Le jazz revit au Djolof

À l’occasion de la Journée internationale du jazz, le restaurant Djolof a accueilli une soirée exceptionnelle, rythmée par la richesse des sons et la magie de la musique live. Le groupe Jamm Jazz a offert au public une véritable expérience immersive, ouvrant la soirée avec des interprétations inspirées de morceaux emblématiques, notamment ceux du mythique Orchestra Baobab, de Lisa Simone, Awa Ly, John Coltrane et bien d’autres.
Le mercredi 30 avril dernier, était la Journée internationale du jazz. Dans ce cadre, le Jazz Djolof s’est imposé comme une expérience immersive où ont fusionné rythmes traditionnels et mélodies modernes. Dans une interprétation envoutante, le groupe Jamm Jazz a transporté le public à travers des sonorités riches et un rythme maîtrisé, digne des grandes heures du jazz. Sa prestation, tout comme la voix captivante de l'interprète Joëlle Claude, résonne encore dans les mémoires. Elle a offert un moment de pur bonheur, où le jazz a repris sa place de langage universel des émotions. Le morceau "Wolseut", datant des années 80, mais ressorti il y a une dizaine d'années, a électrisé le public. Mélange de tambour, guitare, batterie et piano, il a incarné un style de jazz à la fois ancien et intemporel, qui a entraîné les corps et les cœurs. Ce jazz qui fait danser, a été celui de Lisa Simone, Awa Ly, John Coltrane ou encore l’Orchestra Baobab, figures qui continuent d’inspirer la scène contemporaine.
Après la scène place à un débat qui a placé le jazz dans son entièreté. Les défis et la négligence des artistes de jazz sont des points qui ont été abordés.
Dans ce sens, le journaliste Alioune Diop est revenu sur la pertinence de ce panel et la nécessité de parler de cette thématique. ¨Le point clé, c'est qu'il y a une volonté de développer le jazz avec des promoteurs, des directeurs de festival. Mais il y a de fausses notes sur le plan promotionnel. Il n'y a pas assez d'émissions de radio ou télé consacrées au jazz. Il n'y a pas assez d'espaces de diffusion de jazz, pas assez d'albums de jazz¨, déplore-t-il.
Selon lui, c'est à la limite propre à tous les pays africains, que ça soit le Bénin, le Cameroun, le Togo, le Cap-Vert, le Maroc, le Mali. Tous ces pays, selon lui, ont le même problème. Malgré tout, constate le journaliste culturel de Radio Sénégal international, le jazz africain ne se résume pas à une nostalgie du passé. Il vit, il évolue et se forme. ¨Au Togo, des journalistes apprennent à rédiger des critiques musicales spécialisées. À Bamako, des femmes sont formées aux techniques de son et lumière lors du festival de jazz¨.
En effet, à travers ces initiatives, il semblerait qu’il y ait un renouveau qui s’organise lentement, mais avec conviction, s'est-il réjoui.
Pourtant, lors de la conférence, des constats alarmants ont été soulevés par le journaliste Michael Soumah et l’artiste acteur général de musique, Moustapha Diop. Ils ont souligné que le jazz souffre d’un manque d’espaces de diffusion, d’albums produits, de producteurs engagés. ¨Nous avons des espaces de diffusion limités, un manque d'émissions radiophoniques et télévisuelles, absence aussi d'albums. Ce qu’on doit faire, c’est se retrouver, se regrouper, peut-être en association¨, d’après Moustapha Diop.
Au Maroc, ajoute-t-il, il y a une association de festivals de jazz où les artistes de jazz se retrouvent pour défendre leurs intérêts ou mieux encore leur bien-être commun, leur intérêt commun, c'est-à-dire développer le jazz. “Quand je parle de regroupement, il y a les musiciens de jazz, les promoteurs de jazz, les directeurs de festival, tous les corps de métier qui tournent autour du jazz”, explique-t-il en insistant.
Des perspectives pour changer la donne
Des voix comme celles de Michael Soumah, journaliste à Dakar FM s’élèvent pour défendre le jazz comme un patrimoine vivant à transmettre et à démocratiser. Pour lui, il est urgent d’adopter une politique culturelle forte. En passant par la radio. “Il faut plus de jazz à la radio, à la télévision et dans les bacs. Il faut sortir le jazz du ghetto musical, le rendre accessible, l’enseigner dans les écoles”.
Monsieur Soumah a, en outre, soumis l’idée d’une caravane jazz dans les établissements scolaires. Une initiative lancée par Djam-Off, pour aller vers les jeunes et semer la graine d’une musique trop souvent ignorée.
De l'avis de Michael Soumah, il y a deux façons de jouer du jazz pour toucher les cœurs et pour toucher les notes. Selon lui, il faut éduquer le public, la création d’émissions, l’usage stratégique des réseaux sociaux pour que le jazz soit consommé, partagé, aimé. “Contrairement aux États-Unis ou à l’Afrique du Sud, où l’église et le gospel ont permis au jazz de s’ancrer profondément dans la culture populaire, en Afrique de l’Ouest, il reste marginal”.
Selon lui, il est temps de porter le produit vers le public, de plaider pour sa réinvention.
Les jeunes, ajoute l'animateur, doivent s'approprier le jazz et accepter d'apprendre des anciens. Pour ce faire, l'école et les réseaux sociaux peuvent être des leviers essentiels. “Si la musique entre à l'école, il y aura de la place pour le jazz, comme il y aura de la place sur Tik Tok ; ce serait bien pour leur intelligence. Mais si on abrutit les jeunes à un type de musique, un type de raisonnement, ce n’est pas bon pour leur éveil. Ce que l'autre a fait, il n'y aura pas de créativité et c'est ça le danger¨, a-t-il souligné. Une réinvention pour mieux partager.
Enfin, l’on peut faire la promotion des musiciens africains de jazz une clé de voûte. Il faut former des musiciens pour le jazz, pour renouveler les scènes, enregistrer des albums, écrire l’histoire musicale du continent en lettres d’or. Le jazz est bien la "maman de toutes les musiques" et c’est en le reconnaissant comme tel que nous pourrons lui donner l’avenir qu’il mérite.
Thécia P. NYOMBA EKOMIE