Paix et sécurité
Le Sommet de l’Élysée, comme cela se dit maintenant, que le président du Sénégal Macky Sall situe dans un tournant historique où près d’un milliard d’Africains constituent un des marchés les plus prometteurs, était voué à la Paix et à la Sécurité en Afrique. Mais comme nous l’avons vécu, les préoccupations économiques s’y sont vite invitées car non sans raison, le président Macky Sall y a relié la sécurité au développement économique et social.
Et en bon libéral, il a soutenu : «Nos besoins ne peuvent être entièrement satisfaits ni par l’Etat, ni par le privé, ni par l’aide publique au développement. Il faut une combinaison des trois pour y arriver.» Las ! Les impératifs qu’il décline sous ce rapport sont les nœuds gordiens de la société sénégalaise : l’Education, la formation et l’emploi des jeunes, la modernisation de l’agriculture, la distribution de l’électricité et la construction des infrastructures routières, maritimes et ferroviaires, notamment.
Il va de soi que les crises épisodiques du capitalisme n’épargnent pas les pays avancés au point de les contraindre à des mesures autoritaires sinon même antisociales comme l’expropriation massive de près d’un million de citoyens qui ne pouvaient honorer leurs hypothèques bancaires. Les pays de notre continent doivent donc se faire une raison que les problèmes sociaux et économiques auxquels ils sont confrontés sont de moindre intensité que ceux que doivent désormais résoudre les pays occidentaux sur lesquels nous comptons.
Et que si l’indice de corruption qui accable nos pays et donne du souci est mis en exergue contre eux, c’est moins parce que nos sociétés sont plus corrompues que les leurs mais qu’absolument, nos dirigeants à tous les niveaux le sont plus que les leurs, leur pouvoir étant moins absolu. Et cette logique pèse sur les ressorts de l’aide au développement sauf que l’exigence des alliances politiques et militaires et celle de la coopération inégale les occultent souvent.
Ainsi Mamadou Mbodj du Forum civil, sur le chapitre de la corruption dans sa seconde vie dans la société civile, aura beau dire, il savait dans une vie antérieure «qu’une plus ferme volonté politique des dirigeants politiques africains» ne suffira pas à l’éradiquer.
Étendue désormais aux fonctionnaires et officiers des armées, annonce la presse après la séquence Tahibou Ndiaye et famille, la traque des biens mal acquis accélérée par un nouveau ministre de Justice issu de la société civile internationale ne fera qu’atteindre plus vite ses limites politiques inhérentes à l’ancienne proximité des libéraux au pouvoir d’une part et ceux en prison ou qui seraient emmenés à s’y trouver, d’autre part. Les menaces de déballage de l’ancien Directeur du Cadastre Tahibou Ndiaye n’ont apparemment pas ébranlé le pouvoir mais ils promettent une vendetta judiciaire au futur et au gré de l’alternance dont la justice sera l’instrument à travers la même juridiction d’exception ou selon son inspiration.
Le secteur privé de son côté n’en mène pas large. Il s’en remet à la recette bientôt éculée des Assises nationales pour régler ses nombreux problèmes de survie avec la vague de fermeture d’entreprises. Le Conseil national du patronat (CNP), après avoir survécu à la bourrasque des nouvelles politiques imposées par les institutions financières internationales et la fusion en son sein du Syndicat des patrons des industries du Sénégal (SPIDS) notamment, se retrouve à invoquer l’intervention de l’Etat dans la même veine que l’autre organisation rivale, la confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES) dont la préférence nationale était l’argument théorique de cette intervention.
Or l’une des plaies d’Égypte de notre pays est bien l’immixtion du pouvoir d’Etat dans les divers secteurs économiques constitués par des capitaux peu ou prou autonomes et finalement la posture de rivalité qui en a découlé entre les professionnels de ce secteur et des tenants du pouvoir au plus haut niveau.
Quoique le patron du CNP Baïda Agne projette l’image d’un rassembleur, l’opinion passablement informée pourrait s’étonner du silence de son organisation sur les avatars de l’investissement du capital étranger sous nos latitudes par d’audacieux actionnaires. Le plus saillant est la déconvenue de cet Italien qui a mis sur pied une entreprise de transport en commun composée d’unités de taxis dont, aux dernières nouvelles, la majorité des chauffeurs sont en goguette depuis des lustres oubliant de verser leur recette quotidienne.
Ce n’est certainement pas sous de pareils auspices que vont écore les velléités d’associations des patrons au niveau africain et international comme celle qu’annonce Mbagnick Diop, président du MDES, et qui regrouperont les patrons de France et d’Afrique. Le plus désarçonnant serait que chaque organisation patronale soit non pas représentative de francs intérêts capitalistes mais encore soit d’affiliation politique inavouable.
Car c’est bien connu, les politiciens ne sont pas dignes de confiance. Leur double langage sibyllin couve souvent des actes pendables. Pour ne pas déroger à cette règle, le président français François Hollande, avant même la fin du sommet sur la Paix et la Sécurité en Afrique, annonce l’envoi des troupes en Centrafrique. L’opération Sangaris avec son effectif de 1 200 hommes, a vocation d’éviter une catastrophe humanitaire. Elle sera rapide et son succès est assuré.
Le sapeur-pompier en chef n’a-t-il pas des tendances de pyromane ? Ceux qui mettent à son compte la prise du pouvoir à Bangui des rebelles de la Séléka, une coalition militaire à dominante musulmane dont certains commandants sont venus du Tchad et du Soudan, le pensent. Tant mieux pour les syndicalistes de la SONATEL qui viennent de déclarer la guerre à France TELECOM, le partenaire stratégique de leur société qu’ils accusent de mijoter la suppression de 250 emplois, que la France de Hollande ait des soucis majeurs ailleurs.