sans régularisation de tous ces véhicules que l'on qualifie pourtant de ‘’clandos’’ - dérivé de clandestins - pour se rendre compte que pas grand-chose n'a bougé. Et ce n'est que symptomatique de ce qui se passe au niveau de nombreux services, parce que se faisant le jour, en public, au vu et au su de tous.
Par contre, les rapports de la Cour des comptes ont été publiés avec leurs lots de scandales.
Mais, les textes attendus sur la protection des lanceurs d'alerte et la loi d'accès à l'information ne sont toujours pas finalisés.
Le Pool judiciaire financier a été rendu fonctionnel sous le magistère du président Faye et continue de s'activer dans les poursuites de présumés délinquants financiers.
Par Mor Amar