Publié le 17 Sep 2021 - 23:35
INVESTITURES AU SEIN DE BBY

Le jeu d’échecs

 

Les prochaines investitures au sein de Benno Bokk Yaakaar risquent d’entrainer de vifs remous au sein de la majorité présidentielle et constituer un vrai casse-tête pour la Conférence des leaders de la coalition dirigée par Macky Sall. Le chef de l’Etat, qui doit combler les désirs de ses camarades au sein de l’APR, doit aussi ménager ses alliés traditionnels (PS, AFP, LD), mais aussi ses nouveaux alliés comme Rewmi, UCS, Osez l’avenir. Même s’ils affirment tous s’inscrire dans une dynamique unitaire au sein de BBY, le mode de scrutin du maire au suffrage direct aiguise les convoitises et les ambitions de toutes les composantes du camp présidentiel qui entendent tirer leur épingle du jeu de cette partie d’échecs. 

 

Les investitures au sein de Benno Bokk Yaakaar (BBY) risquent d’être un vrai casse-tête pour la Conférence des leaders de la coalition dirigée par Macky Sall.  L’attitude du chef de l’Etat sera au cœur de tous les regards et attentions. Le patron de la majorité présidentielle doit brider les ambitions hégémoniques de ses propres troupes ‘’apéristes’’, contenir les frustrations des alliés, sans pour autant oublier de rassurer les ‘’nouveaux alliés’’ dans la majorité élargie. Ce jeu d’équilibriste est d’autant plus difficile que les Locales risquent d’être une foire d’empoigne et un choc des ambitions inhérentes à chaque politicien.

En outre, le mode de scrutin direct pour l’élection du maire de la commune ne laisse pas de place à de probables tractations qui auraient donné du temps aux responsables de BBY et à Macky Sall d’arbitrer et d’atténuer les conflits au sein de la majorité. Sur ce, les investitures soumises à l’appréciation de Macky Sall, chargé de proposer les candidats de la coalition dans chaque localité du pays, s’annoncent comme un épineux jeu d’échecs.

Selon plusieurs informations, pour éviter toute friction au sein de BBY, Macky Sall pourrait décider de maintenir les candidats sortants, qu’ils soient de l’APR ou des partis alliés, dans leurs localités. Ainsi, le président Macky Sall pourrait mettre un glacis sur les investitures dans certaines zones et éviter des batailles fratricides au sein de la majorité.

Si cette posture peut faciliter les investitures et de nombreuses querelles internes, elle peut aussi constituer une porte de salut pour les alliés de l’APR désireux de mettre fin à l’appétit insatiable ‘’des marron-beige’’.

Cette décision qui est à l’étude pourrait aussi permettre de conserver l’assise locale de quelques bastions alliés, notamment à Notto Diobass avec Alioune Sarr (AFP), à Golf-Sud avec Aida Sow Diawara (PS), à Podor avec Aïssata Tall Sall (Osez l’avenir), à Dagana avec Oumar Sarr (Parti des libéraux et démocrates/And Suqali).

Le chef de l’Etat devra faire preuve de ses capacités de négociation et de persuasion pour calmer les troupes ‘’apéristes’’ désireuses de s’accaparer des fiefs alliés. La volonté de peser dans l’appareil de l’APR, de truster les postes de nomination ou de consolider les acquis sont de puissants leviers qui vont inévitablement conduire à la course effrénée vers les investitures pour les Locales.

Comme lors des précédentes élections locales, la tentation sera grande de courir le risque de braver les directives présidentielles pour présenter sa candidature, étant assuré de récolter les dividendes en cas d’élection.  

Avoir une légitimité à la base est un gage de promotion dans la galaxie marron-beige. Cela, tout le monde l’a compris au sein de BBY. D’où la détermination des uns et des autres à se tailler un fief, afin de peser politiquement sur le plan national et de se voir récompenser par le chef de l’Etat par des nominations à des postes ministériels ou directoriaux.

Ainsi, les leviers de pression du chef de l’Etat (nomination à des postes dans la haute administration et dans les grandes entreprises parapubliques) risquent de ne pas faire le poids face aux enjeux pour le contrôle des mairies de Dakar, Kaolack, Saint-Louis et Guédiawaye. Les duels fratricides susceptibles d’opposer Amadou Ba à Abdoulaye Diouf Sarr pour la ville de Dakar ; Seydina Fall Bougazelli à Aliou Sall à Guédiawaye, Mariama Sarr à Aminata Touré à Kaolack et Marie Teuw Niane à Mansour Faye à Saint-Louis s’annoncent destructeurs pour le camp présidentiel. 

