‘‘Si cette facture est si élevée, c’est parce que...’’
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Il y a la bataille juridique, et la bataille de l’opinion. L’édile de la capitale l’a tellement bien compris qu’il a tenu à réagir aux propos du procureur sur les factures exorbitantes de la Ville de Dakar.
Une précision de taille que le maire de Dakar a tenu à apporter. ‘‘Je suis un homme public, c’est pour l’opinion. Je veux apporter des éclairages sur l’intervention du procureur sur les factures d’électricité de la Ville de Dakar’’, lance le prévenu Khalifa Sall. Protestations du maître des poursuites, Serigne Bassirou Guèye, qui réfute avoir commenté, insinué, ou subodoré une quelconque exagération sur la mensualité de ‘‘235 millions pour les communications téléphoniques’’, en posant une question à l’ancien percepteur de la mairie, Ibrahima Touré.
Le juge Lamotte tranche finalement après moult atermoiements. Khalifa Sall peut apporter des précisions. Le maire ne se prive pas pour apporter des précisions : ‘‘A la ville, les factures sont gescomptées depuis 2009. Ni le maire, ni les élus n’ont de ligne téléphonique personnelle. Les agents de la ville n’ont pas de ligne de téléphone portable payés par la Ville de Dakar. Si cette facture est aussi élevée, c’est parce que dans les écoles primaires, nous avons institué des ‘‘classes informatiques’’.
Il se trouve également que les feux tricolores sont interconnectés au réseau de la Sonatel. Tous ces paiements sont supportés par la Ville. C’est ce qui explique que les factures soient si élevées’’, précise le principal prévenu dans l’affaire de la caisse d’avance de la Ville de Dakar. Les consignes du juge ont été claires et fermes mais il n’empêche que l’assistance a montré des signes d’approbation dans une clameur qui a parcouru la salle au point que c’est Malick Lamotte lui-même qui a joué à la police en demandant l’expulsion d’un individu.
Déjà vu
La procédure a ronronné dans l’après-midi d’hier sur les précisions sur des pièces qui n’ont pas encore été discutées. Et les débats se sont enlisés, dans la majeure partie du temps, dans des termes techniques sur l’affectation budgétaire au point que le président Lamotte s’est senti à plusieurs reprises dans l’obligation de rappeler aux avocats de l’agence judiciaire de l’Etat qu’on n’allait pas reprendre un interrogatoire qui a déjà eu lieu la semaine d’avant.
‘‘Que l’on recentre les questions sur les débats complémentaires, sur des points précis. Autrement notre capacité d’écoute va être complètement...Il s’agit de faire confiance au tribunal. Nous sommes tous dotés de capacités d’absorption qui nous permettent d’appréhender tout ce qui se dit ici. Nous n’allons pas reprendre les interrogatoires à l’infini’’, a dû préciser le président Malick Lamotte face aux questions déjà évacuées dans les audiences précédentes qui revenaient sans cesse. Comme quand l’avocat de l’Etat, Me Baboucar, exige une précision sur l’expression ‘‘mis à la disposition du maire’’ en parlant des 30 millions mensuels retirés par Mbaye Touré et remis à Khalifa Sall. Ce dernier de se braquer : ‘‘Les fonds étaient mis à ma disposition, je n’en dirais pas plus.’’
La tactique pour les avocats de l’Etat résidait dans le désir d’établir des dysfonctionnements, malversations, mécomptes ou surfacturation dans la clé de répartition des dépenses budgétaires de la Ville. Me Baboucar Cissé a bien tenté de confondre le maire. D’abord en évoquant un sujet déjà évacué, le GIE Tabar, puis en lui opposant les déclarations d’un témoin à décharge, par ailleurs conseiller municipal, Ndiouga Sakho, sur une correspondance épistolaire dans laquelle un imam de Niary Tally confirme avoir reçu les deux millions de la mairie de Dakar pour des soins médicaux.
‘‘Sous quelle forme l’accord du maire a-t-il été fait à l’intéressé ?’’ s’interroge Me Cissé. Le maire de Dakar de lui asséner une réplique déjà servie. ‘‘Comme je l’ai dit avant, toutes les requêtes qui nous étaient faites étaient écrites ou orales. Si j’ai refusé de donner le nom et la nature de la pathologie, je ne vous donnerai pas le nom de l’intéressé.
On a juste donné une suite favorable à sa requête. C’est dans le ‘‘suturë’’ (discrétion) qu’on accède aux requêtes’’, se défend le maire de Dakar. Qu’à cela ne tienne, l’avocat revient à la charge. ‘‘Mais Ndiouga Sakho dit ne pas connaître l’existence d’une caisse d’avance et les conditions de son fonctionnement’’, poursuit-il. ‘‘Ce n’est pas étonnant. Ces fonds politiques n’ont jamais servi aux élus mais aux populations’’, réplique aussitôt le maire avant que le juge n’intervienne pour recadrer les termes du débat. ‘‘Il ne s’agit pas de reprendre l’interrogatoire. Si vous avez fini avec lui, c’est pour de bon’’, lance-t-il à l’avocat qui promettait à Khalifa un autre tour de questions.
Eclairage public
La convention de dettes croisées entre la Senelec et la Ville de Dakar a été l’autre flanc sur lequel Me Samba Bitèye a tenté de mettre le maire en difficultés. Un point sur lequel les trois autres coprévenus ont donné leur langue au chat. ‘‘Quel est l’état de paiement de l’éclairage public de la Ville de Dakar ?’’ demande finalement l’avocat au principal prévenu, après avoir fait chou blanc avec ses collaborateurs. L’édile dakaroise de dégager toute responsabilité. ‘‘Nous ne sommes en rien concernés par cette convention entre l’Etat du Sénégal et la Senelec. Aucune collectivité locale du Sénégal n’est concernée par ça. Depuis 2006, le paiement de l’électricité ne figure plus dans le budget.
Il n’y a plus de prévision pour ça.’’ D’après le maire, c’est cette année que Me Abdoulaye Wade a accepté de soulager les communes, sur demande de l’Association des maires du Sénégal, pour l’éclairage public et son prédécesseur a maintenu cette disposition. L’avocat qui tentait de prouver que la mairie restait devoir 27 milliards entre 2012 et 2018 s’est heurté aux dénégations catégoriques du maire avant que l’avocat de la partie civile (Ville de Dakar), Me Ousseynou Gaye, ne commence une intervention qu’il va finir aujourd’hui.
OUSMANE LAYE DIOP