Le piège de l’unanimisme !
‘’Le Vice, le Courtisan, le Malheur et l’Amour ne connaissent que le présent’’ - Honoré de Balzac
La dernière intifada à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar aura révélé au moins une chose : dans la course vers l’unanimisme, les sénégalais seront bientôt imbattables, dans le monde. Tout le monde veut plaire au Prince ! Comme si le silence était subitement synonyme de crime, responsables politiques, de la société civile et même de la sphère religieuse ont rivalisé d’ardeur, dans une folle ruée… vers une Alliance pour des… condamnations.
On a vu des partis politiques qui, au départ, n’accordaient pas d’importance à cette affaire, être obligés de sortir de leur trou, parce que de l’autre côté, celui du pouvoir, l’on voit d’un très mauvais œil que ces alliés, conviés à la même table, n’entonnent point la symphonie que tout le monde débite. On a aussi vu une alliée, ministre-conseiller, oubliée dans son bureau au Palais monter au créneau, par la baraka de cette affaire, pour mettre en avant sa casquette d‘enseignante à l’Université et entonner l’hymne local du… ‘’Ce n’est pas normal..’’. Aminata Sow Sidibé, dénonce ainsi sa mise à l’écart qui explique en partie la pluie de cailloux sur le ‘temple’ de Cheikh Anta Diop, au grand dam de notre ‘’Président bien-aimé’’. Aurait-elle été consultée, elle qui connaît l’Université Cheikh Anta Diop du bout des doigts pour y avoir enseigné le droit civil, aux côtés de Paul Ngom, Serigne Diop etc.., les choses ne se seraient sans doute pas passées comme elles l’ont été, lors de la fameuse journée du 31 juillet 2015. Bref, on en aura vu… et entendu…
Point n’est cependant question de banaliser une affaire qui est le fait de quelques ‘’analphabètes’’ (des temps modernes) à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est évident qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas jeter des cailloux sur le cortège présidentiel. L’institution qu’est le président transcende nos personnes. Puisque nous sommes en République et que nous avons fait le choix de vivre ensemble, elle reste la seule vraie force commune qui tire sa puissance de nous. Mais à force de le dire, de le répéter, de le ré-répéter, on finit bien par s’en lasser.
En vérité il y a un tout autre problème qui consiste coûte que coûte à vouloir faire de ce scandale un business politique. Cela créé de façon quasi-virtuelle une autre affaire sur la première. La couche de vernis qui empêche donc de voir les vrais problèmes. Et lorsqu’on en met encore d’autres, cela donne des effets comme ceux qu’on retrouve dans la nature lorsque plusieurs states géologiques se superposent. Difficile à décrypter… Et comme pour rendre la situation plus inextricable, dans la chaleur de l’émotion des premiers jours, le ministre de l’Enseignement supérieur Mary Teuw Niane a pu déclarer que 10.000 à 20 mille étudiants n’avaient pas leur place à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Bigre ! Ces chiffres sont importants. Cela veut concrètement dire qu’il y a à Dakar à peu près le même nombre de ‘’bombes ambulantes’’. Où vont-ils donc trouver à manger, ces 10 mille, 20 mille étudiants ? Ce constat devrait plutôt inviter à prendre en charge intelligemment le problème au lieu de développer des postures guerrières, à la limite infantilisantes. Nous pensons sincèrement qu’il n’est pas souhaitable de voir un ministre emprunter le même registre langagier que les étudiants. L’argumentaire musculaire, ‘’adolescent’’ ne peut avoir de pertinence que lorsqu’il vient renforcer une planification sérieuse. Il ne peut pas en aucune façon être la norme…discursive. Il suffit de demander à Abdou Diouf (dont la formule de jeunesse malsaine est définitivement entrée dans l’histoire) ce que cela peut coûter d’engager un bras de fer avec des jeunes dont on reconnaît bien paradoxalement qu’ils n’ont absolument rien à perdre.
Il faut sans doute de l’intelligence et une volonté politique réelle pour gérer les problèmes qui se posent dans nos écoles et universités. Ils sont éminemment complexes. Et une autre de ces légèretés consiste à reprendre indifféremment la sempiternelle formule du budget national que nos enseignants bouffent sans aucune forme de vergogne. En le disant et répétant, non seulement cela aggrave la frustration chez ces citoyens qui sont très bien informés sur les avantages colossaux que se taillent certains hauts fonctionnaires mais encore, cette stratégie a étalé toutes ses limites à la fois sous Diouf et sous Wade. Combien de fois n’a-t-on en effet pas entendu les libéraux blablater sur l’argent du contribuable ‘’dilapidé’’ par les enseignants, alors qu’ils étaient au zénith de leur puissance ? Abdoulaye Wade lui-même organisait de séances de ‘’ndeupp’’ au Palais, en présence de syndicalistes acquis à sa cause, pour casser du piment sur le dos de ces enseignants. Le ministre de l’Economie et des finances, nouvel idéologue mal inspiré du régime, a pu donner des chiffres effarants sur la part du Budget attribuée à l’éducation. Selon lui, les crédits alloués à l’éducation ont augmenté de 279,6 milliards entre 2013 et 2015. Au total, entre 2010 et 2015,
2 804 milliards ont été ingurgités par ce secteur. Seulement les 84,4% sont destinés au fonctionnement, Si tout cet argent est annuellement décaissé sans donner des résultats probants, à qui la faute ? Le problème ne consiste-t-il pas à mettre tous les projecteurs sur la façon dont cet argent est dépensé, l’efficacité des affectations budgétaires, des procédures de contrôle plutôt que de s’attarder sur des formules littéraires creuses, sans aucune prise avec la réalité…
Post scriptum
Nous pensons que le Président Macky Sall devrait bien mûrir la ‘’jurisprudence’’ Wade qui a cru jusqu’au moment où il tombait en 2012, qu’il était l’égal des pharaons d’Egypte. Le plus intéressant dans la ‘’légende’’ de Wade, c’est que ce sont les ‘’plus radicaux’’, ceux de la Génération du concret, qui ont taillé la route en premier sans demander leur reste. Karim Wade lui-même ne s’en n’est pas encore remis. Attention aux flatteurs !