Le contrôle de ces grandes villes pourrait constituer un tremplin dans la grande bataille de positionnement pour la succession à Macky Sall en 2024. L’exacerbation de ces conflits pourrait aboutir à un affaiblissement du camp président au profit d’une opposition coalisée (Yewwi Askan Wi et coalition du PDS). ‘’Nous attendons la Conférence des leaders de la coalition qui devra se tenir prochainement. Les camarades attendent les orientations issues de cette réunion. Nous contrôlons la majorité des 557 communes que comptent ce pays. On a une expérience des investitures depuis 2012. Nous sommes confiants quant à la bonne conduite de ces investitures’’, déclare Pape Mahawa Diouf, porte-parole de la cellule de communication de BBY.

Désirs d’unité et velléités d’indépendance des ‘’nouveaux alliés’’ de la grande majorité

L’autre casse-tête pour la majorité présidentielle est la gestion des nouveaux ralliements. Il faudra tenir compte de l’Union des centristes du Sénégal (UCS) d’Abdoulaye Baldé, de Rewmi d’Idrissa Seck, d’Osez l’avenir d’Aissata Tall Sall, du parti LDR/Yessal de Modou Diagne Fada et du Parti des libéraux et démocrates/And Suqali (PLD/AS) d’Oumar Sarr, entre autres. Ces formations à la tête desquelles on retrouve des personnalités politiques de premier plan, ont déjà annoncé, pour l’essentiel, le désir de s’inscrire dans la dynamique de Benno Bokk Yaakaar.

Sur cette même lancée, Abdoulaye Baldé, leader de l’UCS, a réaffirmé son ancrage à la majorité présidentielle. Il a dit être à l’écoute de la Conférence des présidents de la coalition de la majorité sur sa candidature pour un autre mandat, de même que Modou Diagne Fada.

Toutefois, prévient Mamadou Dionne, Coordonnateur des cadres de l’UCS, ce compagnonnage doit prendre en compte les intérêts spécifiques du parti dans le maintien de ses positions sur le plan local.  ‘’Nous pensons que certains de nos profils et candidatures sont une demande locale. On essaiera de les positionner pour que Benno les porte au niveau local. Notre souhait est d’éviter des tensions au sein de Benno. Le mot d’ordre est de travailler à la cohésion de Benno. Mais dans le cas de Ziguinchor, il y a un candidat de la majorité présidentielle qui a fait ses preuves en termes de bilan et de leadership depuis plusieurs années. Ce candidat n’est autre qu’Abdoulaye Baldé’’, souligne le responsable politique à Sam Notaire.

L’arbitrage du président Macky Sall comme panacée contre les divisions

En outre, la volonté de faire monter les enchères pour les nouveaux alliés dont le capital survie au sein de la majorité repose sur leur capacité à conserver leurs bastions respectifs, les pousse à la prudence sur cette question. ‘’Nous sommes à l’écoute des négociations entre les différentes parties prenantes de la coalition. Nous sommes en phase avec le président et nous sommes sûrs de trouver des convergences pour renforcer la majorité présidentielle’’, souffle Ass Babacar Guèye, Secrétaire national de Rewmi chargé des élections.

D’après le responsable politique, les divisions entre APR et Rewmi dans la ville et le département de Thiès qui risquent de s’intensifier à l’approche des investitures, ne sont pas encore d’actualité. Pour l’heure, le président Idrissa Seck compte renforcer son compagnonnage avec Macky Sall, que ce soit au sein de Benno ou dans une autre appellation.  ‘’Nous n’en sommes pas encore là. Les concertations se feront entre leaders et chacun a eu à s’informer au niveau de sa base pour avoir une cartographie nette de la situation politique sur le terrain. Nous n’allons pas faire des choses qui vont fragiliser la grande alliance, quel que soit son nom, Benno Bokk Yaakaar ou grande majorité’’, ajoute-t-il.

La volonté de survivre au sein de la majorité et dans la perspective de l’élection présidentielle de 2024, fait de ces ‘’nouveaux alliés’’ des éléments qui peuvent être difficiles à subordonner ou à assimiler au sein de l’APR. Ces leaders, qui comptent bénéficier de la base militante de BBY et de sa puissance financière, restent jaloux de leur indépendance. Ainsi, Idrissa Seck et Cie entendent toujours poursuivre leur propre agenda dans l’optique de peser sur les futures orientations de la mouvance présidentielle, lors des Législatives de juillet 2022 et plus tard de la Présidentielle en 2024.  

Makhfouse NGOM

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