Les malades crient leur désarroi
Les personnes qui souffrent de la drépanocytose vivent le martyre et ont l’impression d’être laissées à elles-mêmes. Alors que la maladie tue et que son traitement est très coûteux. Elles s’insurgent contre leur abandon par les décideurs et réclament une politique de santé pour prendre en charge cette pathologie.
‘’On a mis en place l’association en 2003. Aujourd’hui, nous fêtons nos 20 ans de souffrance, de galère, de sollicitude vécues avec nos familles, notre maladie. Depuis 20 ans, on est dans l’attente d’une politique de santé qui peut créer un déclic dans nos vies. Vingt ans de cherté des médicaments, des coûts d’hospitalisation, mais aussi et surtout 20 ans d’inexistence de programme capable d’aider les malades drépanocytaires’’, a dénoncé, hier, le président de l’Association sénégalaise de lutte contre la drépanocytose et drépanocytaire de forme SS. Maguèye Ndiaye prenait part à la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la drépanocytose.
Il réclame un dispositif qui permet de diminuer le coût de l’hospitalisation, des tickets ou encore des médicaments. ‘’Vraiment, ces 20 ans qu’on a vécus ici, en tant que drépanocytaires, c’est dur. Les attentes, il faut, au-delà de l’audience, faire dans la matérialisation. Nous aimerions rencontrer les autorités, mais ce qui est plus urgent, c’est de mettre en place un programme défini avec des paquets qui permettent à chaque patient, que ce soit à la pédiatrie ou l’adulte, de trouver une aide consensuelle qui lui permettra d'accéder directement et facilement au traitement. Parce que le coût de la prise en charge est très cher. Dans les programmes, on ne parle pas de la drépanocytose et c’est dommage’’, se désole M. Ndiaye.
L’autre problème des personnes qui souffrent de cette maladie est lié aux statistiques. D’après M. Ndiaye, les chiffres, c’est un calvaire. ‘’Il faut qu’on parvienne à recenser tous les malades. On parle de 8 à 10 % de la population, depuis qu’on est là. On s’appuie, des fois, sur les cohortes dans les consultations, mais il faut une étude approfondie qui démontre les chiffres réels. Le problème qui se pose, c’est que tant qu’on n’aura pas une maitrise des données, on ne pourra pas savoir comment agir et quel levier activer. Et pour le faire, il faut que les gens comprennent où se trouvent la préoccupation ou les préoccupations liées à la maladie. Il y a lieu de préciser que nous, nous sommes plus concernés par les formes graves, à savoir les SS. Ce sont des formes que nous vivons et ce sont des préoccupations qui sont là et qui nécessitent des interventions avec de gros moyens. Ce que des malades n’ont pas. Ils vivent difficilement avec la maladie’’, indique-t-il.
Venu représenter la ministre de la Santé et de l’Action sociale (MSAS), le directeur de la lutte contre la maladie a rappelé que la drépanocytose est la maladie génétique la plus répandue dans le monde. ‘’C’est une préoccupation majeure et malheureusement une maladie qui fait partie de ce qu’on appelle les maladies chroniques à fins coûteuses. Nous avons aujourd’hui fait beaucoup d’efforts dans le domaine des maladies non transmissibles de manière générale et particulièrement dans la drépanocytose. C’est d’abord l’ouverture de centres de prise de charge spécialisés au niveau du CNTS (Centre national de transfusion sanguine), comme au niveau de l’hôpital Albert Royer. C’est aussi l’intégration de la drépanocytose dans le Plan d’accélération de lutte contre les maladies non transmissibles qui vient d’être lancé. C’est aussi la confection de guides de prise en charge pour former le personnel de santé. Mais c’est également et surtout la mise à disposition d’une certaine norme de médicaments au niveau de la liste essentielle de la PNA (Pharmacie nationale d’approvisionnement)’’, a plaidé le Dr Moustapha Diop.
Absence de statistiques et mortalité préoccupante
Toutefois, il reconnait qu’il y a des défis à relever, malgré les importantes réalisations de l’État dans le cadre de la lutte contre cette maladie. ‘’Le premier, c’est la communication, parce qu’il faut reconnaitre que c’est une maladie certes connue par les agents de santé, mais très peu connue de la population. C’est aussi le défi lié au diagnostic précoce, à la prise en charge adéquate dans tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Nous sommes conscients de ces défis. C’est pourquoi le MSAS a pris l’initiative d’intégrer la drépanocytose dans les maladies non transmissibles par rapport à la définition de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), mais également, nous avons un plan d’accélération où la drépanocytose occupe une place très importante. L’autre aspect que nous avons bien noté est qu’on a bien entendu le cri du cœur du président de l’association que nous comprenons et que nous allons porter auprès de madame la ministre pour que, dans les meilleurs délais, une audience leur soit accordée et des actions soient prises pour soulager les drépanocytaires au Sénégal’’, a-t-il promis.
Par ailleurs, il a reconnu que la drépanocytose fait partie des maladies pour lesquelles on n’a pas encore de chiffres. ‘’Jusque-là, nous nous basons sur des estimations, mais l’information que je voulais donner est que le ministère de la Santé prépare l’enquête Step et que l’une des particularités de cette enquête de 2023, c’est l’intégration des maladies comme la drépanocytose. Nous aurons la possibilité d’avoir des données objectives, non seulement au niveau national, mais au niveau des régions. Cette question de prévalence va être réglée avec cette enquête. Également, nous avons la volonté d’accompagner l’association et de poser des actes concrets pour accompagner les malades. Il y a une cohorte de 700 mille malades au Sénégal et, chaque année, deux mille enfants naissent avec la maladie et il y a une mortalité assez préoccupante. Il y a aussi une subvention aux maladies non transmissibles qui est passée de 300 à 600 millions’’, indique le directeur.
CHEIKH THIAM