Publié le 13 Aug 2013 - 22:20
INFRASTRUCTURES - CONSTRUCTION D’UNE ARÈNE NATIONALE AU TECHNOPOLE

Des Pikinois protestent contre le projet

Les populations de Pikine ont affirmé leur opposition au projet de construction d'une arène nationale au Technopôle et cela, pour de multiples raisons.

L'une des vieilles doléances des amateurs de la lutte, à savoir la construction d’une arène nationale, va bientôt voir le jour. Les autorités étatiques, avec le soutien des Chinois, ont décidé de réaliser l'infrastructure sur le site du Technopôle, sis à l’entrée de Pikine (banlieue dakaroise). Le Ministère des Sports et ses partenaires ont même effectué une visite de terrain la semaine passée. Mais une grande partie des Pikinois a montré son désaccord face à un tel projet. Ils craignent surtout une recrudescence de la violence, l'augmentation du taux de chômage et la passivité de la jeunesse. Pour Mouhamed Ndiaye, le site du technopôle devrait accueillir d’autres structures sociales de base plutôt qu'une arène nationale. ''Personnellement, j'ai des soucis sécuritaires. Vous êtes censé savoir que la banlieue est constituée d’une population jeune. Donc, l’érection de cette arène nationale va pousser ces jeunes à s’adonner davantage aux agressions, à ne plus s’intéresser à leurs études. Cela risque d'aggraver la pauvreté car les gens ne vont plus travailler ni étudier mais vont se concentrer uniquement sur leurs activités au sein de cette arène nationale’’, a argué cet étudiant en master à la Faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) trouvé à Pikine Tally Boubess. Selon lui, cette arène n’est pas bien pour la banlieue et ne fera pas avancer sa localité. ''La banlieue a plus besoin d’infrastructures culturelles, éducatives, des centres de formations sur les métiers de l’avenir, etc. Avec cette arène nationale, nous vivrons d’autres difficultés, notamment avec la proximité de l'autoroute à péage, le blocage de la circulation. Demander aux populations riveraines des stades Demba Diop et Iba Mar Diop ce qu’elles endurent lors des combats. Elles vivent le bordel à cause d’une foule surexcitée qui vole, agresse. Pourquoi ne pas la construire à Bargny ou à Rufisque ?’’, s’est-il interrogé.

 

''Manifester pour préserver un patrimoine écologique''

Ibrahima Diop, responsable dans une ONG internationale de la place, abonde dans le même sens. ''Actuellement, nous subissons de plein fouet les dérives de l’insécurité à Pikine, peste cet habitant du quartier Crédit foncier. Donc construire une arène serait une manière de jeter de l’huile sur le feu. À Pikine, nous avons toujours revendiqué des infrastructures et les autorités ne se sont jamais souciées de nous ; et maintenant que cette arène est rejetée par tous, on veut nous l'imposer''. ‘’Nous disons non, on ne veut pas de cette arène, surtout dans un endroit aussi sensible que l’entrée de Pikine. Imaginez ce qui peut se passer sur l’autoroute à péage avec la violence qui sévit après les combats ; les agresseurs peuvent l’envahir pour dicter leurs lois. Nous sommes bien placés pour juger de l’opportunité de cette arène ou non, parce que nous rencontrons des problèmes de sécurité et au quotidien avec le stade Alassane Djigo'', a-t-il ajouté, pensant que cet espace pourrait servir à autres choses comme une école, un poste de santé. M. Diop menace de se faire entendre : ''Nous allons prendre toutes les dispositions et manifester notre mécontentement face à une pareille déconsidération car cet endroit (le Technopôle) est également un lieu écologique ; nous avons grandi en profitant de la verdure de 'Dex meew' (NDLR : un site qui attire les enfants de Pikine avec son marigot). C’est un patrimoine à conserver et tous les projets qui devaient y être construits devraient s’inscrire dans une trajectoire de préservation de ce trésor vert. Oui pour des jardins, pour permettre aux Pikinois exposés au gaz carbonique des voitures de profiter de l’air pur. Non à une arène nationale''. Le combat s'annonce dur pour la défense d'un tel argument.

 

''Oui mais...''

Si certains sont contre l'érection de l'arène nationale sur le site du Technopôle, d’autres en revanche, bénissent une telle initiative. Serigne Maye Amar, trouvé à Pikine ICOTAF, laisse éclater sa joie rien qu'à entendre parler de l'imminence de l'infrastructure. ''Je suis pour ce projet et à 100% car le site est le plus spacieux de la région de Dakar qui n’a plus de place libre pour abriter une arène nationale. C’est pour cela qu’il y a toujours des incidents après les chocs des gladiateurs. Avec cette arène sise à Pikine, on va voir moins de violence dans la lutte parce que chaque supporter, après le combat de son lutteur, peut rentrer tranquillement et sans accrochage, vu sa position géographique'', a-t-il expliqué. Selon ce maçon et inconditionnel de l'As Pikine (club de foot de la banlieue), l’heure est venue de dépasser cette situation où le même stade doit abriter les combats de lutte et les matches de foot. ''La lutte est un sport particulier qui exige son propre terrain. D’ailleurs, avec la séparation des lieux, c'est-à-dire quand on luttera dans une arène et qu'on jouera au foot sur un terrain de foot, vous allez voir qu'on va gagner de nouvelles coupes car les lutteurs ont miné les stades de football d’arsenaux mystiques. Et avec la construction de cette arène nationale, chaque sportif aura son propre stade. La violence dans l’arène va chuter, contrairement à ce que pensent d’autres qui sont contre ce projet'', a-t-il conclu. La dame Absatou Hann, habitante de Cité police, est vendeuse de cacahuètes. Elle aussi approuve le projet mais avec des conditions. ''Si cela entre dans le cadre du développement de notre sport national qui est la lutte, je suis preneuse. Mais il faudra que les autorités prennent en charge l’aspect sécuritaire ; elles ne doivent pas le négliger. Sinon, les riverains de la cité Lobat Fall qui sont en face du Technopôle vont vivre le calvaire lors des combats de lutte'', a-t-elle mis en garde.

Espérons que les autorités auront noté les revendications des populations de Pikine avant la pose de la première pierre prévue d’ici à 6 mois, selon le ministre des Sports, Mbagnik Ndiaye. Cette arène nationale de 20 000 places va être construite sur une superficie de 7 ha, elle aura aussi en son sein un site d'hébergement, d’autres salles de sports, des bureaux, etc. L'infrastructure devrait être livrée en 2016.

 

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