“Civis romanum sum” (Je suis un citoyen romain !)
Karim Wade, par le truchement de ses avocats, a donc porté plainte… en France contre l’État du Sénégal pour ‘’détention arbitraire’’ ! C’est un comble, penseront certains, insensé, s’offusqueront d’autres. Selon moi, il s’agit de tout à fait autre chose : un aveu pur et simple. Or, comme on le sait, en matière ‘’criminelle, l’aveu’’ est réputé être ‘’la reine des preuves’’. C’est la preuve ‘’par 9’’ que l’on a tous connue en cours d’arithmétique au CM1 ou au CM2 : il n’y a plus rien à chercher et rien à ajouter sinon, lorsqu’on est au tribunal, à devoir entendre l’énoncé du verdict et à méditer sur le quantum de la peine que l’on aura à effectuer. C’est pourquoi l’initiative du jeune Wade et de ses conseils ne cesse pas que de m’interpeller : que sont-ils allés chercher dans une initiative de cette nature ? Le salut, le buzz, la liberté ? Je ne sais pas.
Mais je sais, par contre, que pour pouvoir faire passer encore M. Karim Meissa Wade comme un candidat possible à la Présidence de la République du Sénégal, c’est râpé et définitivement fichu ! Car notre constitution, notre loi fondamentale, celle qui nous gouverne actuellement, interdit et de manière formelle à tout binational la possibilité de se présenter à la Présidence de la République. Or en allant porter, devant les tribunaux français, plainte contre le Sénégal, Karim Wade ne fait que se comporter en bon citoyen hexagonal ‘’injustement incarcéré à l’étranger’’ ! Un peu comme les trafiquants ‘’d’Air cocaïne’’ par exemple emprisonnés à Saint-Domingue et avec l’espoir, peut-être, qu’un commando des forces spéciales pourrait bientôt l’extraire de Rebeuss avant que de l’exfiltrer vers la ‘’ métropole’’…
Tout le monde peut rêver … mais il faut rester sérieux. Karim Wade n’a rien d’un Julian Assange ou d’un Edward Snowden dont on parle beaucoup en ces temps-ci. Et l’on en parle parce que le même comité ou groupe de travail des Nations unies qui a eu à se prononcer contre notre pays à propos de la détention du fils Wade a eu à rendre une décision similaire à l’endroit du créateur de Wikileaks. Le parallèle est saisissant mais ce n’est qu’erreur d’optique ou mieux, dévoiement délibéré afin de tromper le monde.
La plupart des gens, en dehors des cercles dirigeants des États-Unis, de Grande Bretagne, de Suède et de l’Occident en général, ont la plus grande admiration pour le lanceur d’alerte suédois qui a mis à nu les pratiques invasives du renseignement américain dans l’intimité de tous et de chacun à travers leurs conversations téléphoniques ou autres. Jusques et y compris leurs alliés les plus proches et les plus fidèles comme Mme Merkel par exemple.
C’est vraiment vouloir insulter le genre humain que de chercher, par quelque bout que ce soit, à apparenter ou à apparier Karim Wade et Julian Assange. En ce qui concerne le premier et, à dire le vrai, cela me gêne et m’ennuie assez fortement d’avoir encore à parler de lui. Parce que ça fait beaucoup et qu’il n’est pas vraiment décent de s’acharner à toujours tirer sur une ambulance : ce n’est pas glorieux et je le reconnais sans peine. Mais, hélas, cela est nécessaire quelquefois !
Tant qu’à faire des comparaisons et à le vouloir à tout prix, ma préférence va, concernant Karim Wade, plutôt à Bernard Madoff qu’à Julian Assange. Car lorsque le second est considéré, par beaucoup, comme un bienfaiteur de l’humanité, le second passe pour le plus grand -je dirais-mystificateur de la fin du 20e siècle et du début du 21e siècle. On lui a payé son billet d’avion pour rentrer de Londres à Dakar et en 12 ans, au sec sous le parapluie de son président de père, sa fortune a dépassé, comme disait l’autre, tous ‘’les rêves de l’algèbre !’’ ‘’En quoi, particulièrement, consistait son talent, son inestimable génie : celui tout simplement d’être qui il était, c’est-à-dire le fils, et le seul, de son père ! Et, de ce point de vue, Bernard Madoff lui-même a eu plus de mérites qui doit tirer, malgré tout, plusieurs centaines d’années de prison, s’il se pouvait seulement qu’il puisse vivre jusque-là !
Or Karim Wade, sénégalais au Sénégal, en dépit de tout, est tombé sous le coup d’une loi sénégalaise à propos de son enrichissement, jugé illicite. Il a été poursuivi, convaincu et exécute actuellement la peine à laquelle il a été régulièrement condamné. C’est dur pour lui comme pour sa famille mais celle-ci n’avait qu’à ne pas le mettre dans la situation où lui seul aurait à répondre devant la loi.
Lui, le pauvre, n’était pas légalement irresponsable ainsi que la Constitution le précise s’agissant du Président et c’est pourquoi est-ce lui et lui seul qui paye ! Est-ce juste ? En un sens oui puisque même simple ministre, il avait plus de pouvoir que tout le gouvernement Premier ministre compris. D’autant plus qu’il était programmé pour devoir succéder à son père et jusqu’à ces jours-derniers, il pouvait encore continuer à caresser cet espoir. Mais à présent qu’il s’est prononcé et se soit proclamé à la face du monde, Français de France, Français-français en portant plainte en France contre la République du Sénégal même, cela est fini et bien fini !
Cicéron, avocat, homme politique mais écrivain de génie surtout a produit contre Verrès, gouverneur romain (propréteur, en fait) de Sicile une magnifique plaidoirie en faveur de Milon. Celui-ci était en butte, en dépit de sa citoyenneté romaine, qui le plaçait en dehors de la juridiction du gouverneur, à la voracité et à la haine de celui-ci qui le fit jeter en prison pour le dépouiller. En dépit de ses protestations et de l’immunité que son statut de citoyen romain lui procurait.
Sorti de charge, Verres fut cité à comparaître devant le tribunal de Rome ou Cicéron le fit condamner à la peine maximale. Pourquoi j’en parle ici ? Parce que Macky Sall n’est pas Verres ni le Sénégal la Sicile et encore moins Karim Wade Milon et Paris la métropole de Dakar. Cela est fini depuis le 4 avril 1960.
Et puis qui peut, dans cette affaire, voir Karim Wade comme un ‘’ Milon ‘’plutôt qu’un Verres ? Personne assurément, en dehors de ses avocats !