Conquérir le pouvoir n’est pas le problème, servir le peuple est plus difficile
« Cet homme, ayant acquis un champ avec le salaire du crime, est tombé, s'est rompu par le milieu du corps, et toutes ses entrailles se sont répandues. » Actes 1, 18
En démocratie la conquête du pouvoir n’est pas si difficile que ça : les démagogues, les lobbyistes et les nazis ont toujours réussi à se faire élire. Le plus difficile est dès lors : quel usage faire du pouvoir une fois qu’on l’a conquis ? La précarité de la démocratie, malgré sa solidité institutionnelle, réside dans la menace permanente de rechute et de perversion. La cas Trump est largement édifiant. Qui pouvait imaginer qu’au XXI e des illuminés souilleraient l’enceinte sacrée du Capitole pour défendre et chercher à imposer la réélection d’un Président battu démocratiquement ?
Le plus difficile pour un leader, dans une démocratie, c’est de redevenir citoyen ordinaire surtout lorsqu’on a gouverné dans l’arrogance, le mensonge et l’opacité. Le hasard n’existe pas, surtout dans le langage des hommes politiques : le fait intriguant est qu’il y a ces derniers temps des éléments de langage qui sont en train d’être instillés dans les consciences. Et par qui ? A quelle fin ?
Ceux qui trahissent le peuple et la Vérité pour gonfler leurs entrailles devraient méditer profondément cette parabole biblique en épigraphe. Par les traitres le destin se réalise malgré leur funeste entreprise : la ruse du destin est parfois cruelle. Elle dénude entièrement les traitres avant de les jeter en pâture à la vindicte des rats qui squattent les poubelles de l’histoire. La vie humaine est trop courte et l’histoire trop complexe pour s’attarder sur les piètres destins égoïstes. Au nom de quoi un intellectuel devrait mettre en péril la quiétude de son peuple pour assouvir les desseins d’un seul homme ?
Cette expression de la Bible est d’une préciosité extrême : « et toutes ses entrailles se sont répandues » ! Les hypocrites se cachent derrière des masques, mais ces derniers finissent toujours par céder. Les renégats cachent leur malfaisance et se paient une vie de luxe grâce à leur félonie, mais l’intérieur finit violemment dehors. Bey buniu peinture ni xar suné mbéé rek péxé dieex. Ce qui est clair pour le cas de Wade peut-il subitement devenir équivoque avec Macky ?
Ce qui empêche les sénégalais de travailler, ce n’est pas l’annonce d’une non-candidature, c’est plutôt la posture de l’âne de Buridan qui attend le moment propice pour savoir quelle décision prendre. Seul un Président faible peut assujettir la signification des lois aux caprices de la météo politique. C’est quoi une science qui devient muette lorsque la situation du scientifique change ? Où se trouve désormais la frontière entre la science et l’opinion ?
Le peuple vous a payé vos études, il vous a assuré des revenus honorables, il vous a payé pour écrire sa Constitution et, donc, à en connaître le SENS. Et vous, que faites-vous ? Vous vous déchargez sur le peuple alors que vous savez que votre parole pourrait lui servir de boussole. Tout le monde sait que sans les émeutes de 2012 Wade aurait probablement rempilé : il a été démocratiquement battu, mais à quel prix ? Vous voulez donc que le peuple aille encore mourir pour régler le problème du troisième mandat ? Combien d’innocents sacrifiés pour votre propre confort, votre sécurité institutionnelle ? Qui est assez dupe pour ne pas voir que ce discours fait partie des éléments de langage (EDL) qu’on est en train de répéter à satiété pour habituer aux oreilles du peuples une future « évidence » ?
Alassane K KITANE