La société civile et la presse engagent le combat
Désormais, le combat pour l’indépendance de la justice ne sera plus l’apanage des magistrats et acteurs du secteur. La société civile et la presse ont décidé de jouer leur partition, en mettant en place la Plateforme des acteurs de la société civile pour l’indépendance de la justice (Pascij). Le lancement de la structure a été une occasion, pour Me Assane Dioma Ndiaye et Souleymane Téliko, de diagnostiquer le secteur de la justice.
L’Union des magistrats sénégalais (Ums) ne sera plus seule dans son combat pour l’indépendance de la justice. La société civile et la presse ont décidé de s’impliquer. A cet effet, une structure dénommée Plateforme des acteurs de la société civile pour l’indépendance de la justice (Pascij) a été mise sur pied. C’est une initiative du Forum du justiciable, de la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh), de la Raddho, de l’Association nationale des chroniqueurs judiciaires (Ancj) et d’Amnesty International/Section sénégalaise. Elle a été lancée ce samedi, en présence du président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Lequel a salué cette initiative qui, selon lui, conforte tous les efforts que sa structure est en train de fournir pour l’indépendance de la justice.
Pour Souleymane Téliko, ‘’c’est par l’engagement collectif et individuel des magistrats, mais également par celui de tous les citoyens que nous pourrons faire avancer la cause de la justice’’. Soulignant que l’indépendance de la justice, ‘’ce n’est pas l’affaire des magistrats et acteurs de la justice’’, le président de l’Ums ajoute que ce n’est pas non plus ‘’un confort pour les magistrats, mais c’est une garantie d’une bonne justice et de protection des libertés pour les citoyens’’.
‘’Système judiciaire pernicieux’’
S’inscrivant dans la même logique que le président de l’Ums, Me Assane Dioma Ndiaye estime qu’il est impératif de ne plus laisser les magistrats seuls au charbon, au risque d’exposer certains. D’où l’implication de la société civile, mais également de la presse qui va surtout servir de relais. Pour cette mission, Makhaly Ndiack Ndoye, Président de l’Ancj, a invité les acteurs de la justice à former les journalistes pour mieux jouer leur rôle de vulgarisateurs. Dans la foulée, le président de la Lsdh a expliqué que la Pascij va agir de façon concrète pour que les propositions faites pour l’indépendance de la justice, et sur lesquelles il y a consensus, soient adoptées.
En fait, Me Ndiaye ne comprend pas pourquoi celles-ci tardent à être concrétisées. ‘’On a senti que l’Etat ne semble plus être disposé à les appliquer’’, déplore-t-il. Au-delà de ces propositions, l’avocat estime que ‘’les magistrats sont victimes d’un système judiciaire pernicieux du régime de Macky Sall’’. A l’en croire, celui-ci a battu le record, en termes d’affectation de juges, à la suite d’un verdict défavorable à son régime et de démissions de magistrats en pleine audience. ‘’Pendant le procès Karim Wade, le procureur Alioune Ndao a été démis de ses fonctions en pleine audience. Le juge Amadou Yaya Dia a dû démissionner, lui aussi, en pleine audience. Ce qui ne s’est jamais produit au Sénégal’’, souligne-t-il. Et de poursuivre : ‘’Il y a aussi des magistrats qui ont rendu des décisions plus ou moins défavorables à l’Etat et ont fait l’objet aussitôt d’affectation. Le juge qui a relaxé Aïda Ndiongue en chambre correctionnelle est là pour illustrer ce cas.’’
Et ces actes illustrent, à son avis, l’absence d’indépendance. ‘’Ils ne peuvent pas être indépendants si, après une décision, ils encourent des risques. Cette éventualité du risque n’est pas acceptable. Le magistrat doit pouvoir juger en toute quiétude, sans encourir une quelconque sanction, car il juge selon la loi, les moyens qui lui sont produits et sa conscience’’, fulmine le défenseur des Droits de l’homme. Qui reproche aux procureurs d’être sélectifs dans les poursuites.
Audition des candidats présidentiels en vue
Comme pour conforter Me Assane Dioma Ndiaye, Souleymane Téliko a souligné qu’on ne peut pas tomber dans un relativisme absolu, en disant qu’il y a une indépendance de la justice au Sénégal. Car, argue-t-il, ‘’il y a un principe universel reconnu dans tous les Etats de droit et sans lequel une indépendance ne peut pas être considérée comme effective’’.
Selon ses explications, il est ressorti des réflexions de ses collègues que les garanties des principes d’inamovibilité du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) ne sont pas effectives. Ainsi, le défi, pour l’Ums, ‘’c’est d’avoir un système judiciaire fort à l’abri de toute ingérence politique’’.
Justement, c’est à ce titre que la Pascij entend poser comme première action l’audition de tous les candidats présidentiels pour décliner leur programme pour la justice. Mieux, le coordonnateur Babacar Bâ précise qu’ils signeront un engagement pour le respect de leurs promesses.
FATOU SY