Les populations situées le long de la frontière ciblées

Les mutilations génitales féminines, dont l’excision, sont internationalement reconnues comme étant une violation des droits humains. Au Sénégal, en particulier dans la région de Kolda où le phénomène est le plus répandu, de nombreuses filles subissent ces pratiques chaque année, sans compter celles qui risquent d’en être victimes, malgré les multiples campagnes de sensibilisation sur les effets néfastes de cette pratique ancestrale. Pour y remédier, les championnes communautaires apportent leur contribution afin de convaincre les parents et les exciseuses situées le long de la frontière d’abandonner cette pratique néfaste.
Salkégné, une commune située à la frontière sénégalo-bissau-guinéenne, a été, cette semaine, le théâtre d’un dialogue inédit entre mères et filles sur un sujet aussi sensible que crucial : l’excision. Cette initiative a été portée par les championnes communautaires du centre-conseil pour adolescents coordination (CCA) de Kolda, en partenariat avec l’ONG Amref. Cette rencontre a permis de lever le voile sur une pratique ancestrale qui continue de résister au temps, notamment dans les zones rurales et transfrontalières.
C’est dans un climat d’écoute, de respect et de vérité que les échanges, encadrés par des femmes leaders de la communauté, ont favorisé une parole libérée sur les conséquences physiques et psychologiques de l’excision. Ce dialogue intergénérationnel a offert aux jeunes filles un espace sécurisé pour s’exprimer et aux mères une opportunité d’interroger certaines pratiques culturelles transmises depuis des générations.
‘’À Kolda, dans la partie sud du Sénégal, l’abandon de l’excision se heurte à un obstacle majeur lié à la porosité des frontières’’, explique l’un des organisateurs, qui déclare : ‘’Les souteneurs de cette pratique contournent souvent les lois en traversant la frontière pour y faire exciser les filles, perpétuant ainsi un rite jugé néfaste par les acteurs de la santé et des droits humains.’’
Face à ce défi, la stratégie du dialogue mère-fille s’impose comme un outil puissant de sensibilisation. ‘’En mettant les familles au cœur de la discussion, on touche directement les racines de la pratique’’, souligne une participante. Cette approche permet non seulement de déconstruire les tabous, mais aussi de promouvoir une prise de conscience collective et durable.
L’abandon de l’excision est un long combat
L’objectif affiché est clair : mobiliser les communautés rurales pour un abandon progressif et définitif de l’excision.
À Salkégné, les premiers échos de cette campagne sont encourageants. Des femmes, touchées par les témoignages de leurs propres filles, ont exprimé leur volonté de rompre avec le passé.
Ce dialogue, bien plus qu’une simple discussion, marque une avancée significative dans la lutte contre l’excision dans la région de Kolda. C’est une étape de plus vers un avenir où les filles pourront grandir sans mutilations, dans la dignité et le respect de leurs droits fondamentaux.
Les championnes communautaires prônent, depuis plusieurs mois, une approche holistique qui englobe des actions de prévention, mais aussi des interventions sur l’environnement juridique, les systèmes communautaires, l’éducation, les systèmes de santé et la recherche. Ce travail requiert des efforts systématiques et coordonnés entre plusieurs acteurs, dont la société civile et les autorités locales et nationales. Il est nécessaire d’impliquer toutes les parties prenantes au sein des communautés et de favoriser le dialogue social, tout en répondant aux besoins en matière de santé sexuelle et reproductive des femmes et des filles qui en souffrent.
Elles soulignent également qu’il est essentiel de reconnaître que, bien que l’excision présente des dangers pour la santé et le bien-être des filles et des femmes qui en sont victimes, cette pratique est enracinée dans des normes sociales traditionnelles qui varient selon les régions où elle persiste.
Fort de ce constat, ces championnes communautaires s’engagent à éradiquer cette pratique néfaste d’ici quelques années. ‘’Nous savons que le chemin est long, mais qu’ensemble, et avec des rites alternatifs de passage, nous pouvons y parvenir’’, soutiennent-elles.
NFALY MANSALY