Publié le 28 Sep 2013 - 01:20
IMMEUBLE ROSE EN DANGER

La sourde menace d’un édifice agressé par le temps

 

 

A 32 ans, l'immeuble Rose du quartier Fass-Delorme est une bombe dont le 3e étage s'est déjà affaissée. Alors que ses occupants s'y accrochent faute d'un ailleurs plus sûr, le propriétaire, lui, a préféré quitter les lieux avec toute sa famille, le transformant en un «l'enfer, c'est les autres». Reportage

 

Au quartier Fass-Delorme à Dakar, on l'appelle «Bateau le Joola» ou «Chine populaire». Une double appellation qui renvoie à gigantisme et surpeuplement. Cet immeuble date de 1981, selon les résidents, avec des fissures partout, à peine tempérées par une horde de couleurs toutes plus improbables les unes que les autres. Difficile pour un passant de mesurer l’état de dégradation très avancé de cet édifice qui accueille, depuis plusieurs années, différentes ethnies (Joolas, Sérères, Mandingues, Peulhs, Balantes, Sarakholés, etc).

Dès qu’on franchit la porte principale, l’odeur de mille et un repas plats cuisinés agresse les narines. La fumée qui se dégage des casseroles provoque des larmoiements. Des occupants ont le regard braqué sur l'étranger qui débarque. Difficile de parler avec eux du danger qui guette au quotidien. Un seul leitmotiv à leur bouche : «Le responsable n’est pas là, il a quitté les lieux, et lui seul est habilité à parler de cela.» Puis on vous tourne le dos.

De haut en bas, du linge plein la vue sur toute la façade. Cet édifice R+3 compte 45 chambres, à raison de 3 à 4 personnes par chambre. Entre pleurs et galopades de bambins, discussions d'adultes, claquements de portes, vacarme, cris stridents, etc., on tombe dans un trouble du voisinage que meublent les sons lâchés depuis les postes de radio et de télévision.

 

La dalle du 3e étage a cédé...

Danger ! La dalle du 3e étage s’est affaissée et de larges fissures laissent voir les rayons solaires dans les chambres. Une menace qui, selon des témoins, a contraint le propriétaire, un certain M. Thiam, et sa famille à décamper sans crier gare il y a trois mois. A l’intérieur d’une chambre qui jouxte les toilettes, deux jeunes garçons et une fille d’âge moyen sont assis à même le sol, le regard braqué sur le reporter d'EnQuête. Ici, l'étranger dérange ! Mais un «guide» se propose de nous mener en...bateau, disons en...bâtiment, pour constater les dégâts. «La dalle qui s'est affaissée, c'était il y a trois ans. Aujourd'hui, c'est devenu plus grave», nous explique-t-il.

 

Loyer bon marché

Cet immeuble vieux de 32 ans est parsemé de rafistolages. Pour rendre les lieux attrayants, le propriétaire a recours au bricolage avec une couche de peinture. Peine perdue, le spectacle est désolant. «M. Thiam avait voulu augmenter la location à 30 mille francs Cfa. Nous les vétérans, nous avons dit niet. Car le bâtiment est dans un état de dégradation très avancé», a dit Amadou Diallo, blanchisseur, habitant au rez-de-chaussée depuis 2000. Lui comme d'autres s'accrochent aux 20 mille francs Cfa mensuels. «Il peut augmenter le loyer, mais il doit vraiment retaper l’immeuble», a-t-il concédé. Un autre locataire qui a préféré garder l’anonymat ajoute : «Le propriétaire a procédé à une réfection des locaux en 2012, mais vous voyez de vos propres yeux que les traces de fissures sont restées bien visibles.»

Interpellés sur le danger encouru face à la vétusté manifeste du bâtiment, Pierre Diatta se veut direct. «Nous n'avons pas le choix, nous restons dans ces locaux, malgré tout», confie-t-il avec détachement.

Pour certains observateurs, c'est le danger réel représenté par ce type d'immeuble à l'état de dégradation avancé qui doit pousser l'Etat à faire sortir de force ses occupants. Car un jour peut-être, qui sait...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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